Prévention de la pénibilité : où en est-on en 2014 ?

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Interview de Faouzi Ouzzine, Formateur et Consultant en prévention des risques professionnels, AGIR Formation Conseil


Faouzi Ouzzine anime les formations :
- Evaluer et prévenir la pénibilité au travail
- Travail de nuit, travail posté, horaires décalés

Qu'entend-on aujourd'hui par « pénibilité » ?


La loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 caractérise la pénibilité de la manière suivante :

  • une exposition du salarié, au cours de son parcours professionnel, à un ou plusieurs facteurs de risques susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé ;
  • le fait que ces facteurs sont liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif ou à certains rythmes de travail.


L'article L. 4121-3-1 du Code du travail précise la définition de la pénibilité au travail :

  • Elle est caractérisée par une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.
  • Ces facteurs, déterminés par décret, sont liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail.


Par ailleurs, le dispositif réglementaire impose de nouvelles obligations à l'employeur :

  • pour toutes les entreprises : 
    -
     prévoir des actions généralisées de prévention de la pénibilité ;
    - recourir à un assistant sécurité : obligation pour l'employeur de recourir à un salarié de l'entreprise ou à défaut, à un intervenant extérieur dans sa mission de prévention des risques professionnels ;
    - établir une fiche individuelle de prévention des expositions : cette obligation concerne les salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels.
  • pour les entreprises de plus de 50 salariés ou appartenant à un groupe de plus de 50 salariés, et employant une proportion minimale de 50 % des salariés exposés aux facteurs de pénibilité :
    - une nouvelle obligation de négocier sur le thème de la prévention de la pénibilité depuis le 1er janvier 2012 ou, si la date est postérieure, depuis que cette situation est constatée, sauf à risquer une pénalité pouvant aller jusqu'à 1% de la masse salariale ;
    - en cas d'échec de la négociation ou en l'absence de délégués syndicaux, l'entreprise devra établir un plan d'action après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Quels sont les objectifs de ce dispositif réglementaire ?

 
2 volets  pour 3 objectifs :

1. Volet prévention
1er objectif (individuel) : assurer la traçabilité des expositions (article L. 4121-3-1 du code du travail) par la création d'une fiche individuelle d'exposition
2ème objectif  (collectif): prévenir la pénibilité à travers un accord ou un plan d'action (article L. 4121-3-1 du code du travail)

2. Volet compensation
3ème  objectif : permettre un départ à la retraite à 60 ans, sous réserve (article L. 351-1-4-1 du Code de la Sécurité Sociale)


Le décret n° 2011-353 du 30 mars 2011 précise, dans son article D 4121-5 du Code du Travail, les 10 facteurs de pénibilité regroupés au sein des 3 groupes :

1 - Au titre des contraintes physiques marquées
- les manutentions manuelles de charges définies à l'article R. 4541-2 ;
- les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
- les vibrations mécaniques mentionnées à l'article R. 4441-1.

2 - Au titre de l'environnement physique agressif
- les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60, y compris les poussières et les fumées ;
- les activités exercées en milieu hyperbare définies à l'article R. 4461-1 ;
- le bruit mentionné à l'article R. 4431-1 ;
- les températures extrêmes.

3 - Au titre de certains rythmes de travail
- le travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-29 à L. 3122-31 ;
- le travail en équipes successives alternantes ;
- le travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d'une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini.


On peut aussi noter des évolutions réglementaires en 2012 :

  • le décret n° 2012-136 du 30 janvier 2012 relatif à la fiche prévue de prévention des expositions et le décret n° 2012-134 du 30 janvier 2012 tirant les conséquences de la création de la fiche prévue à l'article L. 4121-3-1 du code du travail ;
  • et un arrêté du 30 janvier 2012 relatif au modèle de fiche prévu à l'article L. 4121-3-1 du code du travail.

Quels sont les changements induits par la Réforme des retraites du 18 décembre 2013 en matière de pénibilité ?


La nouvelle réforme des retraites entend instaurer un compte personnel de prévention de la pénibilité, dès 2015. Il s'agit, en s'appuyant sur les outils de prévention mis en place par les précédentes réformes, de compléter le volet compensation.

Ce compte individuel pénibilité serait ouvert pour tous les salariés, mais seuls les salariés exposés à au moins un des 10 facteurs de risque de pénibilité accumulerait des points sur ce compte.  Il serait crédité d'un nombre de points en fonction des situations inscrites sur les fiches de prévention des expositions prévues par l'article L 4121-3-1 du code du travail.

Ces points donneraient droit :

  • à du temps rémunéré au cours de la carrière pour se réorienter vers un métier moins exposant aux facteurs de pénibilité ;
  • à un temps partiel en fin de carrière avec compensation de la baisse de rémunération ;
  • à un rachat de trimestres de cotisations de retraite, pour partir plus tôt à la retraite.

Quels sont les travailleurs les plus touchés ?


Aucun secteur n'est véritablement épargné, mais certains sont plus touchés que d'autres. On peut citer l'industrie, le BTP, la grande distribution...

3,3 millions de salariés concernés par la pénibilité : c'est ce qu'estime une étude d'impact sur la réforme des retraites du gouvernement, citée par Les Echos. Selon le quotidien économique, les salariés concernés par la pénibilité se trouvent en particulier dans les secteurs du commerce, de la réparation automobile et motocycle (569.000 salariés), de la construction (374.000) ou encore des transports et de l'entreposage (345.000). « Curieusement, l'étude d'impact ne fait pas mention des secteurs de la chimie, de la sidérurgie ou encore de l'automobile », soulignent Les Echos.

Le journal note que les jeunes travailleurs sont les plus concernés (20,48% pour les moins de 25 ans), tandis que les 60 ans et plus représentent tout de même 12,29%.

Les facteurs de pénibilité les plus souvent rencontrés sont le port de charges lourdes, qui concerne 6,10% de la population salariée, ainsi que les postures pénibles (6,5%). Reste une interrogation sur les seuils d'exposition (durée, fréquence, intensité), qui seront fixés par décret après « concertation avec les acteurs sociaux ».

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les entreprises en matière de prévention de la pénibilité ?


La question des seuils est systématiquement soulevée.
La définition dans le droit positif des facteurs de pénibilité ne renvoie à aucun seuil d'exposition en termes de fréquence, de durée ou d'intensité, notamment pour la fiche individuelle d'exposition.

La consignation dans la fiche va donc dépendre d'un seuil qui sera apprécié de manière relative. Tout dépendra, en effet, de « la responsabilité » de l'employeur, de son engagement dans la démarche, de la prise en compte de la pénibilité ressentie, des acteurs en présence, de leur détermination... Autant de facteurs qui risquent de creuser des fractures déjà existantes entre les entreprises et notamment les PME et les grands groupes.

Le calcul de la proportion des salariés exposés, le diagnostic, la prise en compte des RPS comme facteur supplémentaire de la pénibilité  vécue ou ressentie sont également des questions qui reviennent souvent et pour lesquelles les entreprises attendent des réponses et ont besoin d'être accompagnées.

Quelles sont les étapes essentielles à respecter pour mettre en œuvre une démarche de prévention de la pénibilité ?


Les 5 étapes à mettre en œuvre sont :

  1. Identifier les objectifs et le périmètre de la démarche
  2. Réaliser un diagnostic partagé des situations de pénibilité et  évaluer la proportion de salariés affectés par les risques
  3. Définir le plan d'action
  4. Mettre en œuvre les actions et pérenniser la démarche
  5. Evaluer et suivre l'action dans la durée



14/01/2014

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