Interview d'Isabelle Izard et Véronique Bonnet, 2 spécialistes de la créativité

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1/ Dans le contexte actuel, la créativité est plus que jamais un objectif fondamental pour se démarquer. En quoi le processus créatif est-il important pour insuffler un nouvel élan aux entreprises en temps de crise ?

Veronique Bonnet : Distinguons bien innovation et créativité. La créativité est une compétence humaine, l'innovation est une compétence de l'entreprise. Entendu qu'il n'y a pas d'innovation sans créativité. Cela dit, dans un monde inondé d'offres plus ou moins superflues, surprendre en proposant quelque chose de nouveau est une façon d'éveiller l'intérêt. L'innovation a toujours été un élément fondamental de création de valeurs pour les entreprises. Mais en période de crise, l'absence d'innovation peut s'avérer fatale.

Isabelle Izard : Les Chinois représentent le mot "crise" en utilisant un idéogramme composé de deux éléments : l'un signifie "danger", l'autre "opportunité". Les grandes innovations sont nées dans les périodes de grande récession. Face à la crise actuelle, les métiers vont changer, de nouveaux business model vont être inventés, les modes de vie, les moyens de transport et de communication vont profondément se transformer. Cette vague va emporter ceux qui sont trop rigides, incapables de changer leurs habitudes. Elle va favoriser les individus créatifs, flexibles, mobiles, capables d'inventer en permanence des solutions individuelles et collectives d'adaptation au changement. Seules vont subsister les entreprises et les institutions créatives

Veronique Bonnet :  En effet, ces périodes de transitions invitent chacun de nous, clients ou consommateurs en puissance, à revisiter nos systèmes de valeurs, nos priorités, notre échelle des besoins.... Les grands changements climatiques, écologiques, technologiques bousculent nos usages, modifient nos pratiques. Jamais les métiers du marketing n'ont été aussi chahutés. De nouvelles contraintes font jour, de nouvelles opportunités aussi ! Et pour qu'elles nous soient révélées, il est nécessaire d'adopter les savoirs-être et savoirs-faire de la créativité. 

 

2/  Fluidité, flexibilité... selon vous quels sont les bons réflexes à adopter au quotidien pour libérer la créativité individuelle et collective ?

Veronique Bonnet : Le processus de la créativité est à mes yeux LA pédagogie pour apprendre à percevoir ces mouvements, pour apprendre à les accueillir avec empathie et à les intégrer avec enthousiasme dans notre système de pensée et se donner une chance de les transformer en leviers d'innovation. Les bons réflexes sont à mes yeux de 2 ordres : savoir douter et savoir ne pas douter. Je m'explique. Il convient de se mettre en contact avec ses étonnements et tous les petits séismes de notre quotidien par l'écoute, l'observation, le questionnement, la curiosité ; et d'autres part  faire confiance à son génie créatif et oser se laisser guider par la croyance qu'une solution ou alternative existe pour résoudre un problème ou atteindre un objectif ambitieux.

Isabelle Izard :Oui, il faut tout d'abord décider que l'on est créatif ! Nous avons tous la WAAC ( we are all creative) il suffit de regarder les enfants et leurs stratégies inépuisables pour repousser l'heure d'aller se coucher. Combien de fois n'ai-je pas entendu dans des séminaires ou dans la vie quotidienne de phrases tueuses d'idées du type  «de toute façon,  je ne suis pas créatif «  ou encore «  je n'ai pas de bonnes idées ».  C'est  sur cette fausse croyance  que nous nous attaquons en premier en  formation en aidant les individus à prendre conscience de leur potentiel créatif. Avant d'activer sa créativité, fluidité, flexibilité, il faut d'abord  se révéler comme créatif.

Véronique Bonnet : Le premier levier et le premier frein de la créativité, c'est soi-même ! C'est donc bien le point de départ.

 

3/  Quels conseils ou méthodes recommandez-vous pour mettre en place une démarche créative efficace au sein des organisations ?

Veronique Bonnet : Ce qui est particulièrement constructif dans les processus créatifs c'est qu'ils se fondent sur la valorisation des personnes et de leurs singularités...  Ceci a un coût élevé en termes de responsabilité individuelle et collective, de mode de gouvernance, de communication, de transparence, d'exemplarité. Aussi mon premier conseil serait de valoriser la prise de risque et de poser des indicateurs d'évaluation dynamiques vs statiques ; De mesurer le chemin parcouru d'un collaborateur vs sa position, son statut ou exclusivement le résultat produit. Apprendre à apprendre est à mes yeux fondamental. Les savoirs sont de plus en plus disponibles et à la portée de tous. Le déclencheur d'une stratégie créative, c'est avant tout d'oser partir à l'aventure, d'oser agir avec l'inconnu, c'est de se mettre en marche et apprendre en marchant. Dans ce contexte, je conseillerais aussi aux entreprises d'être vigilantes à apprendre de leurs échecs et à fêter leur succès. C'est ce qui sera le modèle économique de demain et que je nomme  "L'économie de l'expérience ®'.

Isabelle Izard : J'aime bien le mot méthode car selon moi la créativité, c'est du travail ! Ou pour citer  Edison, l'inventeur de l'électricité « Le génie est fait de un pour cent d'inspiration et de quatre-vingt-dix-neuf pour cent de transpiration ». Néanmoins avant de mettre en place une « méthode » ou des process  d'innovation dans les organisations, il faut s'assurer que l'environnement et le climat de l'entreprise sont propices à la créativité. Comme par exemple créer un environnement physique  ouvert et énergisant, ou encore ( et surtout) que les managers au quotidien soient dans véritablement dans l'accueil des nouvelles idées. La créativité, c'est avant tout de l'humain.

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