Risques juridiques du Web 2.0 : l'interview de Maître Eric Barbry

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Maître Eric Barbry est avocat à la cour et directeur du Pôle Droit du numérique au sein du Cabinet Alain Bensoussan.

Retrouvez le lors de la formation Actualités juridiques des systèmes d'information.

Quels sont les principaux risques juridiques du Web 2.0 pour les SI ?

La fuite d'informations et l'intelligence économique constitue un des risques du web 2.0. En effet, s'il était compliqué sur le Web traditionnel de recouper et enrichir les informations ; sur les réseaux sociaux, c'est beaucoup plus aisé car les informations se trouvent au même endroit. Une entreprise peut savoir ce que fait son concurrent quasiment en temps réel, si les collaborateurs « racontent » leur activité au quotidien.

La propriété intellectuelle est également menacée par l'utilisation des médias sociaux. Il s'agit d'un univers où la notion de partage est prégnante ce qui est plutôt opposé à la propriété intellectuelle.
Ces deux problèmes que l'on rencontre souvent touchent la protection du patrimoine informationnel et de la propriété intellectuelle de l'entreprise.

Enfin le risque principal des réseaux sociaux est celui qui porte atteinte à la réputation de l'entreprise. En effet, celle-ci peut être la cible d'attaque qui en quelques minutes ou quelques heures provoquent des effets dévastateurs, notamment pour les entreprises cotées en bourse.

Quels moyens peut-on mettre en place en amont pour se prémunir de ces risques ?

On peut tout d'abord établir des « règles du jeu » d'utilisation des médias sociaux qui soient les mêmes pour tous. Les salariés mais aussi les partenaires de l'entreprise (fournisseurs, distributeurs, franchisés...) doivent avoir connaissance de ce qu'ils ont le droit de dire ou non sur les réseaux sociaux à propos de l'entreprise.
De même, il faut définir des règles avec les tiers : encadrer ce que les internautes qui visitent les comptes de l'entreprise (page facebook, LinkedIn...) y disent. La page appartient à l'entreprise, celle-ci n'a pas à accepter des remarques ou critiques sur sa propre page.
On voit de plus en plus de règles accessibles en ligne où l'entreprise explique qu'elle accueille les visiteurs mais qu'elle se réserve le droit de modérer les contenus et supprimer ceux qui sont inappropriés.

L'entreprise peut aussi solliciter les services de prestataires spécialisés pour mettre en place des mécanismes de surveillance. Ces prestataires disposent de solutions technologiques qui, sur la base de mots clés, examinent les réseaux sociaux pour vérifier et contrôler ce qui y est diffusé. Le budget investi dépend du nombre et de la nature des mots clés ainsi que du nombre de médias sociaux que l'on souhaite surveiller. Le prestataire fournit un rapport qui permet de savoir comment réagir en fonction des risques encourus par l'entreprise : supprimer le contenu ou dialoguer avec l'internaute concerné.

Un autre moyen de se prémunir est de nommer un référent interne ou externe qui sera chargé de modérer et d'animer une communauté. Dans ce cas également il faudra définir le cadre de son activité : que peut-il faire ou ne pas faire ? Jusqu'à quel niveau peut-il aller pour encourager les gens à s'exprimer ?
Certains Community Managers encadrent et savent encourager un discours des internautes qui valorise l'entreprise, on reste dans le domaine de la concurrence loyale. D'autres au contraire sont beaucoup plus agressifs et vont encourager la critiques, ce qui constitue une concurrence déloyale. Il faut donc y faire attention.
D'autres pratiquent de concurrence déloyale se répandent actuellement : l'achat de fans ou les faux avis d'internautes ; des critères qui influencent fortement les comportements de consommation.

Il est également important pour l'entreprise lors du lancement d'un nouveau média social (environ un tous les 3 mois) de s'interroger : faut-il y aller ? Si oui, combien investir ?
Trois options : y aller, ne pas y aller ou y aller progressivement.
Si l'entreprise décide de ne pas investir il faut au moins qu'elle se protège en enregistrant toutes les pages nécessaires pour éviter qu'un concurrent ou internaute ne puisse s'exprimer en son nom (comme on a pu le faire précédemment avec les noms de domaines).
La prise de décision doit se faire selon un critère économique (combien cela va couter et rapporter ?), un critère technique (solliciter un prestataire ou non ?) et surtout un critère juridique : les conditions d'utilisation proposées par le média social sont-elles satisfaisantes pour l'entreprise, notamment en matière d'utilisation des contenus ?

E-réputation : comment réagir face à une attaque sur les réseaux sociaux ?

Parlons d'abord de ce qu'il ne faut pas faire. Il ne faut pas se faire vengeance soi-même, même si c'est tentant. Il ne faut pas utiliser les mêmes moyens que le concurrent « voyou ».
Il existe des méthodes techniques qui permettent le repositionnement ou sur-positionnement : grâce à un référencement plus intelligent on fait remonter les bonnes pages dans les premières lignes des moteurs de recherche et on fait progressivement disparaitre les attaques.
La méthode juridique quant à elle, permet d'identifier l'éditeur du contenu illicite et d'en obtenir la suppression. Le tribunal ordonne au média social concerné de transmettre toutes les informations dont il dispose pour l'identification de l'éditeur du contenu, cela peut être combiné à une demande de suppression ou suspension du contenu. Sur la base des informations collectées il y a trois options : l'assignation, la mise en demeure ou la sommation d'huissier.

On peut aussi faire une demande amiable de suppression du contenu directement à la plateforme sociale concernée. Mais la voie judiciaire est beaucoup plus efficace en termes de temps consacré et de mise en œuvre. Les plateformes même à l'international ont plutôt tendance à appliquer les décisions de justice.

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