Efficacité professionnelle

« Faire plusieurs choses en même temps génère une fatigue invisible » : comment rester focus au travail

Mails, messages sur Slack, Teams, WhatsApp, discussions entre collègues, tâches qui s’ajoutent au fil de l’eau… pas facile de rester concentré au travail. Voici les recommandations de deux psychologues du travail pour moins papillonner et être plus productif.

Quand Morgane* est en télétravail, elle laisse son portable sur son bureau, devant elle. « Dès que son écran s’allume avec une notification, je ne peux pas m’empêcher de le consulter… » Un message de son compagnon, un autre d’une copine… « Ça me déconcentre de mes tâches, mais je n’arrive pas à me résoudre à éloigner mon téléphone », lâche la trentenaire.

Au bureau, en revanche, cette cheffe de projet dans un grand groupe n’ose pas autant dégainer son portable personnel. « J’ai un téléphone pro, et j’ai peur que ça ne fasse pas sérieux si on me voit sur mon perso… » Mais il y a autre chose qui la distrait : les discussions de ses collègues dans l’open space. « Quand ils évoquent des projets sur lesquels je travaille ou se racontent des potins, je tends l’oreille », sourit-elle.

Alors, pour ne pas être trop dispersée, elle se bloque un créneau dans son agenda pour chaque tâche à effectuer, avec un temps limité. « J’essaie de m’y tenir et je m’accorde des petites récompenses : je me dis ‘allez, après ça, je peux me faire un café’. Ou quand je suis en télétravail : ‘après ça je peux glandouiller dix minutes sur Insta’. »

Pour Margaux Tancrède, réserver des créneaux pour des tâches est une bonne méthode. « On peut aussi leur attribuer des couleurs : du bleu pour les réunions internes, du orange pour les réunions avec des clients… Cela permet d’avoir une vision claire de son agenda et de le maîtriser. Une première étape essentielle pour éviter de se disperser », explique cette psychologue du travail chez Moka. Care, entreprise spécialisée dans la santé mentale au travail.

Prioriser

Pour gagner en concentration, mieux vaut être bien organisé et hiérarchiser ses tâches. « Pour ce faire, vous pouvez utiliser la matrice d’Eisenhower qui consiste à classer chacune d’elles selon deux critères : son importance et son urgence », suggère Margaux Tancrède.

Elles doivent être réparties en quatre catégories :· « Important et urgent » : à faire immédiatement vous-même (exemple : finaliser un dossier à rendre, résoudre un problème bloquant…).· « Important et peu urgent » : à planifier dans votre agenda (préparer une présentation, avancer un projet de fond, se former…).· Urgent et peu important : à déléguer ou à traiter rapidement (répondre à un e-mail simple, transmettre un document demandé par un collègue…).· Ni urgent, ni important : à supprimer ou reporter (exemple : notifications sans enjeu, tâches non prioritaires).

« Cette méthode peut se pratiquer sur papier au début, puis devenir un réflexe mental, développe Margaux Tancrède. L’idée n’est pas de remplir mécaniquement toutes les cases, mais de repérer trois à cinq tâches importantes chaque matin pour savoir où concentrer votre énergie. »

Vous pouvez également organiser votre journée en fonction du niveau d’attention et d’implication requis par les tâches que vous devez boucler. Si vous êtes plus productif le matin, c’est le moment idéal pour réaliser celles qui nécessitent une concentration accrue. Et à ceux qui ont tendance à faire plusieurs choses à la fois, Margaux Tancrède recommande d’y renoncer : « Le multitasking génère une fatigue cognitive invisible. Concentrez-vous plutôt sur une seule tâche pour la mener à bien avant de passer à la suivante. »

Faire des pauses régulières

Qui veut voyager loin ménage sa monture. « Il faut faire des pauses pour être efficace », martèle Margaux Tancrède. Mais à quelle fréquence ? Pendant combien de temps ? Certains salariés se basent sur la méthode Pomodoro, une des techniques de gestion du temps les plus connues.

Elle consiste à alterner des sessions de travail de vingt-cinq minutes avec de courtes pauses de cinq à dix minutes. Après trois ou quatre sessions, il est l’heure de vous octroyer une pause plus longue de vingt à vingt-cinq minutes. S’accorder des breaks est aussi primordial pour votre santé physique : si vous passez la journée assis, l’Anses préconise d’effectuer des pauses de cinq minutes toutes les trente minutes, incluant de la marche ou des exercices physiques, pour lutter contre la sédentarité et ses conséquences sur la santé.

Consulter vos messages à des moments dédiés

Comme Morgane, votre journée de travail est peut-être perturbée par les notifications. D’où l’intérêt de les couper. Par exemple, en vous mettant en mode « ne pas déranger » sur Slack ou sur Teams.

« Le mieux est de réserver des plages horaires pour consulter vos messages, selon les impératifs que vous avez au travail. Par exemple, trois fois par jour », indique Margaux Tancrède. Même chose avec votre téléphone personnel. « Il est rare qu’une situation soit si grave qu’elle nécessite d’être joignable à la minute près », rappelle Laure Miché-Roche, psychologue clinicienne spécialiste de la question du travail.

Au bureau, des collègues viennent peut-être vous parler alors que vous étiez absorbé par une tâche. Pour ne pas l’oublier, notez-la pour vous y remettre ensuite. « N’hésitez pas à leur demander si votre échange peut attendre, pour ne pas rompre votre moment de concentration et discuter à un moment plus opportun pour vous », avance Laure Miché-Roche. Le casque antibruit peut aussi être un allié précieux, si les discussions ambiantes vous dérangent.

L’importance de bien dormir

Il peut aussi être judicieux de prendre du recul et de réfléchir aux causes de votre manque de concentration. « On se laisse moins distraire quand on s’amuse, quand la tâche nous intéresse, observe Laure Miché-Roche. Est-ce le signe que vous vous ennuyez au travail ? »

Votre capacité à vous concentrer dépend aussi de votre sommeil. « Si vous en manquez, cela va influer négativement sur votre concentration. D’où l’intérêt de faire des microsiestes ! » indique Margaux Tancrède. Enfin, votre difficulté à vous concentrer au travail résulte peut-être de difficultés personnelles : une dispute avec votre conjoint, des soucis de santé… « Dans ces moments-là, il faut se pardonner », avance Laure Miché-Roche.

* Le prénom a été modifié.

Chloé Marriault

 

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