Si des entreprises cherchent à réduire le télétravail, on ne peut pas parler d’inversion de tendance, montre une étude de l’Observatoire du télétravail. Cette dernière indique qu’un salarié sur deux se déclare prêt à démissionner en cas de suppression du télétravail.
« Télétravail : stop ou encore ? » Ces derniers temps, les cas d’entreprises remettant en question ce mode d’organisation du travail qui a changé de dimension depuis le Covid, se sont multipliés. Mais derrière ces annonces souvent très médiatiques, l’enquête réalisée par l’Observatoire du télétravail (créé par l’Union des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT) montre qu’il n’y a pas véritablement de contre-révolution.
De fait, 77 % des salariés du privé et du public affirment que le recours au travail à distance n’a pas été supprimé, selon l’étude réalisée entre mars et mai 2025 auprès de 5.000 répondants, dont 62 % de cadres et 26 % de professions intermédiaires.
« Recul du nombre de jours télétravaillés »
Seules 7 % des personnes interrogées notent que le travail à distance a été supprimé « dans certains services ». 31 % des personnes interrogées signalent que leur employeur encourage le retour sur le site « de manière informelle ». La proportion de personnes qui ne sait pas ce qu’il en est n’est pas négligeable (12 %).
Ce n’est pas tant la suppression du recours au télétravail qui est à l’oeuvre mais plutôt un recul du nombre de jours télétravaillés dans la semaine », souligne l’enquête. Le mouvement n’est cependant pas – ou pas encore – suffisant pour modifier le poids global de cette forme particulière d’organisation du travail. L’enquête montre que lorsqu’elle existe, elle s’applique en moyenne deux jours par semaine, comme en 2023.
Les salariés qui pratiquent le travail à distance ne vont pas s’en plaindre. Visiblement très attachés à pouvoir travailler chez eux, 73 % des répondants affirment « très bien vivre leur situation de télétravail » et 22 % la vivre « plutôt bien », contre 1 % qui la vit « très mal » et 4 % « plutôt mal ». Un salarié sur deux se déclare même prêt à démissionner en cas de suppression du télétravail.
Débat sur la productivité du télétravailleur
C’est particulièrement le cas chez les jeunes qui sont surreprésentés parmi ces « accros » au télétravail : 22 % ont moins de 30 ans contre 10 % parmi l’ensemble des répondants. Les seniors n’en représentent que 11 %. « A partir du moment où on a acquis une certaine stabilité professionnelle, ça peut être plus compliqué et il faut aussi compter avec la difficulté à trouver un autre emploi », a souligné Emmanuelle Lavignac de l’Ugict-CGT, qui dirige l’observatoire.
Le fort attachement au télétravail constaté globalement ne tient pas au fait de pouvoir moins en faire. S’il y a débat sur la productivité du télétravailleur, seules 4,5 % des personnes ayant répondu à l’enquête déclarent travailler moins qu’en présentiel. Pour 18 %, c’est l’inverse. Pour 77 %, la durée du travail est inchangée.
L’attachement se mesure aussi par le relativement faible succès de la proposition testée dans l’enquête d’un retour à plein temps sur le lieu de travail en échange d’une réduction du temps de travail avec maintien du salaire. Moins de la moitié des répondants sont prêts à toper.
Un « palliatif » à l’arrêt maladie
Les travaux de l’observatoire explorent en outre un sujet rarement évoqué mais qui est pourtant source de productivité, celui du télétravail comme « palliatif » à l’arrêt maladie. 76 % des personnes interrogées déclarent en effet avoir déjà télétravaillé tout en étant malade. Les raisons invoquées sont nombreuses : pas de rendez-vous avec un médecin, des « symptômes légers d’une maladie chronique », mais aussi une charge de travail trop importante ou le moyen d’éviter une perte de salaire… La garde d’un enfant est également évoquée.
L’enquête pointe par ailleurs un sujet récurrent : celui des managers, « les grands oubliés du télétravail », note Emmanuelle Lavignac. « « Vous devez gérer des satellites, faites au mieux », leur dit-on », résume Caroline Diard, professeure associée à TBS Education département Management des ressources humaines et droit des affaires, qui a travaillé sur l’enquête. Celle-ci montre qu’ils sont plus fréquemment que les autres salariés à être stressés et à manquer de sommeil. 71 % déclarent ne jamais avoir été formés au management à distance et 9 % l’ont été, mais insuffisamment.
Leïla de Comarmond