Droit du travail et dialogue social

A quoi sert le dialogue social en entreprise ?

Savoir utiliser le Dialogue social en entreprise

Le dialogue social est un levier de performance économique. Peu de dirigeants et de managers se retrouveront dans cette affirmation, car elle n’est vraie que sous certaines conditions. La pratique de ce dialogue, telle que nous l’avons forgée ensemble chez Solvay, entreprise de chimie belge de 155 ans, présente dans 55 pays avec ses 27.000 salariés, peut donner une idée des exigences qu’il faut se fixer.

Le maître mot, c’est de créer la confiance. Les plus grandes transformations de Solvay, y compris les plus difficiles comme des restructurations ou des cessions d’activité, n’ont pu réussir qu’avec une relation de confiance qui s’est nouée au fil du temps entre la direction et les représentants des salariés.

Transparence et anticipation

Cette confiance ne se décrète pas. Solvay la bâtit avec les partenaires sociaux sur trois piliers. La transparence : ce qui est caché fait naître la suspicion. L’opacité nourrit tous les fantasmes, même les plus absurdes. Et ce qui doit rester confidentiel doit être justifié. Il faut savoir aller loin dans le partage, même si cela conduit à prendre des risques. Le second pilier, c’est l’anticipation, en annonçant tôt les projets. Savoir préparer les esprits est capital et évite bien des blocages le jour venu. Le troisième pilier, c’est le respect des engagements pris, qu’il s’agisse des accords collectifs ou des engagements verbaux.

Une telle démarche est exigeante, parfois challengée par le management qui craint un ralentissement du processus de prise de décision ou par des représentants des salariés qui pointent ici ou là des oublis, voire des défaillances.

Pour réussir, plusieurs conditions sont nécessaires. D’abord, se doter d’une politique du dialogue social qui ne soit pas dictée par le droit. Il s’agit plutôt de se demander ce qu’il est utile de faire pour l’entreprise. Rien n’obligeait Solvay à se doter dès 2014, par accord, d’un intéressement mondial, fondé sur des indicateurs de performance économique et de développement durable. Rien n’obligeait Solvay à se doter en 2015 d’un comité mondial de représentation des salariés, le Solvay Global Forum, sauf à se dire qu’il était injustifiable de laisser à la porte du comité européen les représentants non-européens.

La seconde condition est d’accepter de traiter tous les sujets qui concernent les salariés. Il n’y a, en effet, pas de limite au dialogue social, sauf l’absence d’efficacité. Aucun sujet n’est tabou. Ceci ne signifie d’ailleurs nullement être d’accord sur tout. A l’expérience, nos échecs ne résultent pas de désaccords ; ils résultent de situations où on ne s’est pas parlé du tout, ou trop tard.

Faire preuve d’humilité

Il faut aussi des interlocuteurs de qualité. L’affaiblissement du syndicalisme est un drame. L’entreprise se doit d’encourager à l’engagement représentatif, qu’il soit syndical ou électif, de développer et reconnaître les compétences acquises par les représentants des salariés. Il faut aussi se donner du temps. Face à la pression des marchés, la tentation c’est d’aller vite, trop vite. L’écoute, la co-construction, la prise de décision, la communication et la mise en oeuvre, tout cela demande du temps.

Dernière condition : faire preuve d’humilité. Le top management ne sait pas tout ; les représentants du personnel remontent des situations que les filtres managériaux bloquent et apportent très souvent des idées pertinentes.

Abandonner le modèle traditionnel de défiance réciproque est possible. Pour cela, le management doit effectuer une révolution consistant à passer d’une attitude défensive classique à un mode pro actif de sollicitation des représentants du personnel ; pour ces derniers, la révolution n’est pas moindre car il n’est pas toujours facile de passer d’un mode contestataire, plus confortable, à un mode constructif.

Albert Kruft, syndicaliste allemand, secrétaire du comité européen et coordinateur du Comité mondial de représentation du Groupe Solvay. Jean-Christophe Sciberras, DRH France du Groupe Solvay.

 

Laisser un commentaire