Les évolutions dans le secteur de la petite enfance
Action sociale

Evolution du secteur de la Petite Enfance

Les évolutions dans le secteur de la petite enfance

Interview de Madame Bettini, présidente de séance sur la 20ème Conférence Petite Enfance des 11-12 juin 2018

En 20 ans, comment décririez-vous les évolutions du secteur Petite Enfance  ?

La politique Petite Enfance a suivi des changements de préoccupations vis-à-vis de l’enfant. Si l’on devait présenter un historique de la politique Petite Enfance, je distinguerai 4 grandes périodes de prise en compte de l’enfant. Dans les années 70, la mortalité infantile était encore assez élevée, l’accent était donc mis sur des objectifs d’hygiène en structure d’accueil.

Par la suite, dans les années 80, la politique d’éducation a pris de l’importance et s’est traduite par des actions afin d’encourager le développement des enfants et l’arrivée d’une nouvelle fonction : l’Educateur Jeunes Enfants. Les années 90 sont marquées par la problématique de la précarité dès la crèche, avec des actions de politique sociale. Plus récemment, dans les années 2000, l’accent est mis sur des objectifs sécuritaires : confinement, responsabilités individuelles…

Ces changements ont eu un impact sur les métiers de la Petite Enfance. Par exemple, on voit bien qu’aujourd’hui, avec les aspects « sécuritaires », le personnel a de nouvelles obligations, ce qui n’était pas le cas avant. On est passé d’une responsabilité collective à des obligations individuelles : des responsabilités sont confiées à chaque membre de l’établissement d’accueil, avec une grande attention à la sécurité vis-à-vis des enfants. Aujourd’hui, le maître-mot est : vigilance constante du personnel y compris lors de la surveillance de la sieste.

J’aimerais aussi aborder un autre axe d’évolution de la politique Petite Enfance, plus récent. En effet, avec le baby boom des années 2000, la CNAF a fortement incité les structures à ouvrir de nouvelles places pour accueillir plus de tout-petits. Or depuis 2014, les naissances sont moins nombreuses, la demande de places en crèche est donc en baisse, d’autant plus que les écoles maternelles sont incitées à accueillir les enfants dès 2 ans.

Je connais certaines villes où il n’y a même plus de listes d’attente pour les places en crèche ! La CNAF soumet donc les établissements d’accueil à une logique d’optimisation des places, ce qui est un vrai changement de logique par rapport aux années 2000.

La nouvelle COG 2018 – 2022 est très attendue mais les contours de ses grands axes sont encore assez flous.

L’un d’eux concerne la simplification de l’accès aux droits, mais nous en saurons sûrement plus en juin prochain ?

En effet, nous attendons beaucoup des axes de la nouvelle COG. Pauline Domingo a d’ailleurs accepté de présenter en détail la COG 2018 – 2022 sur la 2ème journée de la Conférence Petite Enfance, ce sera l’occasion de lui poser plein de questions ! A l’heure actuelle, nous pouvons seulement dire que certes l’accès aux droits plus égalitaire fait partie des enjeux, mais l’axe central des préoccupations sera plus sûrement l’enjeu financier. Comment mieux optimiser les places et garantir de meilleures conditions de financement ?

Cela ne se fera sans doute pas dans la direction d’un assouplissement de ces conditions. Tout en préservant la qualité d’accueil, le personnel des établissements va devoir assumer des charges administratives plus importantes. Cela veut dire, par exemple, que les Directeurs de crèche vont devoir renforcer leurs compétences afin de gérer tous les aspects de la gestion administrative et financière de leur établissement. Sans oublier qu’ils doivent aussi assurer eux-mêmes l’élaboration des projets d’accueil pour chaque enfant.

Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a une vraie richesse dans le profil des enfants accueillis, avec des besoins différents, cela profite à tous les enfants accueillis. D’un autre côté, cela nécessite pour le Directeur d’EAJE une vraie prise en compte de chaque enfant, dans sa dimension culturelle et sa différence. Il y a des enfants accueillis sur une longue durée, d’autres quelques heures par semaine… mais chacun doit bénéficier d’un projet d’accueil construit et défini pour lui !

Sans compter, et cela est lié au deuxième point que je viens d’aborder, que l’organisation de l’établissement devient de plus en plus complexe. Il faut prévoir des jeux, des rythmes, pour tous… mais aussi pour chacun ! Le management des équipes est également une préoccupation croissante du Responsable d’établissement : horaires, gestion des espaces, des différents diplômes, maîtriser l’absentéisme…

On attend d’ailleurs une réorganisation des métiers de la filière Petite Enfance. Jean-François Pierre, présent sur la Conférence, nous en dira certainement plus car de nombreuses questions se posent : vat-on voir apparaître une certification des Directeurs de crèche, qui permettrait de les préparer de façon complète à ce poste aux compétences plurielles, comme on vient de le voir ?

Le métier de puéricultrice va-t-il revenir vers la filière hospitalière ? Comment les CAP pourraient-ils être refondus ? Et quid du recrutement et de la rémunération du personnel de niveau Bac Pro services à la personne, qui n’appartiennent pas au référentiel des métiers Petite Enfance ? Je vous donne rendez-vous les 11-12 juin pour en débattre !

De nombreuses questions en suspens… Essayons cependant de trouver des points « sûrs » pour la filière Petite Enfance, par exemple, quelles sont pour vous les principales clés de réussite du PSU ?

J’en vois quatre :

  • Souplesse d’accueil : il est important que les établissements pratiquent un accueil à la demi-heure afin de mettre en place des rythmes adaptés aux familles (permanents, partiels…).
  • Egalité d’apprentissage : certains enfants viennent tous les jours, d’autres quelques heures par semaine… Mais les enfants sont tous capables d’apprendre très vite. Un enfant saura acquérir autant de choses s’il n’est présent que quelques heures dans l’établissement, il est donc important de lui proposer les mêmes activités, les mêmes objectifs d’apprentissage que son petit camarade qui vient tous les jours !
  • Apporter une réponse adaptée aux besoins réels des familles : il n’est pas nécessaire de proposer un accueil de 50h à toutes les familles alors que certaines ont besoin d’un temps plus réduit.
  • Créer une vraie mobilisation du personnel sur un « accueil à la carte » : cela nécessite un vrai changement de mentalité, c’est vrai, mais c’est important. Aujourd’hui, on voit encore des enfants qui sont laissés un peu à part sous prétexte qu’ils ne sont pas arrivés à 9h car l’atelier a déjà commencé. Aujourd’hui, les rythmes des familles sont beaucoup plus diversifiés, les établissements d’accueil doivent pouvoir s’adapter à cette nouvelle donne. Le personnel doit donc s’organiser en fonction des heures d’arrivée plus diverses, en proposant un accueil plus souple et une disponibilité permanente sur toute la journée afin d’apporter à tous les enfants une attention constante. Ça n’est pas évident, mais des méthodes d’accompagnement existent, pour assurer pas à pas ce changement de mentalité.

Sur la Conférence Petite Enfance, une table ronde « Enfance, art et culture » proposera à différents experts du monde religieux, associatif, médecin psychothérapeute et adjoint de Direction Petite Enfance d’échanger autour des bienfaits d’activités culturelles en crèche.

A votre avis, pourquoi la culture joue-t-elle un rôle de plus en plus important en crèche ?

Aujourd’hui, chaque structure d’accueil prend en compte des groupes d’enfants avec de fortes diversités culturelles. Dans leur famille, les parents vont leur parler, les écouter, les porter de façon différente, avec aussi des régimes alimentaires spécifiques…

Différences culturelles, religieuses, comportementales, éducatives, sans oublier le handicap de certains, existent ! Il est important d’accorder une attention particulière à ces différences afin de créer le même lien avec chaque enfant et permettre aux tout-petits d’interagir entre eux. Je voudrais aussi ajouter que la dimension de l’âge est souvent « oubliée » de l’organisation des établissements.

Or je connais des crèches où les équipes proposent un fonctionnement en « mode famille » et cela crée une vraie dynamique d’établissement où les plus petits apprennent des plus âgés, et vice-versa. C’est vrai que ce choix entraîne des contraintes de départ, mais cela vaut vraiment le coup d’essayer !

Je dirai donc que prendre en compte la dimension culturelle de chaque enfant permet de créer une belle dynamique dans l’accueil des enfants. Le groupe se nourrit de la richesse de chacun pour mieux s’ouvrir et avancer, et les enfants le comprennent très bien entre eux. Pour finir, je voulais aussi évoquer les cafés des parents, ce sont de formidables initiatives qui favorisent aussi des temps d’échange entre parents de différentes cultures.

Madame Bettini

 

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