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« Les managers doivent être sensibilisés » : salariés aidants, les bonnes pratiques remontées du terrain

Face à l’essor des salariés aidants, le monde du travail s’adapte : horaires flexibles, télétravail, applications dédiées… Des mesures prisent dans le but de réduire l’absentéisme et d’améliorer la qualité de vie au travail, tout en renforçant l’attractivité des entreprises.

Ils partent plus tôt du bureau pour accompagner un parent âgé à un rendez-vous médical, arrivent plus tard dans la matinée après un énième rendez-vous avec l’enseignant d’un enfant, ou s’absentent une journée entière pour faire le tour des administrations… Travailler tout en accompagnant un proche fragilisé par la maladie, le handicap ou la perte d’autonomie est un défi que de plus en plus de Français sont amenés à relever. Un salarié sur cinq est désormais concerné et – vieillissement démographique oblige – , d’ici à 2030, il s’agira d’un salarié sur quatre.

Les problématiques des salariés aidants sont nombreuses : gestion des emplois du temps vie professionnelle-vie personnelle, rendez-vous imprévus, mais aussi craintes d’en parler au n +1 et d’être placardisé. Les pouvoirs publics, qui se sont emparés du sujet aux côtés des entreprises, cherchent à faire évoluer les mentalités. A l’occasion de la journée nationale des aidants lundi 6 octobre, le point sur la situation.

Identifier les aidants

Premier enjeu abordé par les professionnels du secteur : identifier les aidants, car ils sont nombreux à ne pas avoir conscience de leur situation. Pourtant, cette absence de reconnaissance peut avoir des conséquences majeures : charge mentale décuplée, absentéisme, frein aux carrières… La pédagogie et l’acculturation font donc souvent partie des premières démarches en entreprise afin d’identifier les cas, de comprendre les attentes et les besoins des collaborateurs aidants – sans en faire un élément trop différenciant pour autant.

Des avenants dans des conventions collectives de branche visent déjà à améliorer le cadre légal du congé de proche aidant et la reconnaissance formelle du rôle. Le Code du travail impose que les sujets liés à la conciliation vie professionnelle-vie personnelle, dont l’aidance, soient négociés au sein des branches régulièrement – ce qui pousse à formaliser les différentes mesures (horaires, congés, indemnisation…). Dans l’entreprise, RH, assistantes sociales et élus du personnel sont autant de relais à consulter pour remonter jusqu’à la bonne information.

Initiatives online

Au-delà du cadre légal, les initiatives se multiplient également en ligne. La start-up Tilia, qui accompagne les aidants, a ainsi créé une application sous forme d’assistant personnel. Pour sa fondatrice Christine Lamidel, « les aidants ne savent pas toujours à qui s’adresser, par où commencer, quelles démarches enclencher… Nous leur servons de guichet unique à qui déléguer une partie des actes du quotidien pour gagner du temps, notamment pour qu’ils ne ressentent pas le besoin de se mettre à temps partiel s’ils ne le souhaitent pas ».

BNP Paribas, Engie ou encore SAP ont déjà fait appel aux services de Tilia. Pour les entreprises clientes, « réduire l’absentéisme et l’impact sur la performance des collaborateurs aidants, prévenir les risques psychosociaux mais aussi développer une marque employeur forte » font partie des motivations à faire plus que ce que la loi oblige, assure Christine Lamidel. 72 % des utilisateurs de Tilia estiment d’ailleurs que ces services leur font gagner en moyenne 1 h 45 par semaine.

Ligne d’écoute gratuite

ADP, qui recense 2.000 collaborateurs en France, a pour sa part déployé une ligne d’écoute disponible gratuite 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à l’attention du collaborateur mais aussi de sa famille proche. Cinq séances en présentiel sont aussi prises en charge avec un professionnel de santé.

L’éditeur de fiches de paie a également mis en place quatre semaines de télétravail, à prendre en dehors du lieu de résidence principal. « Ces semaines font partie du dispositif qui peut faciliter l’aidance, tout comme la flexibilité des horaires : nos collaborateurs sont libres d’arriver entre 8 heures et 10 h 30, et peuvent repartir à partir de 16 h 30 », explique Anne Chambron, chargée de QVCT et référente nationale de la mission handicap chez ADP. « Les managers doivent être sensibilisés et informés de tous les dispositifs mis en place pour accompagner au mieux les collaborateurs », plaide-t-elle.

Responsabilité des managers

Apicil, groupe de protection sociale, agit en interne pour que la parole soit libérée sur le sujet. Et cela commence effectivement en haut de la pyramide. « Nous avons une charte référentielle de management avec des caractéristiques sur le savoir-être que nous souhaitons ancrer dans la culture managériale », raconte Agnès Armengaud, responsable qualité de vie et conditions de travail au sein du groupe.

« Faire attention aux collaborateurs, y compris dans leur fragilité, fait partie des compétences attendues chez nos managers. Ils ne sont d’ailleurs jamais seuls, les fonctions RH viennent en support dans toutes les entités pour proposer des solutions dans l’organisation du travail », explique-t-elle.

Facteurs de fragilité

Autre problématique émergente : l’augmentation des « multi-aidants » – les personnes aidant plusieurs proches à la fois. Dans le baromètre fondation April-BVA 2024, 39 % des aidants déclarent aider deux personnes ou plus (contre 34 % en 2019). Les situations de multi-aidance sont souvent marquées par un poids plus lourd à porter et presque toujours par un sentiment de stress lié aux obligations multiples et à la crainte latente d’une potentielle aggravation de la situation.

« L’incertitude économique actuelle est aussi un facteur de risque », prévient Juliette Lachenal, cofondatrice de Peppsy, société de coaching en entreprise qui a déjà accompagné Safran ou Actual notamment. « Cela fait monter la pression sur les épaules des collaborateurs, des managers et des dirigeants. En cas de difficultés avec un collaborateur, le manager ne sait pas si c’est lié à un facteur de risque individuel ou à l’entreprise. » Pourtant, « quand nous formons les codir et les managers sur ces problématiques, il y a un véritable changement vertueux pour toute l’entreprise », assure-t-elle.

Neïla Beyler

 

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