Efficacité professionnelle

Télétravail : le coronavirus lui donne un vrai coup d’envoi

Nouveau souffle du télétravail pendant la crise sanitaire

Tendance – Avec la mise en place des mesures de confinement liées à l’épidémie de Covid-19, les entreprises qui le pouvaient se sont largement converties au travail à distance. Passage en revue des outils et des limites de ce mode de fonctionnement que la crise aura contribué, de gré ou de force, à imposer.

En matière de télétravail, comme dans d’autres domaines, il y aura un avant et un après-crise du coronavirus. En décembre et en janvier derniers, face aux grèves massives dans les transports en commun liées à la réforme des retraites, les entreprises, notamment franciliennes, avaient déjà pu amplifier le recours au travail à distance afin de faciliter le quotidien de leurs salariés qui ne pouvaient plus se rendre aisément au bureau. Cet épisode était pour une répétition générale de l’épreuve du feu induite par les mesures de confinement décidées par le gouvernement.

Le 17 mars, toutes les organisations qui le pouvaient étaient vivement encouragées à laisser leurs collaborateurs travailler chez eux pour tenter d’endiguer l’épidémie de Covid-19 . Un impératif sanitaire qui pourrait, à l’avenir, produire un effet cliquet dans le mode de fonctionnement des entreprises.
Selon une enquête conduite par Citrix auprès d’un millier de personnes actuellement en télétravail, 66 % d’entre elles pensent que le travail à distance sera plus fréquent après cette crise. Il faut reconnaître que salariés et managers auront alors un argument de poids à opposer aux directions générales réticentes : celui de la preuve par l’exemple !

Adoption de plateformes et applis pour travailler en équipe…

Preuve, d’abord, de l’adoption massive des outils de communication via le cloud – au-delà des traditionnels Skype, Messenger, WhatsApp et Telegram – mis à leur disposition pour continuer à produire et à discuter avec leur manager et leurs collègues. A en croire le PDG de Slack, Stewart Butterfield, récemment interrogé par « Les Echos » , le nombre d’échanges quotidiens par utilisateur sur cet outil de messagerie instantané a augmenté de 20 % depuis le début du confinement. Et il en va de même pour ses concurrents.

D’après une étude du cabinet App Annie , le nombre de téléchargements de l’application mobile de Microsoft Teams a bondi de 305 % en France durant la semaine du 8 mars dernier, quand ceux de l’application de visioconférence Zoom et de Google Hangouts Meet ont progressé de 155 % et 160 %.
De son côté, le français Klaxoon, dont la plateforme permet de faciliter le travail en équipe grâce à des réunions beaucoup plus interactives, a enregistré, selon son PDG Matthieu Beucher , « dix fois plus d’appels que d’habitude » au cours des premiers jours de confinement imposé à travers tout l’Hexagone. De quoi donner des idées aux structures qui ne les auraient pas encore adoptés.

…et d’outils pour gérer des projets à distance

Certaines organisations ont même plus loin et ont fait appel à des applications de gestion de projet à distance, comme celles répertoriées par PwC dans son Guide pratique du télétravail.
Il en va ainsi de Basecamp grâce auquel « les responsables du marketing peuvent tout voir, du lancement de produit au développement créatif », promet le cabinet d’audit et de conseil. Espace de brainstorming, « to-do list » sous forme de gestionnaire de tâches partagées, ou encore dispositif d’évaluation des bonnes idées, cet outil collaboratif n’a rien à envier à son concurrent Trello, qui, avec son organisation des projets en planches listant des « cartes » comme autant de tâches, s’inspire de la méthode Kanban de Toyota.

Au rang des services permettant une meilleure collaboration à distance, figurent aussi Airtable et Jamboard. Quand le premier offre, gratuitement, une solution hybride combinant tableur et base de données, bien utile pour la répartition des tâches à effectuer, le second se présente sous la forme d’un tableau blanc virtuel où les managers peuvent « présenter un concept ou une approche à leurs collaborateurs, schématiser un processus, organiser leurs idées et mettre en visuel le résultat des séances de brainstorming », décrit PwC.

Instauration d’un autre type de management

Toutefois, même facilité par l’adoption de ces différents outils, le télétravail n’est pas sans poser quelques contraintes. Aussi performantes qu’elles soient et qu’elles seront encore plus à l’avenir, les nouvelles technologies remettent en question le management et la cohésion d’équipe.

Comment maintenir une activité sans distendre les liens ?

Une équipe n’existe qu’au travers de ses missions et objectifs collectifs. « Il faut faire confiance aux collaborateurs et éviter de micromanager, pour ne pas revenir au management contrôlant des années 1980-1990 », prévient Vincent Binetruy, directeur France de Top Employers Institute.
La distance géographique pousse le manager à arbitrer entre ce qui est nécessaire et ce qui est faisable. Mieux vaut donc partager ses incertitudes, être encore plus précis dans les objectifs attendus et demander un feed-back aux collaborateurs. « Une façon de bien se comporter en virtuel est d’être un peu moins professionnel et un peu plus personnel. Il faut laisser parler ses émotions et faire preuve de bienveillance », estime Hervé Borensztejn, managing partner Europe, Middle East & Africa du cabinet Heidrick & Struggles.

Les équipes virtuelles disposent d’un mode de fonctionnement donnant une large part à l’autogestion et à la responsabilisation. C’est pourquoi, ces « soft skills » seront déterminantes dans les recrutements futurs. Dans un contexte où l’environnement de travail n’aura plus d’importance, l’autonomie et la souplesse seront des compétences clés.
Télétravailler demande un environnement serein et une certaine organisation que tous les salariés ne peuvent pas se permettre. Dans un contexte de télétravail permanent, au manager aussi de veiller à d’éventuelles conduites addictives de ses collaborateurs. Les rendez-vous physiques, même s’ils ne sont que mensuels, par exemple, sont indispensables afin de maintenir une certaine cohésion d’équipe et continuer à brainstormer.
« Ritualiser, en ligne, le café du matin permet de garder un lien social un peu comme si nous étions au bureau », considère Vincent Binetruy. Le directeur France de Top Employers Institute donne lui-même rendez-vous aux volontaires de son équipe, tous les matins à 9 h 15 café et thé dans la main par vidéo. Des entreprises ont même ouvert des salles de réunion virtuelles où chacun se voit comme s’il était en open space. Pourquoi pas ? Mais attention au risque d’intrusion. Il faut rester vigilant à adopter les bons canaux de communication.

Vigilance constante face aux fraudeurs

Surtout, il faut se prémunir contre les fraudeurs qui risquent de profiter de la dispersion des équipes pour s’immiscer dans les brèches ouvertes par le télétravail .
Outre la mise en place de VPN, voire de bureau virtuel, les entreprises doivent rappeler les règles d’hygiène numérique à leurs collaborateurs : changer régulièrement de mot de passe, distinguer l’utilisation professionnelle et personnelle du poste de travail, se méfier des pièces jointes et des liens inconnus, et de tout e-mail en provenance d’un expéditeur non identifié. Il en va de leur sûreté à court terme, mais aussi de la pérennité d’un télétravail, qui a sûrement gagné, à la faveur de cette crise, ses galons de pilier de l’entreprise de demain.

VINCENT BOUQUET ET DELPHINE IWEINS

 

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