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Pourquoi les managers fraîchement promus se sentent isolés au milieu de leur équipe

Pourquoi les managers fraîchement promus se sentent isolés au milieu de leur équipe

Seuls au sein d’un groupe de salariés, telle est la situation paradoxale ressentie par nombre d’encadrants récemment promus.

« Je n’ai pourtant pas changé », confie un manager, fort marri de se retrouver isolé et tenu à l’écart par l’équipe qu’il avait, il y a encore peu, l’habitude de côtoyer. Récemment promu, il a soudain la nostalgie des départs groupés au débotté vers le restaurant d’entreprise et de l’improvisation de joyeux « afterwork ». « Leur coup de menton vers moi, quand ils parlent de ‘ceux de la direction’, en dit long », observe une jeune femme qui vient d’accéder au poste d’encadrement d’une zone géographique et qui, dépitée, se sent incomprise et injustement mal aimée.

Ces deux-là souhaiteraient ardemment retrouver l’ambiance de travail qui les portait avant leur promotion. A les écouter, celle-ci serait sans aucun impact : « Ils sont restés les mêmes. » Oublient-ils – ou n’ont-ils pas compris – que devenir manager consiste à changer d’identité et de posture professionnelles ? Il ne s’agit pas de se poser chef de bande ou d’un clan, mais d’oeuvrer dans l’intérêt de l’entreprise sans pour autant perdre en authenticité et en convivialité. Un exercice « entre marteau et enclume » que beaucoup appréhendent avec difficulté et qui détourne certains de la fonction.

Propulsés sur un terrain inconnu

Nombre de nouveaux managers ne prennent pas immédiatement la dimension de la tâche qui les attend. Du jour au lendemain, « les autres » font silence à leur arrivée, leur parlent autrement et les perçoivent différemment.

Pourquoi ? Parce que ces récents promus disposent désormais d’un pouvoir nouveau et direct sur leur salaire et le développement de leur carrière. Et qu’ils ont aussi cette lourde et difficile responsabilité de devoir créer l’environnement ad hoc dans lequel faire réussir, individuellement et collectivement, les collaborateurs.

« Friends » (saison 1) : quand Chandler, manager, s’invite inopportunément à la soirée karaoké de son équipe.

Pour exercer leur fonction, les nouveaux responsables vont devoir dire adieu à la performance individuelle qui a jusque-là auréolé leur trajectoire. Ils ont excellé dans une ou plusieurs expertises et se sont hissés à un certain niveau de compétence grâce à des qualités qui ne leur seront plus aussi utiles pour occuper le poste hiérarchique suivant.

En vérité, les voici propulsés sur un terrain inconnu, avec une pressante demande de savoir-faire dont ils ignorent encore tout. Une situation angoissante pour certains, palpitante pour d’autres.

Voilà pourquoi nommer quelqu’un sans un tant soit peu l’accompagner est une absurdité. Celui ou celle qui nomme doit pouvoir définir le périmètre d’action de la personne promue, l’avertir de quelques chausse-trapes, lui expliquer que plus qu’être aimée, l’important est d’être respectée. Et, parce que l’on juge que cette personne a de la valeur, lui proposer un coaching. « Devenir manager est un processus complexe sur le plan émotionnel, c’est un rôle compliqué dont les enjeux reflètent la complexité des relations humaines », confiait la professeure à Harvard Linda Hill aux « Echos », l’an dernier.

En permanence observé(e)

L’humain bat effectivement son plein dans cette affaire. Une nomination peut aviver des rivalités internes, susciter du ressentiment et des jalousies ou encore faire émerger des zélateurs et courtisans ainsi que quantité de projections sur le ou la promue en raison de ses faits d’armes, de son parcours universitaire, de son aspect physique, de ses origines sociales, ethniques, géographiques, de ses fréquentations… En pareilles circonstances, l’intelligence émotionnelle se révèle fort utile au manager. Cette capacité à percevoir, comprendre et identifier ses propres émotions ainsi que celles des personnes avec lesquelles on interagit au quotidien peut être innée. Mais aussi, bonne nouvelle, être travaillée et développée.

L’important, au poste de manager, est de jongler avec subtilité entre bienveillance et exigence sans jamais tomber dans le micromanagement. Il faut savoir octroyer sa confiance, épauler les équipes et leur laisser suffisamment d’autonomie pour soutenir leur motivation. Important : l’injonction à la bienveillance ne doit pas empêcher l’expression de retours d’appréciation (« feedbacks »), tous – positifs comme négatifs – dans un souci de progression.

Partager son expérience, célébrer collectivement des succès, reconnaître ses erreurs, user d’humour, participer aux conversations d’un open space ou d’une réunion informelle en ligne pour montrer qui l’on est véritablement est important quand on est manager. A condition toutefois d’incarner avec cohérence ce que l’on dit et de toujours se préoccuper – pour doper le bien-être des salariés – de l’impact de ses paroles. Voire de son comportement, car l’attitude du ou de la manager est en permanence observée, commentée et interprétée.

Par Muriel Jasor

 

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