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EXCLUSIF Linda Hill : « Devenir manager est un processus complexe au plan émotionnel »

Devenir manager

Professeure à la Harvard Business School, Linda Hill est une experte du leadership, mondialement reconnue. Auteure de nombreux ouvrages, elle a figuré, en 2013 et en 2021, au nombre des 10 premiers experts du palmarès Thinkers50. Dans une interview exclusive accordée aux « Echos », elle revient sur certains concepts clés de ses recherches.

L’un de vos livres qui a connu un grand succès, « Being the Boss », évoque la manière dont les managers vivent leur première prise de poste. Quels principaux enseignements en tirer ?

Même les managers qui réussissent cette transition, en apprenant à occuper avec brio un poste qui comprend des responsabilités managériales, sont confrontés à des défis. Cela est lié au fait que devenir un manager consiste à changer d’identité professionnelle.

Il ne s’agit plus simplement d’être performant au niveau individuel, ni simplement de fixer un cap à son équipe, mais de créer un environnement dans lequel les personnes que l’on dirige sont capables de produire le meilleur travail possible.

Devenir manager est un processus complexe sur le plan émotionnel, c’est un rôle compliqué dont les enjeux reflètent la complexité des relations humaines.

Après des années passées à étudier le leadership, quelles sont, selon vous, les qualités d’un bon leader ?

Etre un bon leader repose sur trois impératifs. Cela consiste d’abord à être son propre manager, à se mettre en action pour faire avancer les choses et à s’assurer que ce que l’on fait se traduit bien par un impact concret.

Ensuite, il faut travailler la relation avec les personnes de son équipe. Il ne suffit pas pour cela d’avoir une bonne relation avec chaque individu pris séparément, encore faut-il créer une vraie culture commune et un environnement de travail et de confiance partagé pour tout le groupe.

Enfin, il est important de cultiver son réseau . Au-delà des relations avec son équipe et avec les personnes sur qui on détient une autorité formelle, il est important de créer et de consolider les liens avec ses pairs dans l’entreprise et en dehors, ainsi qu’avec ses supérieurs. Cela permet d’être plus agile et de mieux résister aux chocs en cas de crise comme celle du Covid-19, parce que l’on sait alors mieux travailler de manière horizontale pour réagir d’une façon rapide et coordonnée.

Diriger l’innovation requiert une forme de leadership différente, d’après vous. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là ?

Etre un leader de l’innovation, ce n’est pas comme être un leader au sens « classique » du terme, avec une vision particulière à partager et une capacité à inspirer ses collaborateurs. Il s’agit plutôt de créer un environnement dans lequel ces derniers entrent dans un processus de « cocréation » avec vous.

Les leaders de l’innovation ont une vision plus démocratique de l’entreprise et du travail. Pour eux, tous les collaborateurs détiennent une part de génie et le rôle du leader est de libérer et d’utiliser ce génie individuel au service du collectif et des objectifs de l’entreprise. Ces leaders sont capables de créer une culture qui se fonde sur le travail collaboratif, l’expérimentation et la prise de risque.

Quels leviers sont à la disposition des entreprises pour améliorer leurs capacités d’innovation ?

L’entreprise doit d’abord être en capacité de créer un espace de débat , dans lequel les collaborateurs se sentent en confiance pour exprimer et défendre leurs points de vue. Il faut créer un espace de dialogue fondé à la fois sur le soutien et la confrontation.

Ce qui ne veut pas dire qu’on favorise le conflit : l’idée est simplement de pouvoir débattre et exprimer des désaccords pour faire avancer les choses. Il y a rarement d’innovation sans diversité des opinions, et le leader doit trouver le bon équilibre entre toutes les différences qui s’expriment. Il faut aussi faire preuve d’agilité créative, c’est-à-dire accepter de prendre des risques et apprendre à rebondir suite à des échecs.

Enfin, une partie du travail des leaders pour favoriser l’innovation consiste à améliorer la manière dont eux-mêmes prennent des décisions . Le leader doit être clair et décisif, sans être dogmatique. Il doit pour cela savoir apprendre des erreurs et des expériences réalisées dans l’entreprise et être en mesure de réfléchir à sa propre pratique du management.

Vos travaux récents portent sur la transformation numérique. Quelles sont les préoccupations les plus urgentes des entreprises à ce sujet ?

Mes projets actuels portent sur l’ère digitale et la manière dont les outils digitaux ont un impact sur l’innovation et sur l’agilité des entreprises. Je réfléchis notamment à la manière dont ces outils permettent aux entreprises de mieux collaborer avec leurs partenaires, par exemple avec leurs fournisseurs, dans le but d’avoir un rôle plus actif dans la société et de participer à répondre aux grands défis de demain, comme le changement climatique.

Par Léna Sanchez

 

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