Communication

Défis, enjeux et « révolution RSE » pour les communicants à l’horizon 2024 !

Tendances communication, Jean-Philippe Sloves

Jean-Philippe SLOVES, Directeur de la communication corporate et de la RSE de La Redoute (nov. 2014 à juin 2023), répond à nos trois questions sur les défis et les grands enjeux qui attendent les communicants dans les prochaines années.

Quels grands défis attendent les communicants à l’horizon 2024 ?

Nous vivons dans un monde qualifié par l’armée américaine de « VUCA ». Ce terme a été inventé à la fin des années 1980. Il vise à décrire un monde dans lequel un certain nombre de fondements sont ébranlés et dans lequel, il règne désormais une forme certaine d’incertitude. Le terme VUCA renvoie aux 4 caractéristiques qui reflètent le monde selon ces militaires.

  • Volatilité (Volatilité) : Autrement dit, tout change très vite et il faut en permanence adapter son organisation.
  • Incertitude (Uncertainty) : On ne sait pas de quoi l’avenir sera fait, il est difficile d’imaginer le long terme.
  • Complexe (Complex) : Nous recevons beaucoup d’informations, la menace (ou la concurrence) peut venir de partout. Les situations sont difficiles à analyser.
  • Ambigu (Ambiguous) : On n’a pas de schéma préétabli (les situations sont nouvelles) et la chaîne de cause à effet n’est pas limpide… On a du mal à interpréter une situation…

Dans ce contexte, les communicants ont 4 défis devant eux :

1/ Gérer un paradoxe : Assumer les objectifs à plus court terme tout en maintenant les perspectives de long terme. En effet, lorsque l’environnement est adverse, mouvant, incertain, il est d’autant plus important de garder à l’esprit la raison d’être, la mission de l’entreprise, ses valeurs et sa culture qui en font sa singularité. Le premier enjeu pour les communicants dans ce monde « VUCA » est d’accompagner et soutenir les objectifs de court terme tout en les situant par rapport aux éléments plus pérennes qui constituent les piliers solides de l’édifice. La plupart des entreprises en grandes difficultés actuellement sont souvent celles qui ont perdu de vue leur mission, leurs valeurs et la culture qui les caractérisent et font leur succès. Au lieu de cela, ces entreprises avancent comme des poulets sans tête, dans une course mortifère aux produits qui lavent plus blanc que blanc, aux prix toujours moins chers que les moins chers et aux montages financiers obscurs qui finissent par les engloutir…

2/ Avancer avec agilité : C’est le 2ème défi des entreprises pour les prochaines années et pour les communicants plus particulièrement. La curiosité et l’audace sont deux qualités particulièrement utiles pour avancer avec agilité par un monde « VUCA ». Il faut anticiper, voir venir les tendances de fonds mais aussi les signaux faibles qui permettent d’imaginer les bonnes solutions aux bons moments. C’est aussi la capacité à opérer des pas de côté inattendus et surprenants. Dans tous les cas, les solutions de demain ne résideront pas dans la reproduction d’un passé révolu, mais bien dans la capacité à capter les signaux faibles et à prendre en compte, en temps réel, de nouveaux éléments pour définir la meilleure solution qui s’impose dans l’instant. Ne pas hésiter à se tromper. Avancer en mode « test and learn » en permanence.

3/ Innover toujours et encore : Les communicants ont toujours dû innover pour partager leurs messages à leurs cibles. Ce sera encore plus vrai dans les prochaines années. La vidéo et les réseaux sociaux prennent le pas sur les autres médias. Il faut en tenir compte tout en demeurant une source de confiance et de référence. Plutôt que de s’effrayer des avancées de l’intelligence artificielle, mieux vaut apprendre à en connaître et maîtriser ses capacités afin d’en tirer le meilleur usage aux services des objectifs de communication et permettre à la main de l’homme de conserver sa vraie valeur ajoutée : la stratégie, la décision, la sensibilité … 

4/ Agir avec sincérité : dans ce monde VUCA, les communicants doivent d’autant plus travailler à garantir la symétrie des intentions entre communication interne (toujours prioritaire), communication corporate / financière et extra financière, communication commerciale et communication employeur. De la même manière, les éléments explicitant la Mission, la Vision, les Valeurs, et la Culture de l’entreprise doivent impérativement venir charger de sens la marque et l’ensemble des communications de l’entreprise. De cette cohérence globale, de cet alignement, de cette résonance dépendra l’impact positif des communications et des messages sur toutes les cibles visées. D’où ma conviction personnelle et intime que les rênes de la communication d’une entreprise doivent être placées dans les mains d’une seule personne reportant au dirigeant directement et membre de l’organe de gouvernance de l’entreprise.

Quels obstacles ou freins vont-ils devoir lever ?

Sacrifier le sens, oublier la mission : actuellement et dans les années qui viennent, la tentation des dirigeants de se concentrer essentiellement sur le court terme va être de plus en plus prégnante. Le rôle du communicant sera d’être le garant des références aux éléments intemporels qui fondent et conjuguent le succès de l’entreprise au passé, au présent et au futur. La mission du communicant sera de confronter en permanence les impératifs de court terme aux exigences de long terme et donc de charger de sens le court terme.

Le manque de temps des managers pour la communication interne. Dans le contexte actuel et à venir, les équipes en général et les managers en particulier sont de plus en plus sous tension, confrontés souvent à des injonctions paradoxales. Et c’est souvent la communication interne qui est sacrifiée par les managers, par manque de temps, par gestion des priorités, par manque d’éléments à partager, par peur du dialogue avec les collaborateurs … Ce phénomène n’est pas nouveau mais il empire de manière proportionnelle avec la complexité de l’environnement. La communication interne doit bien entendu continuer à soutenir les managers en leur apportant la matière et les outils dont ils ont besoin pour remplir leur mission de communication  mais elle doit aussi mettre en place en parallèle les dispositifs qui permettent à chaque collaborateur de se tenir informé par lui-même s’il le désire ou le préfère.

Faire plus avec moins. La crise dans laquelle nous sommes est plurielle : économique, géopolitique, écologique, sociétale, sanitaire… et elle risque de durer longtemps … Dans ce contexte, les moyens alloués aux missions de communication ne vont pas être en augmentation voire plutôt en régression. L’autre frein à lever sera de faire toujours plus ou mieux avec toujours moins. La curiosité, l’audace, l’imagination, la pratique du pas de côté sont autant de ressources à la disposition des communicants pour continuer à accomplir leurs missions avec toujours moins de ressources. Faire confiance à ses compétences, à ses ressources, à ses équipes et à ses collaborateurs peut aussi générer de la créativité et de l’efficience grâce à du « fait maison » plutôt que de recourir systématiquement à la prestation extérieure…

– Parce que les fonctions communication sont souvent réparties dans l’entreprise … Garantir la symétrie des intentions entre communication corporate / Communication interne / Communication employeur / Communication Commerciale peut devenir un véritable obstacle insurmontable … et désespérant compte tenu des impacts médiocres voire inexistants des communications prises individuellement.

Les marques s’emparent progressivement des nouveaux « 4 P » (« People », « Planet », « Purpose », « Profit »). Quelles actions concrètes a mis en place le Groupe La Redoute pour faire sa « révolution RSE » ?

Tout d’abord, à partir de 2014, une politique humble, mais pugnace et persévérante selon 4 axes (environnement, pédagogie clients, territoire, collaborateurs entrepreneurs responsables) a été menée à bas bruit.

En 2018 : notre 1er bilan carbone a permis une prise de conscience de la nécessité de mettre le poids du corps des efforts RSE sur les impacts de l’entreprise sur l’environnement, en particulier en réduisant l’impact de la fabrication des produits mis sur le marché.

En 2020 : alors que l’entreprise est sauvée et placée sur les rails d’une croissance durable et rentable, décision est prise d’accélérer sur la pédagogie clients sur les sujets RSE. Des communications régulières sont désormais envoyées aux clients pour les sensibiliser à la consommation responsable, à la durabilité et au recyclage des produits. Ces communications visent également à informer les clients des engagements RSE pris par l’entreprise pour réduire ses émissions de GES, supprimer les plastiques à usage unique, et aller vers des collections produits 100% responsables.

Enfin, en 2023, nous avons élaboré une roadmap de transformation RSE de toute l’entreprise pour mieux piloter les réductions de GES et être au rendez-vous de la CSRD européenne en 2026.

Retrouvez Jean-Philippe Sloves lors de la conférence Tendances Communication qui se tiendra mardi 28 novembre 2023 à Paris (présentiel ou distanciel au choix) :

« Quels enjeux et défis majeurs devront relever les communicants à l’horizon 2024 ? »

 

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