Formation professionnelle

Compte personnel de formation : des centaines de millions d’euros non utilisés

Sauf pépin de dernière minute, c’est le 21 novembre, avec une dizaine de jours d’avance sur le calendrier que 33 millions d’actifs pourront télécharger  l’application mobile leur donnant accès librement aux euros de leur compte personnel de formation (le CPF) .

Les Français vont-ils se ruer en masse pour acheter sans intermédiaire de la formation ? On verra. Ce qui est sûr, c’est que l’argent ne manquera pas : sur les 900 millions d’euros disponibles cette année pour le CPF, les deux tiers, voire moins, seulement ont été engagés, a-t-on appris de sources concordantes. « Les sommes disponibles sont très importantes », confirme aux « Echos » un bon connaisseur du dossier.

Créé en 2014 et financé par une  cotisation patronale, le CPF est un droit individuel qui suit chaque actif le long de sa vie professionnelle. Jusqu’au 31 décembre 2018, il était alimenté en heures. Pour y avoir accès, il fallait passer par l’organisme paritaire OPCA de sa branche professionnelle qui servait d’intermédiaire avec l’organisme de formation. Estimant tout cela trop complexe et peu transparent, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a décidé de passer d’heures en euros. Tous les CPF ont été convertis au 1er janvier, à raison de 15 euros de l’heure.

Transition complexe

Depuis cette date et en attendant l’application mobile, ceux qui voulaient utiliser l’argent de leur compte devaient encore s’adresser à leur OPCA. Et comme pour toute phase de transition dans une réforme, celle-ci n’a pas échappé à son lot de tracas, ce qui explique pourquoi il reste tant d’argent disponible, malgré un nombre de dossiers validés qui ne s’est pas écroulé (227.000 contre 250.000 environ à fin septembre).

Les OPCA ont eu :

  • D’abord, à gérer le très important flux de demandes de la fin de l’année dernière du fait de l’activisme marketing des organismes de formation. Ils ont dû le faire  en plein mouvement de fusions imposé par la réforme Pénicaud, certaines dans la douleur .
  •  Le taux de conversion pour la bascule a joué également : du jour au lendemain, les OPCA qui, en moyenne « payaient » l’heure de CPF entre 30 et 40 euros en jouant sur les fonds mutualisés, s’en sont tenus à la valeur de chaque CPF. A cela se sont ajoutés des problèmes techniques avec la Caisse des Dépôts (qui fait office de banque du CPF).

Le ministère du Travail met le holà

La situation varie d’un organisme à l’autre !

  • A l’Afdas, l’opérateur de compétences (OPCO) des artistes-auteurs, l’enveloppe de 26 millions a été consommée aux deux-tiers. Chez Akto, l’OPCO des métiers de services à forte intensité de main-d’oeuvre (32 branches professionnelles) il reste 72 millions sur 120 millions, soit 60 % de fonds non engagés. Le taux serait le même pour l’OPCO des artisans et professions libérales, laisse-t-on entendre. « Les OPCO ont coupé le robinet », s’agace Natanael Wright, le président de Wall Street English tout en reconnaissant que le contexte de fusion n’a pas aidé.
  • Sauf que certains ont bien l’intention de rouvrir les vannes avant de perdre définitivement la main sur le CPF. Comment ? Via de généreux abondements pour ceux qui déposeront une demande de formation avant le 26 novembre. Alerté par les représentants de l’Etat dans les conseils d’administration des OPCO, le ministère du Travail a mis le holà pour éviter de gonfler artificiellement les coûts des formations.

Apprentissage : accord en vue avec les artisans

  • Muriel Pénicaud inaugure ce lundi à Montpellier le centre de formation d’apprentis des métiers du sport du club de football du MHSC.
  • La ministre du Travail annoncera aussi l’ouverture dans un mois de celui du groupe Nicollin dédié aux métiers de l’environnement.
  • Elle pourrait aussi annoncer la mise en oeuvre dès cette rentrée du nouveau mécanisme de financement de l’apprentissage, donnant satisfaction à une revendication des artisans. Pour chaque contrat signé à partir du 1er  septembre (date restant à arbitrer) et jusqu’au 31 décembre, un CFA pourra choisir entre le nouveau mécanisme forfaitaire ou l’actuel (dit des « coûts préfectoraux »). Au-delà, seul le nouveau subsistera. Le surcoût de cette décision est de l’ordre de 350 millions d’euros, selon nos informations.

Alain Ruello

 

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