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Vanessa Lyon (BCG) : « On peut tabler sur de nouvelles pratiques managériales dès septembre »

Mise en place des nouvelles pratiques managériales à cause de la crise sanitaire

Masterclass / Les compétences numériques seront au coeur du redressement des entreprises, estime Vanessa Lyon, directrice associée senior, membre du comité exécutif du BCG à Paris, en charge du digital. Les besoins en la matière sont immenses et reconvertir une partie de la population active est un défi majeur. Il va falloir former une grande quantité de salariés, notamment ceux de bon nombre de ces PME, invisibles sur le Web, car sous-équipées en la matière.

En quoi l’expérience des chocs passés peut-elle aider à surmonter la crise provoquée par le Covid-19 ?

La situation économique actuelle est tout à fait inédite. La pandémie devrait faire reculer le produit intérieur brut mondial de 3 %, selon le FMI. En France, le recul du PIB sera 7,2 % contre une moyenne de 6,1 % pour les pays développés. Selon les travaux que le BCG a réalisés pour l’Etat de New York – qui représente 8 % du PIB américain -, le PIB de cet Etat chutera de 14 % et ne retrouvera son niveau d’avant-crise qu’au premier trimestre 2023.

En 2008, nous avions affaire à une crise d’origine financière. Aujourd’hui, la crise que nous traversons est protéiforme : il s’agit d’une crise sanitaire, économique, sociale qui peut aussi devenir une crise politique.

Et les incertitudes dues à un risque de répliques de l’épidémie sont grandes. D’où la nécessité de s’appuyer sur divers scénarios, de renforcer la question de la gestion de l’incertain – thème largement débattu lors du Davos 2019 – et la pensée stratégique en général. Ce que l’on a appris et que l’on sait de façon certaine selon les chiffres du BCG Henderson Institute, le think tank du BCG, c’est qu’en cas de crises sévères, environ 56 % des entreprises réussissent à augmenter leurs marges, leurs ventes ou les deux à la fois. Les autres connaissent de grandes difficultés.

Vous développez le concept de « nouvelle réalité » : de quoi s’agit-il exactement ?

Les crises sont des accélérateurs de changements et des tendances de fond s’établissent très vite et profondément.
Un exemple marquant de cette nouvelle réalité en France, c’est la numérisation massive de notre quotidien, la généralisation du télétravail bien sûr, mais aussi les nouvelles habitudes du consommateur depuis le 17 mars, date d’entrée en confinement.
Selon les analyses que BCG a conduites avec Fox Intelligence, on note :

Comment vont se matérialiser les effets de cette « nouvelle réalité » sur le travail quotidien dans les entreprises ?

  • On va devoir travailler à distance durablement ,
  • apprendre à capter et fidéliser les clients différemment,
  • utiliser intensivement les données, nerf de la guerre, pour réagir (tout en intégrant le cadre de la RGPD),
  • trouver une nouvelle organisation professionnelle et changer les habitudes de travail.

Les managers et dirigeants ont vu les choses changer à la vitesse grand V, avec une certaine efficacité. Autant de modifications leur ont fait passer un cap et tous semblent vouloir adopter un comportement exemplaire en la matière. On peut d’ores et déjà tabler sur de nouvelles routines et pratiques managériales en septembre.

Après la sidération, puis une première série d’adaptations via notamment des innovations spontanées, il s’agit désormais de former les managers à l’encadrement à distance.

  1. Cela repose sur des aptitudes comportementales ou soft skills,
  2. ainsi que sur une infrastructure technique fiable (la 5G, la fibre, des ordinateurs portable)
  3. et une rigoureuse gestion des risques en appui d’excellent niveau de cybersécurité.

Les managers vont devoir cibler les populations à gérer à distance, organiser le travail, jauger son intensité, fédérer le collectif

Les compétences numériques seront au coeur du redressement des entreprises.
Les besoins en la matière sont immenses et reconvertir une partie de la population active est un défi majeur.
Il va falloir former une grande quantité de salariés, notamment ceux de bon nombre de ces PME, invisibles sur le Web, car sous-équipées en la matière. Pour elles, sans compétences digitales, impossible de passer à l’échelle sur le terrain de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle, etc.

Quelles ont été les préoccupations des entreprises en phase aiguë de crise ? Et quelles sont-elles, aujourd’hui, en période de déconfinement progressif ?

Il a d’abord fallu gérer la crise à court terme, les aspects hygiène et sécurité et des problématiques importantes de logistique se sont imposées.
Dans ce contexte de grandes incertitudes, notre plateforme de données Lighthouse, mise au point par BCG GAMMA , vient en aide à nos clients pour leur prise de décision en temps réel. Cet outil repose notamment sur nos modèles de scénarisation de l’évolution de l’épidémie, nos données issues des opérations bancaires, des comportements online et de différents baromètres. Lighthouse rassemble des données d’une cinquantaine de pays et traite des milliards de données.

La crise aiguë passée, nous nous sommes interrogés sur des questions stratégiques relatives à la régionalisation de la production, la diversification des sources d’approvisionnement et bien sûr la transformation numérique.

A noter aussi, la pandémie a permis aux questions de développement durable et de raison d’être (ou « purpose ») de se concrétiser. Le dialogue social va demeurer nourri par cet historique, qui devrait se révéler essentiel pour l’attraction et la rétention des jeunes, comme des moins jeunes talents.

MURIEL JASOR

 

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