Ressources humaines

La « grande démission » gagne la France

La grande démission

Les Français, en quête de sens et de meilleurs salaires, sont de plus en plus nombreux à démissionner. Les entreprises n’ont d’autre choix que de s’adapter.

Ces derniers mois, un phénomène d’une ampleur nouvelle fait frémir les employeurs. Une vague de démissions déferle sur le marché du travail. Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) , près de 470.000 Français ont quitté leur CDI au premier trimestre de l’année, soit 20 % de plus qu’à la fin de l’année 2019. Et si l’on en croit une enquête Ipsos pour BCG, le tiers des « travailleurs de terrain » – ceux qui doivent être physiquement présents pour exercer leur métier – pourraient quitter leur emploi d’ici à la fin de l’année. Des chiffres révélateurs d’une tendance de fond, catalysée par la crise sanitaire.

 Aux Etats-Unis, ce mouvement de démission massif porte un nom : « Big Quit », la « grande démission ». Près de 48 millions d’Américains ont fait leurs cartons en 2021 et la dynamique ne semble pas se tarir en 2022 : 4,5 millions de départs ont été recensés outre-Atlantique sur le seul mois de mars, un record. « Pour l’heure, en France, il n’y a rien de comparable à la situation américaine. Néanmoins, on constate une mutation qui s’instaure et qui perdure », observe Jean-François Garcia, professeur en management des RH à l’EM Normandie.

1. Motivations multiples

Si les degrés d’intensité varient, rares sont les secteurs à être épargnés par les démissions. Sans surprise, les secteurs de la santé ou de l’hôtellerie-restauration, en première ligne lors de la crise sanitaire, sont les plus affectés par cette désertion. Idem pour la grande distribution et les services à la personne, offrant « des conditions de travail qui ne sont pas optimales et des salaires qui ne sont pas au rendez-vous », explique Jean-François Garcia.

D’après l’étude « Global WorkforceHopes and Fears » menée en mars 2022 par PwC, la hausse de salaire reste la première motivation (58 %) pour changer d’emploi en France, suivi par l’épanouissement professionnel (55 %) et la possibilité d’être soi-même au travail (51 %).

A 28 ans, Félix Carel a par exemple pris un nouveau tournant professionnel en septembre dernier. En CDI depuis quatre ans et demi à la SNCF, il a décidé de quitter son emploi. « Je n’étais plus moi-même, je voulais retrouver ma liberté », explique-t-il. Il occupe aujourd’hui un poste de directeur de production dans une association de production de spectacles, dans une autre région.

Dans l’ensemble, les motivations au départ sont communes à toutes les tranches d’âge. Mais la jeune génération est davantage attentive à la prise en compte des enjeux environnementaux par l’entreprise. Cela s’accompagne d’un souhait de travailler autrement, de manière plus utile, éthique et autonome.

2. Culture du « zapping »

Les démissions sont aussi révélatrices d’un engagement plus court des collaborateurs. Pour Frédéric Petitbon, porteur de l’étude PwC, « le modèle de la carrière longue n’est plus la norme ». La culture du « zapping », autrefois vue comme un signe d’instabilité, témoigne aujourd’hui, selon lui, d’une grande curiosité et d’une volonté de monter en compétences.

Face à cette vague de démissions, les entreprises sont contraintes de s’adapter pour conserver leurs collaborateurs. Avec la « révolution du télétravail » lancée durant la crise sanitaire, le modèle hybride est notamment devenu un « must-have » de l’offre employeur.

Cette adaptation à marche forcée des entreprises est en bonne voie, selon Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH (Andrh) : « Elles sont plus attentives à leur modèle de rémunération, renforcent leurs engagements pour tenir compte des attentes très fortes sur l’environnement et essayent de travailler sur une visibilité plus forte des parcours de carrière. » Les transformations sont en cours. Reste à savoir si elles suffiront à endiguer une potentielle « grande démission » à la française, sur fond de promesse, par Emmanuel Macron, d’un texte de loi de réforme du travail « au retour de l’été ».

Les Echos

 

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