Formation professionnelle

Comment le gouvernement veut inciter les entreprises à miser sur la formation

Inciter les entreprises à miser sur la formation professionnelle

L’exécutif met sur la table un projet ouvrant la voie à l’amortissement de la moitié des 15 milliards de dépenses annuelles de formation des entreprises. Ce serait une manière de les encourager à mettre l’accent sur le capital humain.

Réforme de l’apprentissage , plan d’investissement de 15 milliards pour les chômeurs de longue durée ou les jeunes sans qualification, application mobile « Mon compte formation »  : le gouvernement a mis la formation au sommet de ses priorités. Tout ce qui améliore les compétences des Français est bon pour eux-mêmes, pour leur employeur et donc, pour l’économie et la société dans son ensemble, estime-t-il. Suivant ce credo, il pousse un projet à même, selon lui, de changer le regard des entreprises sur la formation de leurs salariés, voire d’y consacrer plus d’argent : la possibilité d’amortir une partie des 15 milliards qu’elles y consacrent chaque année, et donc de considérer ces dépenses comme un investissement au même titre que l’achat d’une machine.

Le projet a été dévoilé à demi-mot par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, début novembre, lors d’un événement organisé au Medef pour le premier anniversaire de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Au-delà de sa nature très technique, il renvoie à un vieux débat d’économistes sur la valorisation du capital humain.

Esprits mûrs

Le sénateur LREM, Martin Lévrier, avait déposé en juin 2018 un amendement en ce sens lors de l’examen de la loi, sans succès. « Il est temps de considérer que la valeur formation participe à l’enrichissement de l’entreprise et du salarié. C’est pourquoi elle peut s’inscrire à l’actif comme tout investissement qui participe au développement de l’entreprise »défendait-il alors.

Le projet ne manque pas de partisans, parmi lesquels le Medef et, au sein de l’organisation patronale, la fédération Syntec qui regroupe le numérique, le conseil, l’ingénierie, et la formation. « C’est un vieux refrain mais tant mieux s’il aboutit », estime sa déléguée formation, Jessica Gonzalez-Gris.

« Il faut valoriser l’investissement en capital humain pour accompagner les transformations numériques. Etaler les charges peut-être un élément déclencheur », abonde Claire Pascal, administratrice à la Fédération de la formation professionnelle (FFP). Une étude, commanditée par la FFP au cabinet Roland Berger fin 2017, affirmait qu’une hausse de 1 % de la population formée augmentait le PIB de 0,33 %.

Estimant les esprits mûrs, le ministère du Travail a repris le flambeau cet été en déposant un projet auprès de l’Autorité des normes comptables. Il se présente sous forme d’un droit d’option ouvrant la possibilité pour les entreprises d’amortir sur trois à cinq ans leurs dépenses réalisées au-delà du 1 % de la masse salariale légal consacrée à la formation, soit environ 7 milliards d’euros par an.

Au-delà du 1 % légal

  • Pourquoi ce seuil ?

Parce ce que les sommes versées au titre du 1 % légal alimentent les fonds mutualisés pour les sociétés de moins de 50 salariés. Elles ne profitent donc pas à celles dont les effectifs sont supérieurs. C’est d’ailleurs l’un des arguments qui nourrit le soutien des organisations patronales : puisque ces sommes sont perdues, autant améliorer son résultat et ses capitaux propres en amortissant tout ce qui est dépensé en plus.

Le projet a aussi ses détracteurs parmi les professionnels du chiffre, tel ce commissaire aux comptes habitué des rachats d’entreprises et qui n’en voit pas l’intérêt. « Une entreprise n’investit en formation que si elle en a besoin. Après, inscrire les dépenses en haut ou en bas de bilan ne change rien à sa valorisation », estime-t-il. « On n’achète jamais une entreprise au prix comptable, rétorque le directeur financier d’un grand groupe de services. Entre deux entreprises, un acheteur paiera une prime pour celle qui a investi dans la formation de ses salariés quand bien même ils peuvent démissionner », affirme-t-il.

Alain Ruello

 

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