À l’approche des vagues de chaleur, souvent prolongées de mai à octobre, la canicule au travail devient un enjeu majeur pour les managers et les Ressources Humaines. Entre obligations légales, conseils pratiques et droit du retrait, voici ce que tout salarié doit savoir pour travailler dans les meilleures conditions en cas de forte chaleur.
Que dit la loi en cas de canicule ?
Cette année, un nouveau décret est venu renforcer le code du travail pour prendre en compte le droit des salariés lors des épisodes caniculaires. Depuis le décret n° 2025‑482 du 27 mai 2025, publié en Conseil d’état, les entreprises doivent intégrer les vagues de chaleur dans leur politique de prévention du risque thermique, qu’elles soient de niveaux jaune, orange ou rouge selon Météo‑France. Ce décret est applicable depuis le 1er juillet 2025. Il impose notamment :
- Une évaluation des risques intégrant la chaleur dans le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels)
- Des ajustements d’organisation : horaires, pauses, rotation des postes
- Des mesures d’aménagement
- La fourniture d’au moins 3 litres d’eau fraîche par salarié et par jour, conservée au frais
- La mise à disposition d’équipements adaptés pour les métiers concernés (vêtements respirants, lunettes, etc.) et d’une information/formation sur les coups de chaleur.
Pour certains secteurs spécifiques comme le BTP, où les employés peuvent être exposés à des situations extrêmes, l’arrêté d’application du 27 mai 2025 précise que les niveaux orange et rouge correspondent à l’arrêté canicule ouvrant droit à un chômage‑intempéries dans le BTP.
Quelles obligations pour l’employeur ?
Afin d’assurer la sécurité de ses salariés, l’employeur doit se conformer à certaines obligations. L’employeur doit actualiser le DUERP avec les risques liés à la chaleur. Il est essentiel de garder ce document à jour afin de transmettre toutes les informations nécessaires quant à la sécurité des salariés. L’employeur est aussi tenu de mettre en œuvre des actions préventives anticipées, avec le CSE et les services de santé au travail.
Par ailleurs, l’entreprise doit fournir des locaux adaptés et équipés en cas de canicule au travail. Cela peut impliquer des rideaux ou des voilages pour se protéger des rayons du soleil, un système de ventilation ou encore la mise à disposition de brumisateurs. L’eau doit être accessible à tous, avec un volume de 3 litres par jour et par salarié. L’employeur doit également prendre en compte les personnes les plus fragiles et les plus vulnérables en leur fournissant les équipements rafraîchissants nécessaires (femme enceinte, personne souffrant d’un handicap, etc).
Enfin, il revient à l’employeur de former et de sensibiliser les salariés aux signes de malaise et aux gestes d’urgence. Ces formations sont vitales et permettent de secourir rapidement toute personne qui présenterait des signes de malaises, mais aussi d’identifier vos propres symptômes le cas échéant.
Comment travailler en période de canicule ?
Les bons gestes à avoir
Pendant une canicule au travail, il est primordial d’adopter les bons gestes pour souffrir le moins possible de la chaleur. Sachez que selon Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), le risque apparaît dès 28 °C pour une activité physique, 30 °C en travail, et devient dangereux au-delà de 33 °C. Par conséquent, au-delà de ces températures, il vous faut :
- Être attentifs à votre environnement
- Modifier votre rythme si besoin : travail matinal, pauses fréquentes, tâches moins pénibles en journée.
- Vous hydrater régulièrement. Même si vous n’avez pas soif, veillez à boire plusieurs verres d’eau par heure.
- Porter des vêtements légers et adaptés, aérés et clairs.
- Se former aux symptômes de la chaleur (crampes, vertiges, nausées) et aux gestes de premiers secours.
Comment organiser son travail en période de forte chaleur
Il est recommandé de prendre certaines mesures et d’adapter son travail pour se préserver en cas de canicule. Il existe aujourd’hui des solutions faciles à appliquer pour cela. Le télétravail, par exemple, vous permet de réduire votre présence sur site et de travailler dans un environnement plus frais et agréable si votre lieu de travail ne dispose pas des équipements nécessaires.
Si vous travaillez dans les locaux de votre entreprise, vous pouvez réorganiser les espaces en accord avec votre employeur et privilégier les zones ombragées ou climatisées. Afin de préserver des espaces de travail agréables pour les salariés, certains équipements peuvent être installés tels que des ventilateurs. Gardez en tête que l’employeur est tenu de fournir les équipements nécessaires à la sécurité des salariés, ce qui peut inclure dans certains cas des protections telles que des casquettes ou encore des lunettes filtrantes, par exemple dans le BPT.
Pour bien organiser votre travail, surveillez les bulletins de Météo France afin d’anticiper au mieux les pics de chaleur. Vous pourrez ainsi négocier en amont d’éventuelles améliorations des espaces de travail.
Négocier l’amélioration des espaces de travail
Les managers et RH souhaitant améliorer le confort climatique peuvent agir sur plusieurs leviers. Pour commencer, ce sujet peur être intégré dans le dialogue social avec le CSE afin de trouver des solutions à ces problématiques.
Il peut aussi être nécessaire de réaliser un audit interne et de comparer avec des pratiques sectorielles ou recommandées par l’INRS. Ainsi, vous identifiez les points faibles de votre entreprise, ce qui vous permet de trouver des solutions adaptées.
Afin de mieux négocier ces améliorations, n’hésitez pas à recueillir des données sur la canicule et ses conséquences afin d’argumenter efficacement. Par exemple, l’étude d’août 2024 (DGT) a révélé 1 717 interventions de l’inspection (86 % contrôles) durant la canicule.
Proposez des solutions durables afin cela soit un investissement à long terme, plus intéressant pour l’employeur et l’environnement. Il s’agit des systèmes de ventilation, de végétalisation, d’écrans solaires ou encore de zones fraîches. Avec les bons investissements, l’entreprise valorise le confort de ses salariés. Cela engendre une baisse de l’absentéisme, préserve la productivité et renforce la marque employeur renforcée.
Cependant, malgré toutes ces mesures, il est parfois impossible de travailler sous de trop forte chaleur. Cela peut être dû à l’impact physique, mais aussi mental. En effet, pour les métiers physiques, la forte chaleur représente un danger trop important. De même, pour les professions intellectuelles, elle peut être un frein à la productivité et mettre en danger les personnes. Dans ce cas, sachez qu’il est possible d’exercer votre droit de retrait.
Droit de retrait : quand l’exercer ?
Enfin, sachez que le salarié peut exercer son droit de retrait en cas de danger grave et imminent. C’est notamment le cas si la chaleur met en péril sa santé, par exemple si la température dépasse 33 °C en intérieur sans mesures correctives. Ce droit est prévu par l’article L. 4131‑1 du Code du travail. L’INRS rappelle que cela s’applique aux situations où l’employeur n’a pas pris les mesures requises.
Par conséquent, n’hésitez à échanger avec votre employeur à ce sujet en cas de canicule.
En résumé, la canicule au travail n’est pas une fatalité. La législation impose désormais un cadre strict pour garantir la sécurité et santé des salariés en période de canicule. Managers, RH et salariés doivent co-construire des actions concrètes :
- adaptation des horaires,
- aménagements des espaces de travail,
- hydratation,
- formation et recours.
En anticipant et en investissant dans les bons équipements, vous protégez efficacement vos collaborateurs tout en garantissant la performance et la continuité de l’activité.