Alors qu’ils réservaient cette prestation à leurs salariés les plus gradés, des employeurs, comme Renault, proposent des bilans de santé complets à leurs effectifs. Objectifs affichés : détecter précocement des pathologies et améliorer leur bien-être. Et, par ricochet, favoriser leur productivité.
250 km à courir à travers les dunes, les palmeraies, sur des chemins caillouteux… C’est ce qu’a réalisé Jérémie, 48 ans, en avril dernier, à l’occasion du Marathon des sables, au Maroc. Une épreuve d’endurance qu’il a abordée avec sérénité.
Un mois avant ce défi, ce Parisien avait en effet passé une épreuve d’effort : un cardiologue l’avait fait pédaler pour analyser son activité cardiaque. Verdict : rien à signaler. Un bilan de santé complémentaire n’avait, lui non plus, soulevé aucune inquiétude. « Juste un taux de cholestérol à surveiller », confie-t-il.
Ce bilan lui était financé par son employeur, Renault. Depuis 2024, le constructeur automobile offre à ses collaborateurs âgés d’au moins 45 ans un check-up complet, intégralement pris en charge par l’entreprise. Une démarche préventive, renouvelable tous les quatre ans, auparavant réservée aux cadres dirigeants.
Dépister au plus tôt des pathologies
Pour y prendre part, les volontaires ont rendez-vous dans un centre de santé à proximité de leur lieu de travail, pour une demi-journée de test : analyse de sang et d’urine, test de la vue et de l’audition, mammographie et frottis pour les femmes, dépistage du cancer de la prostate pour les hommes de plus de 50 ans ou présentant un facteur de risque, éventuel examen de la peau, éventuelle radio pulmonaire…
« L’idée est de dépister au plus tôt des pathologies et d’identifier des facteurs de risque pour les prévenir, explique Sébastien Leroy, médecin coordonnateur au sein du groupe Renault. Et ce, en proposant aux salariés un bilan clés en main, facile à réaliser, regroupant tous les examens au même endroit et sur une même journée. » De quoi permettre à certains de passer des examens qu’ils n’auraient pas faits par eux-mêmes.
Un enjeu de productivité et d’image
Quelques jours après ces examens, un médecin recontacte le salarié pour un débriefing personnalisé, assorti de recommandations. Les résultats, protégés par le secret médical, ne sont pas communiqués à l’employeur.
Depuis sa mise en place, plus de 1.000 salariés du groupe ont réalisé ce check-up, dont 400 en France. En septembre, le dispositif sera mis en place dans les 26 pays où la marque au Losange est présente. Un « investissement conséquent mais qui a du sens », selon Gwenaelle Alves, DRH pour les fonctions RH et cadres. « Avoir des salariés qui vont bien, cela aide l’entreprise à performer. Et ce dispositif joue aussi favorablement sur notre image, aussi bien en interne qu’auprès de candidats. »
Dans l’Hexagone, les bilans de santé pris en charge par des employeurs sont encore rares, selon Marc-Henri Bernard, membre du bureau de l’Association nationale des DRH. « Historiquement, les grandes entreprises offrent cela à leurs dirigeants. Désormais, certaines commencent, à l’instar de Renault, à l’ouvrir à davantage de salariés. » Mais d’après lui, cela reste encore l’apanage de grands groupes, d’entreprises de la tech et de la finance, qui ont les moyens.
Avoir le mode d’emploi de son corps
Parmi les entreprises qui proposent de réaliser ces bilans : Zoï, start-up française qui a ouvert un centre à Paris fin 2023. Professionnels et particuliers peuvent y réaliser un bilan de santé complet, dans un cadre qui se veut haut de gamme et design. Durant une demi-journée, ils rencontrent un infirmier, un radiologue, un médecin généraliste, un ophtalmo et un kiné, pour passer une batterie d’examens : examen médical, analyses biologiques, scan pour mesurer la densité osseuse et la composition corporelle, échographie du corps entier pour visualiser les organes (coeur, foie, reins…).
L’idée est de faire un état des lieux de la tête aux pieds. « Dans le mois qui suit, un médecin vous délivre le mode d’emploi de votre corps et un plan d’action personnalisé pour améliorer votre santé, pour que vous ayez plus d’énergie, que vous soyez moins stressé, que vous dormiez mieux, que vous réduisiez les risques de maladie chronique… » résume Théo Deschamps-Peugeot, directeur commercial et marketing chez Zoï.
Les participants ont ensuite, durant un an, accès à une application mobile avec des recommandations personnalisées et la possibilité de contacter leur médecin référent pour suivre leur évolution, poser des questions, obtenir des conseils. Prix de la prestation : 3.600 euros.
Des pathologies détectées
Depuis l’ouverture du centre, Zoī assure que 2.500 personnes ont passé ce bilan, dont 1.000 entrepreneurs, 1.000 salariés et 500 particuliers. « Parmi ceux qui nous disaient que tout allait bien, on a détecté chez 0,7 % d’entre eux une pathologie nécessitant une prise en charge immédiate, et à 15 % une maladie chronique modérée jusqu’alors encore ignorée : hypertension, diabète, risque cardiovasculaire… » précise Théo Deschamps-Peugeot.
L’Oréal, Veolia ou encore des cabinets d’avocats figurent parmi les employeurs qui ont offert cette prestation à une partie de leurs troupes. « Historiquement, les entreprises la proposaient uniquement aux 50 ou 100 salariés les plus gradés mais de plus en plus élargissent cette offre à leur Top 200 ou à ceux qui font partie de programmes destinés aux hauts potentiels. » Dans les années à venir, Zoī ambitionne d’ouvrir un centre à Londres et à New York, avant de se développer en France, avec une offre qui serait davantage grand public.
Chloé Marriault