Les dirigeants s’inquiètent d’un usage excessif du smartphone qui impacterait négativement la qualité du travail et l’ambiance entre les collaborateurs, révèle une étude récente. Mais le téléphone personnel est aussi massivement utilisé pour travailler, brouillant un peu plus les frontières entre vie pro et vie perso.
Selon une étude de l’Observatoire de santé PRO BTP et de Capstan Avocats, 92 % des dirigeants sont préoccupés par l’usage excessif du smartphone personnel. (iStock)
Consulter les réseaux sociaux, répondre à un SMS de son conjoint, passer un coup de téléphone pour prendre rendez-vous chez le médecin… Dans l’open space, il n’est pas rare de voir des salariés utiliser leur téléphone personnel pendant les heures de travail.
Nous avons interrogé les lecteurs des « Echos » dans un sondage sans vocation représentative publié sur notre compte LinkedIn. Résultat : 79 % des 3.600 répondants admettent utiliser leur smartphone personnel au bureau. Même si 36 % d’entre eux avouent que cela les déconcentre.
« C’est un sujet qui passe vraiment sous les radars. On ne le repère pas parce que c’est cinq secondes de perdues par-ci, cinq secondes par-là… Mais les adolescents, qui utilisent beaucoup les smartphones, vont rentrer dans le monde du travail d’ici trois à cinq ans. Il faut s’occuper du sujet maintenant », martèle Sandrine Losi, avocate associée au cabinet Capstan Avocats.
Son cabinet s’est associé à l’Observatoire de santé PRO BTP pour commander une étude sur le sujet. Cette enquête, menée par l’Ifop et publiée en juin, révèle que l’immense majorité (92 %) des dirigeants est préoccupée par l’impact de l’usage excessif du smartphone personnel sur la vie professionnelle.
Marie Content, avocate en droit social au sien du cabinet BG2V, confirme « avoir régulièrement des dossiers de contentieux sur le sujet ». « On le constate souvent dans les magasins avec les vendeurs qui regardent leurs téléphones même si les clients ont besoin d’un renseignement », illustre Sandrine Losi. Les 500 dirigeants interrogés sont en effet massivement inquiets de l’impact du smartphone sur la qualité du travail (86 %), mais aussi sur les relations de travail (83 %) ou encore sur la sécurité des salariés et des données (78 %).
Ambiance dégradée à la machine à café
« L’usage excessif du téléphone personnel perturbe l’attention et nuit à la qualité du travail. Les réunions sont aussi moins efficaces parce que, quand les participants regardent leur téléphone, c’est comme s’ils étaient un peu moins présents », constate Hervé Naerhuysen, directeur général de PRO BTP et président de l’Observatoire de santé. Les dirigeants et DRH interrogés perçoivent un impact négatif sur la productivité (70 %), les capacités de concentration et de mémorisation des salariés (61 %) ou le respect des échéances et des calendriers (47 %).
Côté relations de travail, le directeur du groupe de protection sociale PRO BTP observe « une petite détérioration des relations au sein de l’entreprise ». « A la machine à café, les gens regardent leurs écrans plutôt que leurs collègues. L’ambiance lors des pauses semble s’être dégradée », poursuit le dirigeant. Une observation partagée par les chefs d’entreprise sondés qui constatent un impact négatif sur l’ambiance lors des pauses (60 %) et la proximité entre collaborateurs (56 %).
Dans le BTP, l’enjeu est aussi sécuritaire, notamment pour les conducteurs d’engins, rappelle Hervé Naerhuysen. « Mais il faut aussi faire attention aux données professionnelles qui peuvent transiter par le téléphone personnel », prévient le président de l’Observatoire de santé.
Il y a une certaine ambiguïté de la part des employeurs parce qu’ils trouvent un intérêt à laisser les salariés utiliser leur téléphone personnel à des fins professionnelles.
Marie content, avocate chez BG2V
Face à cette situation, 39 % des dirigeants ont déjà mis en place des mesures pour encadrer l’usage du smartphone au bureau, la solution la plus plébiscitée étant l’interdiction du smartphone pendant le temps de travail. Une mesure, généralement impopulaire, qui soulève aussi des problèmes juridiques.
« Il s’agit d’une atteinte à la liberté personnelle et il y a peu d’emplois dans lesquels une interdiction totale serait justifiée. J’incite plutôt mes clients à poser un cadre dans le règlement intérieur », explique l’avocate Marie Content.
Brouillage des frontières
Reste à savoir si la distinction entre téléphone pro et perso est aussi claire pour les salariés que pour les dirigeants… Selon une étude menée par Opinion Way pour l’opérateur de réseaux numériques TDF en 2023 auprès de 587 salariés de bureau, 74 % disaient être équipés d’un téléphone professionnel. Mais seuls 53 % des sondés indiquaient l’utiliser au bureau.