Gros changement pour les salariés français, qui sont désormais en droit de reporter leurs congés payés s’ils tombent malades durant leurs vacances. Mais cette décision de la Cour de cassation implique de respecter quelques règles, sous peine de sanctions financières.
Tomber malade pendant ses vacances. Voilà de quoi être frustré. Mais désormais, les salariés français dans ce cas pourront reporter les jours de congé payé dont ils n’ont pas pu profiter. Jusqu’à présent, ils pouvaient seulement le faire s’ils tombaient malades avant de partir en congé.
Ce changement fait suite à un arrêt de la Cour de cassation rendu public mercredi, qui met le droit français en conformité avec le droit européen. « En droit de l’Union européenne, l’objectif du congé payé est de permettre aux salariés non seulement de se reposer, mais aussi de profiter d’une période de détente et de loisirs », tandis que le congé maladie a pour but « de se rétablir d’un problème de santé », explique la Cour dans un communiqué. « Puisque la maladie l’empêche de se reposer, le salarié placé en arrêt pendant ses congés payés a droit à ce qu’ils soient reportés. »
Transmettre rapidement l’arrêt à l’employeur
En théorie, cette décision a déjà pris effet. Pour pouvoir reporter ses congés, un salarié malade doit consulter un médecin, se voir prescrire un arrêt maladie et transmettre celui-ci rapidement à son employeur - il est d’usage de le faire dans un délai de 48 heures.
Combien de temps aura-t-il alors pour reposer ces jours off ? Il disposera en principe du même délai que pour ses autres congés à prendre, car « ceux reportés seront recrédités sur son compteur de congés payés de la période en cours », explique Arnaud Teissier, avocat associé au cabinet Capstan, spécialisé en droit du travail.
De possibles contrôles
Mais attention : celui qui se voit prescrire un arrêt durant ses vacances « ne serait alors plus en congés mais en arrêt de travail pour maladie, ce qui implique de respecter certaines obligations », résume Arnaud Teissier. Sur les arrêts de travail, les médecins précisent en effet sous quelles modalités leurs patients sont en droit de mettre le nez dehors : ils peuvent leur interdire toute sortie en raison de leur état de santé, les autoriser à sortir seulement sur certaines plages horaires ou sans restriction. Ils mentionnent également s’ils peuvent exercer certaines activités.
« Ne pas respecter ces obligations, c’est s’exposer à être privé des indemnités journalières de la Sécurité sociale, à ne plus se voir verser le complément employeur, voire à devoir rembourser les sommes perçues », explique Arnaud Teissier.
Pour rappel, les salariés en arrêt sont indemnisés par la Sécurité sociale après un délai de carence de trois jours, mais certaines conventions collectives ou accords d’entreprise prévoient une indemnité les jours qui précèdent. Ensuite, ils perçoivent des indemnités de la Sécurité sociale, avec un complément de l’employeur.
Et d’après Arnaud Teissier, les chances d’être contrôlé ne sont pas négligeables. « La Sécurité sociale et les employeurs ont renforcé leurs contrôles dernièrement, dans une volonté de lutter contre les arrêts maladie de confort ou de complaisance. » Le site du service public précise, par exemple, que des salariés ont été considérés comme ne respectant pas leur arrêt, contrôlés alors qu’ils s’adonnaient à ces activités : « travaux de peinture sur une maison, réparation d’une voiture, travaux de jardinage ».
Une décision « absurde »
Si cette décision est une bonne nouvelle pour les salariés, c’est la soupe à la grimace côté employeurs. Au Medef, on fustige cet arrêt qui envoie un signal « très négatif à l’heure où notre pays confronté à la concurrence d’un monde ouvert a besoin de travailler plus, et où l’on cherche à lutter contre les arrêts de travail abusifs ». Pour Amir Reza-Tofighi, président de la CPME, cette décision est « absurde » et fragilise les entreprises, celles-ci devant payer des arrêts qu’elles ne finançaient pas jusqu’alors et voir leurs collaborateurs s’absenter de nouveau.
En interne, cela demandera aussi aux entreprises de s’organiser et d’ajuster des plannings. « La difficulté ne réside pas dans le cas du salarié réellement malade - qui doit être protégé - mais dans la multiplication des arrêts non justifiés qui pèsent lourdement sur certains secteurs et alimentent l’absentéisme », signale l’Association nationale des DRH.
Chloé Marriault