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Jérôme Nanty, « Notre responsabilité est d’identifier, parmi nos collaborateurs, les talents de demain »

Interview de Jérôme Nanty, Directeur exécutif RH, Groupe Carrefour

Depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard à sa tête en 2017, Carrefour n’a de cesse de se réinventer. Après s’être engagé pour le mieux manger, le groupe poursuit sa transformation avec l’ambition de devenir une Digital Retail Company d’ici 2026. Cette transformation est d’autant plus complexe à piloter qu’elle touche 100 000 salariés répartis sur l’ensemble du territoire. Un défi que Jérôme Nanty prend plaisir à relever en tant que Directeur Exécutif Ressources Humaines pour le Groupe et la France.

Ancien banquier passé par la Société Générale et le Crédit Lyonnais, Jérôme Nanty change de carrière au milieu des années 1990. Après la Caisse des dépôts, Transdev et Air France-KLM, il rejoint Alexandre Bompard chez Carrefour en 2017. Cinq ans après son arrivée et alors que le groupe vient d’annoncer son nouveau plan stratégique, nous avons fait le point sur les chantiers entrepris et ceux qui restent à lancer.

Jérôme Nanty, vous avez un parcours atypique. Quel est le lien entre toutes vos expériences professionnelles ?

Jerome-Nanty, Jérôme Nanty, Zone de Texte: PHOTOS FRED JAGUENEAUDirecteur exécutif Ressources Humaines du Groupe Carrefour
Jerome-Nanty, Jérôme Nanty, Directeur exécutif Ressources Humaines du Groupe Carrefour

Jérôme Nanty : J’ai toujours travaillé dans des grandes entreprises, parce que c’est dans la complexité des grands groupes que je me sens le plus à l’aise. Je suis attiré par celles ayant des enjeux de transformation extrêmement forts. L’autre constante, c’est d’avoir choisi les entreprises en fonction de la qualité de leurs dirigeants et de ma relation personnelle avec eux. Carrefour était à cet égard pour moi un aboutissement : une entreprise avec une empreinte territoriale et internationale, le projet de transformation le plus passionnant du moment et un patron aspirationnel.

Quelles sont ses spécificités du secteur de la distribution ?

J. N. : Ses enjeux de transformation sont majeurs, du fait de l’émergence du digital et de la transformation très rapide des habitudes de consommation. En 2018, nous avons été pionniers en donnant la priorité à la qualité alimentaire pour tous. Alors que le retour de l’inflation entraîne des difficultés sur le pouvoir d’achat des Français, nous avons présenté notre plan stratégique Carrefour 2026. L’a priori fort qui est le nôtre est de ne pas avoir à choisir entre le prix et la qualité.

Aujourd’hui, parmi les enjeux auxquels votre groupe est confronté, lesquels nécessitent toute votre attention ?

J. N. : Le premier, c’est la gestion des talents. La capacité à avoir les bonnes personnes au bon poste et à aller chercher les meilleurs profils. C’est un travail presque obsessionnel que nous menons sous l’impulsion d’Alexandre Bompard. Le second, c’est l’accompagnement social des transformations des activités traditionnelles de Carrefour et le développement de nouveaux métiers. Cela nécessite une capacité d’adaptation permanente de nos salariés et de nos organes. Et comme la dimension humaine est essentielle, cela ne se fait pas naturellement : il faut un accompagnement de proximité.

Alors que le marché du recrutement est en tension, Carrefour vient d’annoncer le recrutement de 17.000 jeunes en 2023. Comment parvenez-vous à attirer ces talents ?

J. N. : Nous sommes, comme toutes les entreprises, confrontés à des difficultés de recrutement. Nous arrivons à combler tous les postes parce que nous avons une connaissance fine des déterminants des candidats lorsqu’ils choisissent une entreprise. Notre modèle social est le mieux-disant du secteur de la grande distribution sur le plan de la rémunération. Nous offrons une forte visibilité en matière d’emploi et surtout des perspectives. Nous sommes capables de recruter des profils très diversifiés et de les faire progresser sans discrimination. Cette perspective d’apprentissage est un élément de fidélisation important. Et enfin, toutes les enquêtes internes le montrent, notre collectif de travail est de très grande qualité. Nos salariés sont très positifs sur l’ambiance de travail au sein de leur équipe et leur relation avec leur manager et leurs collègues.

70% DE NOS DIRECTEURS DE MAGASINS EN FRANCE SONT ISSUS DE LA PROMOTION INTERNE

Dans le cadre du programme Act for Change, Carrefour s’est doté d’un engagement portant sur l’idée de « grandir et d’avancer ensemble ». Comment cela s’incarne-t-il dans vos actions ?

J. N. : Notre responsabilité est d’identifier, parmi nos collaborateurs, les talents de demain et de les accompagner dans leur progression pour qu’ils puissent occuper le moment venu les responsabilités les plus hautes. Le mécanisme de formation et d’accompagnement le plus visible que nous proposons est l’École des Leaders. Elle permet aux salariés qui en émettent le souhait et qui ont le potentiel, d’intégrer un cursus qualifiant animé par les dirigeants de Carrefour France. Cette initiative permet de donner sa chance à tout le monde. Aujourd’hui, 70 % de nos directeurs de magasins en France sont issus de la promotion interne.

Carrefour fait partie des premiers employeurs privés de France. Quelle est, selon vous, la responsabilité d’un groupe comme le vôtre envers les personnes éloignées de l’emploi ?

J. N. : En France, plus de 150 000 salariés travaillent pour Carrefour et pas un Français ne vit à plus d’un quart d’heure d’un de nos magasins. Compte tenu de notre taille et de notre empreinte territoriale, nous sommes capables de recruter des profils très divers, y compris peu qualifiés, en proximité. Nous avons mis en place des mécanismes qui nous permettent de faire progresser les jeunes des quartiers défavorisés. Nous sommes aussi très attentifs au renforcement de la place des femmes dans nos instances de direction, notamment de notre Comité exécutif. Nous nous sommes formellement engagés à ce que les femmes représentent au moins 35 % de notre top 200 à l’horizon de 2025 – elles étaient 22 % en 2020.

L’innovation et le numérique sont au cœur de la stratégie de Carrefour. Comment accompagnez-vous cette transformation numérique au sein de vos équipes ?

J. N. : L’ambition de Carrefour n’est pas d’être un retailer qui fait du digital mais de devenir une Digital Retail Company. Nous avons créé une Digital Retail Academy qui dispense des parcours de formation destinés aux dirigeants, aux experts tech et data, mais aussi à l’ensemble de nos salariés. En France, fin 2022, plus de 60 000 d’entre eux ont été sensibilités et formés au digital dans le commerce. Nous avons aussi lancé un réseau social d’entreprise via Workplace by Meta. C’est un formidable outil qui contribue à l’acculturation digitale de nos salariés.

Quels sont les apports du numérique dans la gestion RH de Carrefour ?

J. N. : Carrefour a priorisé ses investissements dans le digital pour améliorer l’expérience client. La digitalisation de la fonction ressources humaines est donc en grande partie devant nous. La data présente un immense potentiel parce que lorsque vous êtes DRH d’une entreprise de 100 000 personnes, vous ne pouvez pas toutes les connaître. Or, ce manque de connaissance limite la prise de décision. Comment identifier, lorsque j’ai un poste à pourvoir, la personne avec les meilleures compétences ? Cette opacité freine la gestion de la mobilité des salariés et leur progression de carrière. Le potentiel d’amélioration de l’efficacité de la fonction au service du management et des salariés est considérable.

JE SUIS ATTIRÉ PAR LES ENTREPRISES AYANT DES ENJEUX DE TRANSFORMATION EXTRÊMEMENT FORTS

Selon vous, comment le métier de DRH a évolué depuis vos débuts et quelles sont les grandes mutations que vous anticipez dans les années à venir ?

J. N. : Ce métier a beaucoup évolué en presque 25 ans. Nous sommes passés d’une fonction centrée sur la gestion du collectif à une fonction qui s’est progressivement enrichie des sujets de gestion individuelle. Dans les prochaines années, l’utilisation de la data va nous libérer du temps et nous permettre de nous ouvrir à des problématiques nouvelles sur lesquelles nous pouvons avoir une valeur ajoutée.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

J. N. : Je suis sensible aux valeurs du sport : le fairplay, le dépassement de soi… Je le dis d’autant plus volontiers que Carrefour est partenaire premium de Paris 2024. Ce n’est pas un hasard si d’anciens sportifs font de très belles carrières en entreprise. Ils sont une formidable source d’inspiration.

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