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Médias : comment repenser vos stratégies com’ à l’ère de l’hybridation et de l’IA ?

Interview de Guillaume Theaudière

Guillaume Theaudière, Expert en stratégie média, Directeur Associé, Monolith Partners, Enseignant, Sciences Po. analyse les grandes tendances médias qui vont redéfinir les contours de la com d’ici 2026.

Il interviendra lors de la conférence Tendances Communication organisée par Comundi sur : « Comment s’adapter aux mutations du paysage médiatique à l’horizon 2026 ? »

Quelles sont les 3 tendances majeures du nouveau paysage médiatique qui vont impacter les stratégies de com’ des entreprises à l’horizon 2026 ?

Deux tendances décrivent des modifications du comportement des consommateurs.

Tout d’abord, on observe une consommation média toujours plus hybride, c’est-à-dire que tous les médias y compris les médias traditionnels, la TV, la radio, sont désormais consommés à la fois de façon traditionnelle mais aussi de plus en plus de façon digitale, via une ou plusieurs plateformes. A travers ces nouvelles pratiques, on comprend que les consommateurs cherchent à maîtriser le quand et le comment de leurs consommations de contenus.

On écoute la radio dans sa voiture, ou sur un poste dans sa salle de bain, mais aussi avec son smartphone avec une appli ou alors on va écouter un podcast, éventuellement issu de sa radio favorite.

Il en va de même pour la vidéo : TV, Replay, Vidéo sur Youtube, Vidéo sur les Réseaux sociaux, VOD…  Tout s’agrège pour composer la grille de programme individualisée du téléspectateur.

Ensuite, cette hybridation des pratiques média est à nuancer en fonction des générations. C’est la deuxième tendance lourde. Pour les plus âgés d’entre nous, au-delà de 55 ans, environ, on observe une préférence pour les médias traditionnels : la TV en direct, la radio, la presse écrite restent des repères au quotidien. Les médias digitaux, les réseaux sociaux en particulier, sont simplement venus s’ajouter à la palette des médias consommés.

Entre 25 et 55 ans, la digitalisation est relativement uniforme, qu’on ait 50, 40 ou 30 ans. Le digital domine sous forme d’une cohabitation entre réseaux sociaux et médias digitalisés. Les services de streaming, les grosses plateformes agrègent les audiences : Netflix, Spotify, Instagram, Prime Video, Youtube, mais aussi Radio France, TF1+ et leurs concurrents.

Et puis il y a les jeunes. En dessous de 35 ans, les marques médias reculent, en dessous de 25 ans, elles disparaissent. La consommation médias des jeunes se concentrent sur les plateformes sociales et le streaming : META, TikTok, Youtube, Netflix, Spotify.

L’impact pour les stratégies de communication est majeur. Il ne s’agit pas seulement de devoir composer des mix médias spécifiques à chaque cible ou de digitaliser les mix. La logique des plateformes n’est pas celle des Mass Media. D’un côté, vous voulez toucher le plus grand nombre le plus vite possible, comme « un bon vieux TF1 » du dimanche soir à 20H30. De l’autre, vous voulez, et vous pouvez isoler précisément les segments d’audience les plus à même de vous acheter en ligne. Les plateformes sont d’une efficacité redoutable et prouvée pour ces techniques de bas de funnel. Mais elles ont aussi une limite dans la création d’une marque. Toutes les études, en particulier celles de Les Binet et de Byron Sharp, montrent que la construction d’une marque forte, ancrée dans l’esprit des gens, idéalement avec des attaches émotionnelles, est la voie nécessaire pour développer durablement un business. Notamment parce qu’elle permet d’accentuer l’efficacité des techniques bas de funnel proposées par les plateformes.

Dans ce contexte, le défi pour les stratégies, en 2026 et dès aujourd’hui, c’est de trouver les outils et les messages de haut de funnel pour toucher un maximum de gens et installer les conditions de l’efficacité des techniques de performances digitales. Pour ce qui est de ces dernières, évidemment, la grande tendance, c’est L’IA, et ce qu’elle permet : l’automatisation. Automatisation des achats, automatisation des créations, tout cela piloté par les plateformes elles-mêmes. Tout ceci est prometteur, mais ne va pas sans son lot d’inconvénients : « silo-isation » des campagnes, désintermédiation et mise en danger des agences dans la chaîne de valeur. Tout ceci favorise l’hégémonie des plateformes qui ne sont pas exemptes de travers : évasion fiscale, utilisation opaque des données personnelles, opacité des algorithmes, menaces sur la santé publique, leviers d’influences étrangères, etc…

En résumé, en 2026, il va falloir chercher la puissance média là où elle est pour chaque cible, l’utiliser pour délivrer des messages forts et singuliers qui distinguent les marques et ensuite lâcher la bride aux IA pour automatiser les campagnes de performances grâce à des équipes au sommet de leur certification avec les plateformes.  

Que conseillez-vous aux marques pour rester visibles et crédibles dans un environnement médiatique de plus en plus fragmenté et saturé ?

Sur la crédibilité, il est préférable de discuter avec une agence créa mais il me semble que l’authenticité du discours est généralement un gage de succès.

Quant à la visibilité, c’est le sujet de nos préoccupations, chez Monolith. Nous cherchons à maximiser la visibilité des marques. C’est un défi contre le foisonnement des sollicitations auxquelles sont confrontés les cibles. Les audiences se fragmentent et l’attention aussi.

La visibilité d‘une campagne est donc la triangulation entre la puissance, l’attention et la répétition du mix média utilisé : toucher le plus grand nombre, utiliser des médias et des contextes qui favorisent l’attention des cibles, et enfin, garantir un niveau de répétition nécessaire pour que la campagne émerge.

A ce jeu, la vidéo est souvent le support créatif le mieux adapté. Il permet de construire des campagnes omnicanales cohérentes où seront combinés des supports puissants et générateurs d’attention (en vidéo, c’est très simple, c’est proportionnel à la taille de l’écran !) et d’autres (les réseaux sociaux, pour ne pas les nommer) permettant un ciblage des segments de cible les plus réactifs, et un pilotage optimisé de la répétition.

C’est aussi pour ça que le mix TV+Social a tant de succès auprès des marques. L’hybridation des médias l’a, en outre, rendu accessible à un éventail plus large de budget : avod, bvod, svod donnent accès à l’écran de TV sans imposer de dépenser autant que les grands annonceurs traditionnels.

Un autre média très populaire car très efficace dans cette recherche de visibilité, de puissance et de répétition, c’est l’affichage, et en particulier le DOOH. Couplé au mobile, il permet, à nouveau, de concevoir des campagnes bien triangulées, et là encore avec une souplesse budgétaire renforcée par la digitalisation.

Quels canaux ou formats émergents offrent aujourd’hui le meilleur retour sur investissement… et lesquels risquent de disparaître d’ici 2026 ?

Les médias traditionnels sont-ils condamnés à perdre du terrain face aux plateformes digitales, ou peuvent-ils renaître en s’hybridant ?

“Tous ne mouraient pas mais tous étaient frappés”. Il en va des médias comme des animaux dans la fable de La Fontaine. La comparaison s’arrête là ! Mais la maladie n’est pas la digitalisation à proprement parler. Tous les médias, ou presque, ont aujourd’hui une déclinaison digitale. Ça ne les empêche pas de perdre du terrain. La maladie, aussi vieille que les médias eux-mêmes, c’est la difficulté à renouveler son audience à travers les âges. Chaque génération s’empare d’une technologie, d’un média, et y fait le succès d’un titre, d’une chaîne, d’un contenu. Les millennials ont installé de nouveaux venus : Brut, Konbini…

Eux-mêmes connaîtront tôt ou tard ce même problème de renouvellement des audiences.

Il y a ensuite une autre menace, plus structurelle : la compétition entre les médias et les plateformes qu’on nommait autrefois GAFA et qui aujourd’hui comptent parmi elles Google, Amazon, Meta et TikTok pour l’essentiel.

L’hybridation, même si elle ne suffira pas à endiguer l’irrésistible attraction publicitaire des grandes plateformes, est une opportunité de valoriser les inventaires et les catalogues de contenus. Elle répond à une demande des consommateurs et permet d’élargir les sources de revenus. La migration des stations de radio vers des modèles hybrides est exemplaire : Flux live, replay, web radio thématiques, podcasts, le tout monétisé via des DSP. Ça ne va pas faire trembler MountainView mais cette transformation de l’offre audio demeure intéressante à observer.

Dans l’audio, comme dans la vidéo ou l’éditorial, le mouvement est identique. Il se double, au passage, d’une plateformisation des offres médias. Aujourd’hui, le digital est plateformisé et les grands opérateurs sont des acteurs spécialisés : Azerion, Reworld, 366 qui forment un écosystème nouveau, associé aux adtech. Plus récemment, TF1 et M6 sont également entrés dans cette danse.

Voilà comment se recompose l’offre média aujourd’hui. Plateformisation est le mot à retenir, c’est le mode d’intermédiation entre Annonceurs et Médias imposé par Google, Meta et leurs avatars. Sur ces plateformes, qu’achète-t-on ? de l’audience, des segments d’audiences, des cibles pré-construites : amateurs de grands crus, acheteuses de souliers chics, voyageurs d’affaires, parieurs sportifs, fans de trail, il y en a pour tous les goûts.

Sous cet angle, les médias traditionnels sont fragilisés. Le danger, en effet, c’est que leur audience, si chèrement construite grâce à un travail éditorial fin et durable, une compréhension profonde du lien qui les unit aux gens, soit mis dans le même segment qu’une dizaine de blogs thématiques ou l’usage d’un service en ligne générique.

La plateformisation est le symptôme de la crise que traversent les médias et seul un exercice de prospective pourrait cerner ce qui pourrait en découler.

Venez rencontrer Guillaume Theaudière, Expert en stratégie média et Directeur Associé, Monolith Partners, le mardi 25 novembre 2025, lors de la conférence Tendances Communication.

 

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