Mag des compétences - Comundi

Candidats et recruteurs : la grande incompréhension

Candidats et recruteurs

Véritable épreuve du feu, l’entretien d’embauche met en exergue les différences – criantes – de perception entre candidats et recruteurs concernant leurs aspirations respectives.

S’il a coutume de mettre face à face candidats et recruteurs – que ce soit physiquement ou en visioconférence, air du temps oblige -, l’entretien d’embauche, à mesure de son déroulé, semble, parfois, éloigner les deux parties de cette posture initiale. Au point même de les renvoyer dos à dos.

En effet, ces deux populations n’ont visiblement pas la même perception concernant leurs axes d’amélioration respectifs susceptibles de rapprocher leurs vues. Ainsi, selon une étude d’Indeed, célèbre métamoteur de recherche d’emploi, les recruteurs estiment que les aspirants candidats manquent de rigueur (pour 37 % des personnes interrogées), de débrouillardise (31 %) et de capacité à travailler en équipe (27 %). Des griefs auxquels les candidats n’ont pas l’air particulièrement réceptifs puisque, de leur côté, ils considèrent que leurs principales lacunes concernent les compétences linguistiques (29 %), les diplômes (25 %) ou encore les compétences managériales.

Des divergences qui puisent leur origine, aux yeux d’Eric Gras, spécialiste du marché de l’emploi chez Indeed et architecte de cette enquête, dans la rédaction des offres d’emploi des entreprises. « Il n’y a visiblement pas assez de travail de marketing autour de celles-ci. Elles ne sont pas assez bien construites et ressemblent davantage à une succession d’exigences trop longues. Conséquence : le candidat ne se projette pas. »

En cause également, la quête du profil idéal, qui continue d’avoir la vie dure en entreprise – même si là aussi, les choses commencent peu à peu à évoluer. « C’est d’abord au recruteur de faire un pas vers le candidat. Les responsables du recrutement et directeurs des ressources humaines se plaignent d’avoir trop de candidats qui ne correspondent pas à leurs critères, mais ils devraient déjà envisager de réduire leur degré d’exigences », développe le spécialiste.

Une flexibilité bienvenue

Une souplesse à laquelle souscrit pleinement Pierre-Henri Havrin, directeur du recrutement de BNP Paribas. Ses services procèdent à plus de 3.000 recrutements externes chaque année, intègrent 2.500 alternants ou encore 1.500 stagiaires. Sans oublier les 10.000 mobilités internes. « Le moyen pour avoir le processus de sélection le plus efficace possible est de mieux identifier les compétences attendues, qu’elles soient ‘métiers’ ou comportementales », explique-t-il. Et de poursuivre : « Elles ne sont pas systématiquement impératives à 100 % et il peut y avoir, dans certains cas, une forme de pondération. »

Une flexibilité partagée par son homologue Michael Kienle, vice-président chargé du recrutement du groupe L’Oréal. « Les process ne font pas tout en entreprise, il faut avoir cette capacité et cette curiosité d’aller vers l’autre. En tant que grand groupe, nous avons une responsabilité à oeuvrer à combler ce gap qui peut exister entre le monde de l’entreprise et les attentes que peuvent en avoir certains candidats. »

Ainsi, le numéro un mondial des cosmétiques a constaté des failles existantes, imputables à la crise sanitaire, notamment auprès des jeunes candidats. « Aujourd’hui, bon nombre de jeunes diplômés ont eu un parcours directement impacté par les restrictions liées au Covid, manquant d’opportunités professionnelles sous forme de stages ou d’apprentissages. De ce fait, certains d’entre eux manquent de connaissances en matière de codes de l’entreprise. »

« Aller au-delà de ce qui est demandé »

Pour tenter de remédier à cela, le groupe a mis sur orbite, en 2021, le programme « L’Oréal pour la jeunesse ». Objectif : créer des opportunités professionnelles pour les jeunes de moins de 30 ans et renforcer leur employabilité, en mettant notamment à leur disposition des outils de formation (cours en ligne, mentorat, coaching…).

Un rattrapage certes bienvenu, qui n’exonère pas pour autant les candidats de la valorisation de leurs atouts. « Il est important, à nos yeux, d’aller au-delà de ce qui vous est demandé. Ce sont des compétences comportementales particulièrement attendues. La capacité d’adaptation est, par exemple, systématiquement mentionnée dans nos annonces », ajoute Pierre-Henri Havrin de BNP Paribas.

« Le recruteur doit mettre dans son offre d’emploi ce qui relève des compétences non négociables pour le poste et ce qui peut relever des compétences ou des aptitudes souhaitées », complète Eric Gras, chargé des thématiques de recrutement chez Indeed. Des « aptitudes souhaitées » à ne pas négliger car elles peuvent, parfois, faire toute la différence en fonction de l’entreprise ciblée. « Chez L’Oréal, par exemple, la capacité à développer un solide réseau professionnel est précieuse, car elle renforce la compétence de chacun à collaborer, innover et réussir ensemble », développe Michael Kienle.

Des offres d’emploi mieux rédigées seraient-elles la clé pour réconcilier recruteurs et candidats, quels qu’ils soient ? Pour rappel, une femme postule à une offre d’emploi uniquement lorsqu’elle estime avoir 80 % des compétences demandées. Pour un homme, cette proportion chute à 50 %. À méditer.

Par Samir Hamladji