Septembre arrive et avec lui, ce moment crucial où tout DRH se pose la même question : sur quoi concentrer mes efforts pour le troisième trimestre ? Car avec les nouveaux défis (intelligence artificielle, RSE, guerre des talents), impossible de tout faire à la fois.
Cette période de réajustement stratégique est d’autant plus délicate dans le contexte économique actuel. Les entreprises naviguent entre incertitudes et opportunités, contraignant les RH à des arbitrages plus fins que jamais. Voici 6 conseils concrets pour prioriser efficacement vos chantiers RH de la rentrée, quels que soient votre secteur et la taille de votre entreprise.
Conseil n°1 : Identifier vos projets RH à l’arrêt des 3 derniers trimestres
Avant de vous lancer dans de nouveaux projets, faites d’abord le ménage dans votre portefeuille actuel. Car oui, nous avons tous ces initiatives lancées avec enthousiasme en janvier, qui mobilisent encore du temps et de l’énergie, mais qui ne produisent plus rien de tangible.
Ces projets en déshérence sont partout : la plateforme de feedback 360° que vous avez achetée 15 000€ mais que seuls 20% de vos équipes utilisent réellement. Cette refonte du système d’évaluation annuelle qui traîne depuis 18 mois sans pilote opérationnel. Ces formations obligatoires dont l’impact reste un mystère.
Les signaux d’alerte sont pourtant évidents : réunions récurrentes qui n’aboutissent sur aucune décision concrète, outils digitaux boudés par les utilisateurs, processus administratifs qui tournent à vide. Dès lors, une question s’impose : pourquoi continuer à alimenter ces gouffres budgétaires ?
Si aucun progrès mesurable n’est constaté dans les 3 prochains mois, un choix s’impose. Arrêter, transformer ou relancer, mais en aucun cas laisser survivre ces initiatives qui consomment vos ressources sans contrepartie. Cet audit rigoureux libérera l’espace mental et budgétaire nécessaire pour vos vraies priorités.
Conseil n°2 : Appliquer la matrice impact/effort aux projets RH avec le filtre ROI
Une fois vos projets à l’arrêt identifiés, place à la priorisation intelligente. La matrice impact/effort, vous la connaissez certainement. Mais dans le contexte économique actuel, elle mérite d’être enrichie d’un troisième critère : le retour sur investissement.
Concrètement, classez chaque projet RH dans l’une de ces quatre catégories. D’abord, les quick wins à fort impact et faible effort : automatisation des contrats via IA, digitalisation des processus d’onboarding. Ces projets doivent être lancés en priorité, mais attention à bien mesurer leur performance dès le démarrage.
Ensuite, les investissements stratégiques à fort impact mais effort élevé : refonte complète du SIRH, transformation digitale des RH. Ces chantiers exigent une justification financière solide et un portage de direction irréprochable.
Les actions plaisir (faible impact, faible effort) méritent désormais un questionnement sévère. Team building, séminaires, petits aménagements… En période de contraintes budgétaires, ces dépenses deviennent-elles vraiment prioritaires ? Enfin, les projets à faible impact mais fort effort sont à abandonner sans état d’âme.
Prenons des exemples chiffrés. Une startup peut investir 5 000€ dans un système de cooptation pour économiser 50 000€ de frais de recrutement annuels. Un grand groupe investira 100 000€ dans une plateforme de micro-learning avec des gains de productivité mesurables dès 6 mois.
L’astuce post-crise ? Privilégier systématiquement les projets avec un ROI mesurable sous 12 mois. Par conséquent, votre tableau de scoring doit intégrer le critère « payback time » comme filtre décisif.
Conseil n°3 : Synchroniser avec les enjeux business du troisième trimestre dans un contexte post-crise
Vos priorités RH ne peuvent plus être déconnectées des réalités économiques actuelles. L’inflation, la pénurie de talents et les bouleversements géopolitiques redessinent la carte des urgences business. Dès lors, trois questions s’imposent pour recalibrer votre stratégie.
Première interrogation : quels métiers deviennent critiques avec la raréfaction des compétences ? La cybersécurité, le développement durable et la santé mentale au travail émergent comme des priorités absolues. Deuxième point d’attention : comment l‘intelligence artificielle transforme-t-elle les besoins en compétences de votre organisation ? Enfin, quels nouveaux enjeux RSE réglementaires impactent directement vos processus RH ?
Par exemple, une startup tech qui pivote vers l’IA doit immédiatement prioriser l’upskilling de ses développeurs et le recrutement de data scientists. Un grand groupe industriel confronté aux tensions géopolitiques investira dans les compétences supply chain et renforcera sa résilience organisationnelle.
Ces transformations imposent de nouveaux indicateurs de pilotage. Exit les traditionnels taux de turnover et d’engagement : place à l’indice de résilience organisationnelle et à la capacité d’adaptation au changement. Car en définitive, votre fonction RH doit anticiper les métiers de demain plutôt que de gérer ceux d’hier.
Conseil n°4 : Écouter le terrain pour capter les signaux faibles
Votre vision stratégique, aussi brillante soit-elle, ne vaut rien si elle ne rencontre pas les préoccupations réelles de vos collaborateurs. Or ces préoccupations ont radicalement évolué depuis la crise. L’anxiété économique remplace l’optimisme d’antan, la quête de sens s’intensifie, et les attentes de flexibilité deviennent non-négociables.
Concrètement, quels signaux surveiller ? Dans une startup, la multiplication des demandes de formations certifiantes révèle une inquiétude croissante sur l’employabilité. Dans un grand groupe, la hausse des demandes de temps partiel chez les cadres seniors trahit un épuisement professionnel massif.
Pour capter ces évolutions, vos outils d’écoute traditionnels ne suffisent plus. Misez sur des sondages anonymes ciblés sur les préoccupations financières, organisez des ateliers d’échange par génération, analysez systématiquement les verbatims de départ. Car chaque génération exprime des besoins distincts : la Gen Z privilégie l’impact sociétal (source – Baromètre Conférence des grandes écoles – BCG), les Millennials recherchent l’équilibre vie pro/perso, tandis que la Gen X aspire avant tout à la sécurité.
La clé ? Croiser vos données quantitatives classiques (absentéisme, turnover) avec ces nouvelles données qualitatives : niveau de stress financier, sentiment d’utilité, perception de l’avenir. Cette écoute fine vous permettra d‘ajuster vos priorités RH aux vrais enjeux du moment, plutôt qu’aux tendances théoriques des cabinets de conseil.
Conseil n°5 : Planifier avec réalisme et anticiper les aléas économiques
Fini le temps des plans RH gravés dans le marbre pour 12 mois. L’incertitude économique impose une planification modulable et des marges de sécurité renforcées. Oubliez la règle des 80/20 : aujourd’hui, réservez 30% de vos ressources pour faire face aux imprévus et aux pivots stratégiques.
Concrètement, construisez plusieurs scénarios. Une startup prévoira un plan A (croissance forte avec recrutements massifs), un plan B (consolidation avec gel des embauches) et un plan C (mode survie avec réorganisation). Un grand groupe anticipera selon les mêmes logiques : soit des plans sociaux, soit au contraire une accélération des recrutements sur certains métiers critiques.
Cette approche exige des outils de pilotage adaptés. Plutôt que de fixer vos objectifs RH sur 12 mois, découpez-les en cycles de 3 mois avec des points de révision systématiques. Par exemple, au lieu de planifier « 50 recrutements sur l’année », fixez-vous « 12 recrutements au T3 » avec réévaluation des besoins en octobre selon la conjoncture. Installez également des tableaux de bord temps réel qui détectent les signaux faibles : baisse des commandes, tensions de trésorerie, évolution des indicateurs sectoriels.
Enfin, privilégiez systématiquement la réversibilité dans vos décisions. Freelances plutôt que CDI pour les compétences émergentes, solutions SaaS plutôt que licences lourdes, formations courtes plutôt que cursus longs… Cette souplesse vous permettra d’ajuster rapidement vos priorités sans casser votre organisation.
Conseil n°6 : Communiquer avec transparence et embarquer dans l’incertitude
Dans un contexte économique tendu, la transparence devient votre meilleur allié pour maintenir l’engagement et éviter les rumeurs destructrices.
Le message à porter est simple : « Nous faisons moins, mais mieux. » Expliquez concrètement pourquoi vous concentrez vos efforts sur 3 chantiers au lieu de 10 dans une startup, ou pourquoi vous privilégiez l’adaptabilité plutôt que l’expansion dans un grand groupe. Vos collaborateurs accepteront d’autant mieux ces arbitrages qu’ils en comprendront la logique économique.
Vos managers deviennent ici des relais essentiels. Formez-les à traduire les enjeux économiques en langage accessible : expliquer comment la baisse des commandes impacte les recrutements ou pourquoi l’inflation pousse à revoir les politiques de rémunération.
Organisez des sessions de questions-réponses régulières pour gérer l’anxiété ambiante. Instaurez des points mensuels qui croisent indicateurs économiques et RH. Montrez comment chaque projet contribue à la solidité de l’entreprise.
Enfin, célébrez autant vos réussites que vos apprentissages. Car un échec bien analysé et partagé renforce la cohésion d’équipe et la culture de l’amélioration continue.
Vous l’aurez compris : dans un contexte où chaque euro compte, mieux vaut mener 3 chantiers robustes jusqu’au bout plutôt que de disperser vos forces sur 10 projets fragiles. Cette approche pragmatique vous permettra non seulement de démontrer la valeur ajoutée de la fonction RH, mais aussi de maintenir l’engagement de vos équipes.