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L’extension du recours aux contractuels : destruction ou rénovation du statut de la fonction publique ?

Statut des fonctionnaires

Statut des fonctionnaires

Le Gouvernement est-il en train de détruire le statut des fonctionnaires ?

Le texte du projet de loi de transformation de la fonction publique présenté le 13 février 2019 fait déjà l’objet d’un rejet important. En effet, les collèges des organisations syndicales du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ont, tour à tour, voté contre ce texte. De surcroît, plus de 200 amendements émanant de syndicats et d’employeurs publics ont été déposés sur le projet de loi de transformation de la fonction publique.

Le titre II du projet de loi est motivé pour permettre aux encadrants de « recourir au contrat, par dérogation au principe de l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires »[1].

Ce texte étend ainsi les possibilités offertes aux employeurs publics de recruter des contractuels par rapport aux règles en vigueur aujourd’hui afin qu’ils remplissent un nombre plus important de fonctions jusqu’ici exercées par des fonctionnaires.

L’intention du Gouvernement est de favoriser la mixité des carrières en favorisant les recrutements de profils venus du secteur privé. Ces mesures relatives aux contractuels constituent le point le plus critiqué du projet de loi. Les organisations syndicales ont demandé la suppression de la plupart des articles relatifs aux contractuels.

L’enjeu de cet article est de présenter les objectifs du Gouvernement et de mesurer la portée du texte concernant :

L’ouverture aux contractuels des fonctions d’encadrants

L’article 5 du projet de loi répond à « la volonté de diversifier les viviers de recrutement dans l’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique, en ouvrant la possibilité de nommer des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire sur les emplois de direction de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements de la fonction publique hospitalière »[2].

L’objectif est non seulement de recruter, sur des postes à hautes responsabilités des profils venus du secteur privé, mais également de permettre l’évolution professionnelle, à la fois, des agents contractuels exerçant leurs fonctions au sein de l’administration et d’un plus grand nombre de fonctionnaires qui, en l’état actuel des textes réglementaires, ne peuvent y prétendre.

Censurée par le Conseil constitutionnel dans le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel »[3], l’ouverture aux contractuels des postes de direction du secteur public devra concerner, cette fois :

Dans la fonction publique territoriale, cette ouverture sera élargie à l’ensemble des collectivités dont la population est supérieure à 40 000 habitants. Un décret ultérieur à l’adoption de la loi devra préciser la liste des emplois concernés et les modalités de sélection et d’emploi.

Les organisations syndicales ont demandé la suppression de cet article du projet de loi relatif à la transformation de la fonction publique. Le Gouvernement ne semble pas enclin à infléchir sa position sur ce point.

Le contrat de projet, nouveau contrat à durée déterminée

L’article 6 du projet de loi crée le contrat de projet qui est un nouveau type de contrat à durée déterminée, de six ans maximum, au sein de la fonction publique afin de permettre : « aux services d’être en capacité de mobiliser des profils divers pour la conduite de projets ou de missions spécifiques s’inscrivant dans une durée limitée.[5] »  

Ce nouveau contrat ne devra pas permettre d’ouvrir un droit à un contrat à durée indéterminée ni à titularisation[6]. Ce contrat prendra fin à trois conditions :

  1. si le projet ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut se réaliser ;
  2. si le projet ou l’opération arrive à son terme
  3. et si le projet ou l’opération se termine de manière anticipée.

Les organisations syndicales ont également demandé la suppression de cet article. Afin de répondre aux critiques des partenaires sociaux, le Gouvernement semble disposer à fixer à un an le plancher de la durée de ce contrat.

L’élargissement du recours aux contractuels par l’Etat

L’article 7 du projet de loi vise à étendre « significativement les possibilités de recruter des contractuels au sein de la fonction publique d’État, tout en maintenant le principe selon lequel les emplois permanents de l’État sont occupés par des fonctionnaires, afin de renforcer la qualité et la continuité des services publics dans les territoires [7]».

Aujourd’hui, le statut limite à deux possibilités le recrutement par l’Etat d’agents contractuels par l’État : « lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes »[8] et « pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient»[9].

Ledit article du projet de loi[10] permettra d’aller plus loin que ces deux conditions en ouvrant une possibilité de pourvoir à tous les emplois de catégorie A, B et C :

De surcroît, le recrutement des contractuels sera également autorisé si les fonctions ne nécessitent pas une formation statutaire obligatoire à l’entrée dans le métier et préalable à la titularisation de l’agent.

Enfin, ledit article étendra ainsi, au sein de la fonction publique d’État, la possibilité de recruter directement l’agent  en contrat à durée indéterminée lorsqu’il s’agit d’occuper à titre permanent un emploi permanent.

Cet article concerne également agents contractuels des autorités administratives indépendantes, des autorités publiques indépendantes et des établissements publics.

La suppression de cet article a été aussi demandée par les syndicats. Le Gouvernement ne semble pas plus enclin à infléchir sa position sur ce point.

L’élargissement du recours aux contractuels dans la fonction publique territoriale

L’article 8 du projet de loi accroît les possibilités de recours au contrat sur les emplois à temps non complet de la fonction publique territoriale et transforme les modalités de recrutement des fonctionnaires sur ces mêmes emplois.

Le Gouvernement a fait le constat qu’« les conditions de recrutement des fonctionnaires varient  en fonction de la quotité de travail, de la nature de l’emploi et de la taille de la collectivité et pour un nombre maximum d’emplois. Ces dispositions complexes ne permettent pas de répondre aux besoins des collectivités en matière de temps non complet [11]».

Dans les textes actuellement en vigueur, le recrutement de contractuels n’est possible que : « pour les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 1 000 habitants et de secrétaire des groupements composés de communes[12] » et pour les « emplois à temps non complet des communes de moins de 1 000 habitants et des groupements composés de communes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil, lorsque la quotité de temps de travail est inférieure à 50 % [13]».

Ainsi, ledit article du projet de loi[14] prévoit une harmonisation des modalités de recrutement des fonctionnaires quel que soit la durée du temps non complet, le cadre d’emplois et le nombre d’emplois créés.

Épilogue provisoire

Si le texte devait être adopté en cet état, il ne remettrait pas en cause le statut des fonctionnaires, mais sous prétexte de le simplifier, il risquerait au contraire d’accroître les difficultés, déjà existantes, de cohabitation entre contractuels et statutaires.

Dès lors que l’élargissement du recours aux contractuels est perçu comme une menace par les fonctionnaires, les éléments sont réunis pour que le vote par le Parlement de ce texte soit riche en débat, dans un contexte de contestations sociales importantes.

Alors que l’avis du Conseil d’Etat sur ce projet de loi tarde à être publié, les organisations syndicales ont d’ores et déjà prévu des mouvements de contestation le 27 mars 2019, jour de la présentation du texte en conseil des ministres.

Dominique VOLUT, Docteur en droit public, Avocat au cabinet MPC Avocats

[1] Exposé des motifs du texte du projet de loi de transformation de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, p. 6.

[2] Ibidem p. 6 et 7.

[3] Décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018, J.O.R.F. n°0205 du 6 septembre 2018, texte n° 2.

[4] Art.5 du projet de loi de transformation  de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, pp. 46-47.

[5] Exposé des motifs du texte du projet de loi de transformation  de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, pp. 7.

[6] Art.6 du projet de loi de transformation  de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, pp. 47-49.

[7] Exposé des motifs du texte du projet de loi de transformation  de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, pp. 7-8.

[8] Art. 4-1° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat.

[9] Art. 4-2° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat.

[10] Art.7 du projet de loi de transformation  de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, pp. 49-50.

[11] Exposé des motifs du texte du projet de loi de transformation  de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, pp. 8-9.

[12] Art. 3-3 3° de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

[13] Art. 3-3 4° de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

[14] Art.8 du projet de loi de transformation  de la fonction publique NOR : CPAF1832065L, présenté à Bercy le 13 février 2019, pp. 50-51.