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Covid : offrir des expériences positives de consommation

Favoriser une expérience positive aux consommateurs face à la Covid-19

Chronique – Les expériences quotidiennes des consommateurs peuvent réguler les sentiments négatifs induits par la pandémie, et par conséquent avoir un impact sur leur bien-être.

Encerclés par les menaces individuelle et collective créées par le Covid-19, les individus peuvent être assaillis par une myriade d’émotions principalement négatives. Ils découvrent qu’ils n’ont aucun contrôle sur la situation et peuvent éprouver anxiété, tristesse et même colère. De tels événements peuvent être la source d’une grande détresse et avoir des effets négatifs à long terme sur le bien-être subjectif individuel.

Mais tout le monde n’est pas touché de la même manière; le ressenti dépend de la personnalité, des expérience et de la manière dont chacun régule ses émotions.
Prenez Maya et Emile, deux étudiants de dernière année d’études à l’université. Bien que ni l’un ni l’autre n’ait le sentiment de courir un gros risque avec le coronavirus, ils peuvent traverser des moments d’anxiété, de tristesse ou de frustration parce qu’ils sont inquiets pour leurs proches, plus seuls qu’auparavant et/ou qu’ils connaissent une grande incertitude quant à leur avenir professionnel.

Tous deux vont s’efforcer de gérer ces sentiments négatifs, en étant animés par des objectifs radicalement différents. Selon la théorie des orientations autorégulatrices (1) formulée par le psychologue américain Higgins, Maya peut ainsi avoir « un objectif de prévention » quand Emile poursuivra « un objectif de promotion ». Pour se sentir mieux, Maya voudra éviter les sentiments négatifs et sera motivée par des expériences qui lui permettent d’échapper à la réalité alors qu’Emile, en quête de sentiments positifs, sera motivé par des expériences qui lui permettent avant tout de s’auto-réaliser.

Des travaux en psychologie du consommateur montrent que lorsque les individus axés sur la prévention, comme Maya, cherchent à répondre à un besoin de sécurité, ils veulent éviter tout ce qui ne va pas dans ce sens. En revanche, les personnes qui préfèrent la promotion comme Emile, seront motivées par ce qui va pouvoir leur apporter un instant de développement.
Pour rester en bonne santé durant la pandémie, les personnes axées sur la prévention sont susceptibles d’éviter les aliments trop gras _ un évitement qui ne correspond pas à la situation _ tandis que les individus axés sur la promotion vont probablement faire de l’exercice.

Les expériences de consommation : évasion ou de développement personnel ?

Sachant que la quête d’atténuation des émotions négatives par le biais de l’expérience de consommation est l’une des stratégies d’adaptation des individus dans le monde occidental, il faut observer les nouveaux modes de consommation, parfois irrationnels, que la pandémie a induits.

Des panels de McKinsey, du BCG, de l’IRI ou de Nielsen rapportent que les consommateurs ont tendance à dépenser moins mais à faire des achats en ligne plus fréquents et qu’ils privilégient soit des produits de base ou soit des produits appartenant à des catégories dites hédoniques, tels que l’alcool, les soins dermatologiques, le maquillage ou les divertissements.
Ces études montrent par ailleurs que même si la pandémie affecte de façon différente chacun des consommateurs, la majorité d’entre eux estiment qu’à l’avenir ils feront leurs achats autrement.
Pour faire la lumière sur ces nouveaux comportements d’achat annoncés comme durables, la distinction entre les personnes axées sur la prévention et celles axées sur la promotion offre une dichotomie conceptuelle intéressante.
Pendant le confinement, les consommateurs axés, comme Maya, sur la prévention, étaient plus susceptibles de s’immerger dans des réalités alternatives telles que les jeux vidéo, les séries ou les programmes TV. Les consommateurs axés sur la promotion comme Emile ont eu, eux, davantage tendance à exprimer leur créativité à travers des peintures numériques, par exemple, ou à développer leurs capacités physiques en suivant des tutoriels sportifs.

La plupart des expériences positives de consommation rapportées par les consommateurs axés sur la prévention sont, de fait, liées à des expériences sensorielles comme la température d’une boisson, le goût d’un aliment, etc. et à des divertissements basés sur la technologie. Ces expériences permettent aux personnes telles que Maya d’échapper à conscience de soi parce qu’elles se concentrent sur des sensations physiques existantes ou parce qu’elles se tournent vers des moyens d’évasion faisant appel à l’imagination.

Dans le cas des consommateurs axés sur la promotion, la plupart des expériences positives de consommation sont liées à la santé, comme le fait de suivre un régime, de faire de la gymnastique et à la créativité, par exemple, cuisiner ou jouer de la guitare. De fait, un grand nombre de consommateurs relient aujourd’hui la santé à la construction de leur moi idéal et la créativité à l’expression de leur moi réel.

Le bien-être des consommateurs et implications pour les entreprises

Si les expériences quotidiennes des consommateurs peuvent réguler les sentiments négatifs induits par la pandémie, et par conséquent avoir un impact sur leur bien-être, comment les responsables marketing peuvent-ils offrir ces expériences positives de consommation ?

La question doit être abordée lors de l’élaboration de la stratégie de contenu d’une marque. Traditionnellement, les services marketing distinguent le contenu visant à éduquer, décliné par articles, guides et autres infographies, à persuader repris dans les listes de contrôle, les évaluations et calculs financiers, à divertir, tels les jeux, concours, et applications ou encore à inspirer à l’exemple des avis et recommandations, des témoignages, et des commentaires sur les forums. Le tout pour attirer des prospects et les convertir en clients… fidèles.
Pourquoi ne pas ajouter une catégorie que nous appellerons « contenu visant à améliorer le bien-être des consommateurs » ? Pourquoi ne pas lancer en conséquence des campagnes de marketing qui pourraient avoir des thèmes tels que « comment éviter les émotions négatives » ou « comment trouver des émotions positives ».

Pour du contenu axé sur la prévention, les marques peuvent proposer des expériences de consommation permettant de souligner les bienfaits et l’apaisement, la contribution à des formes de bonheur à court terme et basées sur le plaisir. Elles peuvent aussi opter pour une stratégie de contenu axée sur la promotion : il s’agit alors de renforcer les avantages et la dynamique procurés par l’expérience de consommation, ainsi que la contribution à des formes de bonheur durable, fondées sur le sens.

Cet article n’est pas une invitation à se livrer au matérialisme pur et simple ou à dépenser de manière inconsidérée, des démarches ni utiles, ni éthiques pour parvenir au bien-être. En revanche, nous devons avoir conscience de la manière dont nous utilisons la consommation pour réguler nos émotions négatives, en particulier dans le contexte anxiogène de cette pandémie.
Les expériences de consommation peuvent présenter une face sombre _ soulagement et de plaisir immédiats _ mais aussi une face lumineuse _ dynamisation et sens durables.

(1) Higgins, E.T. (1998). Promotion and prevention : Regulatory focus as a motivational principle. Advances in Experimental Social Psychology, 30, 1-46.

Charlotte Gaston-Breton