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Télétravail, semaine de 4 jours, CDI : pourquoi le travail va radicalement changer

Pourquoi le travail va radicalement changer

Deux enquêtes révèlent que les jeunes diplômés se radicalisent dans leur rapport au travail en entreprise. Mais, surprise, ils inspirent maintenant les générations précédentes et même les patrons. Seule une catégorie d’employés est nettement moins enthousiaste…

Il va y avoir du remue-ménage ces prochaines années à tous les étages de l’entreprise ! Des jeunes qui veulent renverser la table des habitudes de travail, des dirigeants qui disent chiche et des managers intermédiaires tétanisés par l’ampleur des chantiers de transformation.

C’est la perspective détonante qu’esquissent deux études que se sont procurées « Les Echos ». Un sondage réalisé par l’institut Bona Fidé auprès de 470 jeunes diplômés d’école de commerce et d’ingénieur confirme avec force un rapport au travail décomplexé. Ces sondés de moins de 35 ans torpillent tout ce qui faisait l’employé modèle, dévoué à son entreprise.

La fin de la « gagne » ?

L’entreprise ne fait envie qu’à la moitié d’entre eux… 67 % comptent gagner moins d’argent mais avoir plus de temps libre. Même ceux issus d’école de commerce tournent le dos à 53 % au modèle classique de la « gagne », de quoi faire pâlir la génération Tapie.

50 % envisagent un parcours professionnel hors du salariat permanent, 18 % rêvant de travailler en indépendant, dans une association ou pour sa propre structure. Ils préfèrent à 92 % « réussir leur vie personnelle en conciliant au mieux vie personnelle et vie professionnelle quand 7 % avancent pour priorité « avoir une belle carrière ».

Cela ressemble désormais à un poncif mais la quête de sens de la nouvelle génération reste omniprésente dans leurs réponses. Il y a un an, des étudiants d’établissements prestigieux avaient mis en scène leur refus de travailler pour des grands groupes comme TotalEnergies jugés pas assez engagés dans la transition énergétique et environnementale.

L’enquête révèle que 83 % des sondés comprennent la démarche. Trois quarts des jeunes diplômés jugent souhaitables le renforcement des indicateurs extra-financiers, l’extension du télétravail, le passage à la semaine de 4 jours et l’essor du management de transition. Les DRH ne vont pas chômer et l’ampleur des chantiers de transformation a de quoi leur donner des sueurs froides.

Les DRH trouveront toutefois un peu de réconfort dans une autre étude réalisée par l’Ifop pour Arthur Hunt auprès de 200 cadres dirigeants (patrons, directeurs généraux, etc.) et 300 managers intermédiaires. Elle montre que toutes les évolutions appelées par les jeunes sont en fait soutenues par les dirigeants des entreprises.

Pas de déni chez les DRH

Loin du déni, ils admettent à 87 % que le travail a perdu sa place centrale dans les nouvelles générations et 82 % s’attendent à ce que le changement de rapport au travail des jeunes ait un fort impact sur leur entreprise. 78 % de l’encadrement estime que le télétravail sera plus pratiqué en 2030 que maintenant et quasi la même proportion espère cette évolution, surprenant alors qu’en privé les patrons ne se font pas prier pour critiquer le travail à domicile.

Plus révélateur encore, 70 % jugent probable que leur entreprise sera passée à la semaine des 4 jours et 72 % la souhaitent.

Pour Samuel Jequier, directeur général adjoint de Bona Fidé, ces déclarations ne sont pas exemptes de posture « politiquement correcte », mais elles montrent aussi que les entreprises réalisent qu’elles vont devoir bouger.

« Nous avons été stupéfaits par ce résultat avec une très forte anticipation des enjeux par les « gradés », et même de l’enthousiasme, et ce dans un horizon rapproché » n’en revient pas non plus Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise à l’Ifop.

Les cadres intermédiaires dans la seringue

Ce joli consensus interrelationnel n’est toutefois pas partagé unanimement par toute l’entreprise car une catégorie s’attend à faire les frais de ces mutations : le management intermédiaire. Ils sont beaucoup moins enthousiasmés par l’essor du télétravail, des indicateurs extra-financiers, le passage à la semaine de 4 jours, le recours à des indépendants, d’environ 15 points de moins que leurs grands chefs.

Une méfiance qui était déjà apparue dans le sillage des confinements et du développement du télétravail, ces fonctions tampons se plaignant de la surcharge imposée par la plus forte souplesse requise par ces modes d’organisation.

Jasmine Manet appartient justement à cette génération Z des moins de 27 ans. Diplômée d’HEC depuis trois ans, elle dirige maintenant l’association YouthForever, qui cherche à faire le lien entre la jeunesse et l’entreprise. Elle-même est surprise par l’ampleur des chiffres. « D’un côté, ces résultats montrent une certaine maturité, un rapport plus sain au travail des jeunes diplômés et une volonté des dirigeants de transformer leurs entreprises. Mais de l’autre ils me font peur, avoue-t-elle. Car si les relations deviennent à ce point individuelles, si les pactes employeurs/talents deviennent à ce point hybrides et sur mesure dans l’entreprise, si on ne cultive pas le collectif au travail dans l’esprit de la nouvelle génération, comment allons-nous réussir à réussir ensemble les transitions environnementales ? »

Ne plus embaucher de juniors

Cette génération est d’autant plus compliquée à appréhender pour les entreprises qu’elle est comme les précédentes pétrie de contradiction comme le montre une étude publiée cette semaine par « Les Echos » . Pour 47 % de l’échantillon de la génération Z interrogée (18 à 27 ans), la rémunération reste le critère numéro un pour le choix de leur prochain poste et 36 % changent de travail pour avoir un meilleur salaire.

La difficulté de gérer les jeunes diplômés fait les choux gras des discussions entre managers, souvent décontenancés par leur indifférence à l’autorité. Une DRH d’un groupe français estime même que comme toute une génération de jeunes embauchés n’ont pas connu les conditions de travail pré-Covid, ils manquent de repères : « il va falloir que les aînés remettent du cadre dans les années à venir ». Des réactions plus tranchées apparaissent comme cette directrice médicale d’un grand laboratoire pharmaceutique en France qui explique ne plus vouloir embaucher que des séniors de plus de 55 ans dans ses équipes, lassée des exigences à sens uniques des plus jeunes.

Par Matthieu Quiret