10 questions clés pour comprendre la réforme de la formation - Marie-Hélène Snyers - Michal

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Interview de Marie-Hélène SNYERS MICHAL

1. Nous vivons une nouvelle réforme de la formation professionnelle : quels sont les changements importants pour l'entreprise ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : Oui, la réforme va apporter des changements. Nous passons à une nouvelle ère de la formation. Nous ne sommes plus sur le même paradigme. C'est un changement dont nous ne maîtrisons pas encore toutes les conséquences.

La formation professionnelle passe d'une logique d'obligation fiscale à une logique d'obligation sociale.

D'une gestion administrative et budgétaire, la formation évolue vers un levier économique et social de l'entreprise.

Pour les professionnels de la formation (chargés de formations, RF, etc.) cette réforme va amener une transformation du métier et un nouveau positionnement dans l'entreprise. La fonction sera beaucoup plus prégnante et stratégique.

Ainsi, il lui faudra prouver que les actions de formation mises en place apportent vraiment quelque chose à l'entreprise et aux salariés.

Tout va dépendre de la conception du plan, de l'aptitude du service formation à convaincre la DG et la DRH, les managers et les partenaires sociaux, de l'utilité et de la pertinence des actions prévues aussi bien pour le collectif que  l'individuel. Pré-diagnostic et évaluation seront des outils précieux, mais ils ne suffiront plus. « Il s'agit moins de tracer une action que sa finalité ou son résultat » comme l'indique Jean-Pierre Willems. Un travail important avec le terrain attend les spécialistes de la formation.

Enfin, la réforme va créer un lien plus direct avec la GPEC et toutes les négociations d'entreprise. La formation professionnelle va vraiment faire partie du dialogue social

2. La réforme abroge la déclaration 2483 sur la formation professionnelle, alors pourquoi une dernière déclaration à faire avant la fin du mois d'avril 2015 ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : La nouvelle loi ne s'applique qu'à partir de la masse salariale 2015, que nous examinerons en 2016. Il faut donc une dernière déclaration en 2015 (concernant la masse salariale 2014) sur l'ancien mode avant qu'elle ne disparaisse. Puis, l'obligation fiscale étant abrogée, le CERFA 2483 l'est aussi, mais seulement à partir de l'an prochain.

Pour autant cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus d'obligation à rendre des comptes.

D'une part, les contrôles sur la déclaration 2483 sont possibles rétroactivement 5 ans en arrière. Il faut donc être en capacité d'expliquer ce qui a été fait en formation jusqu'en 2020 (déclaration de 2015, concernant la masse salariale de 2014).

D'autre part, elle sera vraisemblablement plus ou moins remplacée par d'autres demandes d'éléments statistiques faites par l'Etat et/ou l'OPCA. Il faut toujours pouvoir suivre et recenser les actions menées. La forme reste encore à définir.

3. A partir de 2016, quels seront les impacts sur le financement de la formation et les cotisations des entreprises?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : La réforme induit une simplification bienvenue : une taxe unique pour les entreprises de 10 salariés et plus. Elle sera de 1% mais sans le plan. Elle peut être de 0,8% si les entreprises désirent gérer elles même le CPF.

Il n'y a plus qu'un seul interlocuteur (et un seul bordereau) : l'OPCA. Ce sera beaucoup plus simple.

4. L'entretien professionnel : La réforme introduit un nouvel entretien, l'entretien professionnel. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels outils pour mener à bien l'entretien professionnel ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : L'entretien professionnel prend une nouvelle importance. Distinct de l'entretien annuel, il va demander de nouveaux outils et une posture différente.

Les entreprises doivent réfléchir au meilleur moyen de préparer les managers à gérer l'entretien professionnel : informer, former, donner des outils, des documents, pour qu'ils soient à même de le mener à bien.

En effet, la sanction sociale est derrière ! si à l'issue tous les 6 ans, le salarié ne bénéficie pas d'au moins deux des trois critères suivants : une action de formation, une évolution salariale ou professionnelle, un élément  de validation des acquis de l'expérience, l'entreprise se verra contrainte d'abonder le compte personnel de formation de chaque salarié concerné.

La preuve est exigée par salarié. Si l'entreprise ne répond pas aux obligations sociales fixées par la nouvelle loi, le coût financier est non négligeable ! L'abondement est de 100h de CPF pour un salarié à temps plein et de 130 heures pour un temps partiel. Soit 3000€ ou 3900 € par personne !

La sanction n'est applicable que pour les entreprises de 50 salariés et plus, mais l'entretien est obligatoire pour toutes !

Comme la loi est de 2014, le premier entretien doit être fait d'ici mars 2016 et l'entretien professionnel bilan au bout de six ans en 2020. Mon encadrement de proximité doit être au top dès maintenant.

5. Comment élaborer le  plan de formation 2016 en tenant compte de la réforme et du budget de l'entreprise ? Les actions du plan doivent-elles être certifiantes/qualifiantes ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : Avec la réforme de la formation, le plan est beaucoup plus libre puisque la notion d'imputabilité disparait. Même si les deux catégories du plan restent (adaptation au poste/maintien évolution dans l'emploi - développement des compétences) lors de la présentation aux partenaires sociaux, cela donne désormais une grande marge de manœuvre à l'entreprise et donc au responsable formation.

Il n'y a donc aucune obligation à ce que les actions du plan soient certifiantes/qualifiantes comme pour le compte personnel de formation ou la période de professionnalisation. L'entreprise est parfaitement libre de constituer son plan selon ses besoins et les modalités qu'elle souhaite.

6. Comment l'OPCA peut-il aider l'entreprise ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : L'OPCA est un partenaire incontournable.  Il peut aider l'entreprise sur plusieurs points :

-          Il continue à gérer la professionnalisation et le coût pédagogique de ces mesures

-          Il peut gérer le compte personnel de formation,  si l'entreprise le souhaite.

-          Il aide les entreprisse à trouver des aides financières complémentaires

-          Il publie sur son site les actions collectives et travaille le plus souvent en lien avec les observatoires  

                      prospectifs des métiers

-          Il peut aider à cofinancer les formations dans le cadre de pré-recrutements gérés par Pôle Emploi,

-          Il peut aider au financement de formations durant les périodes de chômage technique ou de plans de

                      sauvegarde de l'emploi

 

L'OPCA a un rôle particulier pour les entreprises de moins de 50 salariés : aide à l'achat de formation, aide au pré-diagnostic GPEC, aide à l'élaboration du plan...

Il va d'ailleurs avoir un rôle de contrôle renforcé, notamment sur la qualité de la formation.

Rien n'empêche l‘entreprise de lui faire des versements supplémentaires si elle souhaite qu'il gère pour elle davantage de choses.

7. Comment l'entreprise doit-elle préparer la consultation annuelle du plan de formation avec le comité d'entreprise ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : Par accord d'entreprise, on peut désormais modifier les dates de consultation annuelle pour qu'elles se rapprochent du planning opérationnel de l'entreprise.

Il faut penser à informer  le Comité d'Entreprise et  les Délégués du Personnel des changements dus à la réforme de la formation professionnelle : passation du DIF au CPF, adresses du conseil en évolution professionnelle. Tant dans la loi de 2013 que celle de 2014, plusieurs points concernent le CE. Ce dernier va avoir accès à la banque de données économiques et sociales. Pour les élus, cela signifie des accès aux informations plus aisés aux informations les concernant, notamment sur le plan de formation avec des comparaisons sur plusieurs années.

On peut s'attendre à une petite révolution, avec plus d'autonomisation du CE. La contrepartie doit être la transparence des comptes du CE vis-à-vis des salariés, entre autres.

8. Qu'est-ce que le conseil en évolution professionnelle ? L'entreprise doit-elle informer les salariés sur ce point ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : Le CEP est externe à l'entreprise, il est gratuit, pour tout public en état de travailler. Ce sont de nouvelles missions créées dans des institutions déjà existantes : les Fongecifs régionaux, Pôle emploi, Cap Emploi, les missions locales, les institutions mises en place par la Région...  Le CEP est indépendant et la discrétion est de rigueur.

Ces institutions interviennent, en tenant compte des débouchés professionnels et territoriaux, à 3 niveaux :

-          Information

-          Cerner le projet professionnel

-          Accompagnement le projet jusque dans l'aide à la recherche de financements

L'entreprise n'a aucune obligation légale d'information, mais elle a tout intérêt à le faire et à communiquer la liste des CEP, y compris à ses représentants du personnel.

9. Comment gérer les demandes de compte personnel de formation des salariés ? Puis-je les refuser ? Quel serait l'intérêt pour l'entreprise de gérer totalement le nouveau compte personnel de formation de ses salariés ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : La situation est différente si l'entreprise gère elle-même le CPF ou si elle en délègue la gestion à son OPCA

Le CPF est très différent du DIF, en ce sens qu'il appartient complètement et totalement au salarié. Hors temps de travail, le salarié est libre.

Par contre, si c'est en tout ou partie sur le temps de travail, l'accord de l'entreprise est nécessaire : elle se prononce sur le contenu et le calendrier adéquat de la formation (cette dernière ne devant pas désorganiser le travail).

Cependant, le CPF va plutôt s'imposer à l'entreprise. En effet, dans de nombreux cas, elle ne pourra pas le refuser au salarié comme lors d'une sanction qui entraîne un abondement du CPF. Il en sera de même pour une formation « socle de compétences ». Enfin, si c'est un CPF prévu par la branche professionnelle ou l'interprofessionnel ou si le CPF fait partie d'une démarche VAE.

Une piste de réflexion pour les entreprises se trouve dans la mise en place d'une communication proactive. En informant les salariés sur les programmes, les modalités et les orientations possibles, elle peut encadrer les demandes pour le bénéfice des deux parties.

10. Pouvez-vous expliquer le lien entre le compte pénibilité et le compte personnel de formation ?

Marie-Hélène SNYERS MICHAL : Le Compte Pénibilité peut s'ouvrir en fonction d'un certain nombre de pénibilités (10 catégories sont recensées pour l'instant, 4 mises en place en 2015 et le reste en 2016). Il sera crédité de 4 ou 8 points par trimestre selon que le salarié est exposé à 1 ou plusieurs facteurs de pénibilité à partir d'un certain seuil.

Cumulables et utilisables par 10, ces points peuvent être permettre de :

-          Partir en retraite anticipée (24 mois maximum)

-          Réduire son temps de travail sans perte de salaire

-          Se former : 1 point vaut 25 heures de formations, soit 250 heures de formation pour 10 points qui peuvent s'ajouter au CPF.

Le compte pénibilité peut donc abonder le CPF et permettre aux salariés de quitter un travail pénible, de se reconvertir et d'évoluer.

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