Incarner sa vision pour créer la confiance : aligner verbal et non-verbal

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5 questions à nos experts Jean-Luc Phulpin (Cultivateur d'influence) et Eric Morin-Racine (Toreador de la relation). Ils co-animent le module 2 du cycle "Leadership et Influence", intitulé " Incarner sa vision pour créer la confiance : aligner verbal et non-verbal"

1.  Quelles sont selon vous les composantes du leadership du 21ème siècle ?

Eric Morin-Racine - Je ne suis pas là pour transmettre ma vision du leadership mais pour vous accompagner à éveiller, développer, affirmer le vôtre. Peu importe ma vision des choses puisqu'à mon sens il n'y a pas un mais des leaderships. Le leadership n'existe pas sans l'individu qui le porte.

Jean-Luc Phulpin - Il est fou de vouloir être leader si l'on ne se connaît pas soi-même et si l'on n'a pas appris à connaître les autres. Mais le monde des « leaders » est peuplé de fous ! Ce module, par le langage corporel, met les leaders sur le chemin de cette découverte de soi et des autres.

2.  Pourquoi est-ce important de travailler son non-verbal ?

Eric Morin-Racine - Nous pourrions parler des nombreuses études qui démontrent son importance dans la communication, mais, posons-nous cette simple question : qu'est-ce qui me conduit à adhérer au propos de mon interlocuteur ? Son argumentation bien sûr mais aussi comment il me transmet son message, ses postures physiques, ses gestes, ses regards, son utilisation de l'espace, sa voix, ses intonations, son rythme.
Nous avons appris à argumenter, à offrir les mots justes. Qu'en est-il du reste ? Alors que bien au-delà des mots, mon attention se porte sur la cohérence entre ce qui m'est dit et comment cela m'est dit. C'est cette cohérence verbale/non verbale qui va me permettre de vérifier l'authenticité de « l'émetteur » et d'évaluer la résonance de son message avec mes propres valeurs.

Jean-Luc Phulpin - Travailler le langage corporel me permet d'être plus juste dans mon leadership ; c'est aussi une voie majeure pour comprendre mes interlocuteurs ; je ne veux pas dire « décoder », ce qui serait prétentieux et inexact, mais simplement capter des bribes d'informations que je vais questionner afin de mieux comprendre.

3.  Comment vous servez-vous du « masque neutre » pour travailler le non-verbal ? 

Eric Morin-Racine - Le masque neutre est né en Italie, au Théâtre Universitaire de Padoue. Jacques Lecoq, pédagogue et metteur en scène et Amleto Sartori, sculpteur et facteur de masques, lui donnent naissance en 1948.
Ce masque vient supprimer toute expression du visage (d'où son nom « neutre »). La conséquence en est un corps plus présent que jamais dans notre langage avec le monde. Sous ce masque la face c'est mon corps !
Sous ce masque nous comprenons et percevons immédiatement que notre corps parle et ne cesse de dire et peut-être même de nous trahir...
Enfin il nous démontre que bien plus que nos pensées, notre souffle est le véhicule privilégié de ce langage corporel. Avec lui nous allons donc pouvoir explorer notre langage non verbal et lire en lui comme dans un livre ouvert....

Jean-Luc Phulpin - On parle beaucoup actuellement des « neurones miroir » découverts par les neurosciences ; l'utilisation du masque neutre est une façon de les voir à l'œuvre : elle force en quelque sorte à écouter et provoquer cette résonance entre deux personnes, sans passer par l'observation habituelle mais limitante des expressions du visage. C'est parfois un choc pour certains d'entre nous de découvrir que jusqu'alors nous ne voyions les autres -et nous-même- que par le petit bout de la lorgnette.

4.  A quoi sert de maîtriser l'art de la transgression dans l'entreprise (exercice du masque de clown) ? 

Eric Morin-Racine - D'un point de vue conceptuel, la transgression signifie traverser la limite pour atteindre l'illimité. La transgression ne s'oppose pas à une limite mais elle franchit toutes les limites dans leur principe, c'est-à-dire qu'elle affirme la possibilité de vivre illimité (Wikipédia). La transgression a donc rapport aux les limites, et les limites au cadre.

Si je suis leader, ce cadre et ses limites me semblent parfois étriquées, obsolètes, Je dois donc être en capacité de les regarder pour atteindre l'illimité, ce qui est un angle particulier, un point de vue « décalé » du réel.
Il va également me falloir accompagner ces changements sans heurter frontalement.
Enfin ce cadre de ma vision de leader est lui-même fréquemment transgressé, remis en cause ; là encore il me faudra trouver la possibilité de répondre, de contourner cette transgression sans perdre mon cap.
Tout ceci correspond à un regard et un état particulier qui est celui du clown. Ce personnage ne refuse jamais. Tout ce qui se présente à lui il l'accueille, l'absorbe et le transforme comme il le souhaite...
Apprendre à le connaître c'est toucher l'illimité.

Jean-Luc Phulpin - Le leader est, par essence, un innovateur donc un transgresseur ; et chacun sait que la transgression appelle l'opprobre, la censure, la répression ; la transgression maîtrisée est donc bien un Art qui va permettre d'avancer aussi loin que possible sans heurter ceux que le leader veut faire bouger. C'est un exercice de grande précision, dans lequel le non-verbal joue un rôle déterminant.

5.  Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos parcours respectifs ?

Jean-Luc Phulpin - Dans mon expérience en entreprise, j'ai souvent mené des négociations complexes, en me demandant à la fois ce que pensait réellement mon interlocuteur et ce qu'il pensait que je pensais. Particulièrement avec des Japonais, réputés « poker face » et des nord-américains hyper démonstratifs. J'ai donc commencé à me former empiriquement avant de découvrir le monde du non-verbal, la complexité des émotions et les apports des neurosciences.

Eric Morin-Racine - Oui, bien que ce qu'il y a d'intéressant n'est pas le chemin parcouru mais bien celui qu'il nous reste à faire. Tout ce chemin pourrait se résumer en une seule question qui me hante : « Qu'est-ce que la présence ? ».
« Ah quelle présence a cet artiste ! » Mais qu'est-ce que cela veut dire ?

Je ne sais plus si cette question m'a mené à la scène ou si la scène m'a mené à cette question. Ce qui est certain c'est que j'ai cherché, exploré, creusé celle-ci avec la voix et le chant, le théâtre et enfin sans mot avec le clown.
Puis est venu le moment où cette Présence - ou ce leadership pourrait-on dire ? - ne devint plus important que pour l'aura de ma petite personne et les bénéfices narcissiques qu'elle pouvait m'offrir. Je comprenais que cette présence n'avait d'intérêt et d'existence qu'avec l'autre... Que sans cette « résonance » entre les êtres, nulle présence ne pouvait exister.
Depuis plus de dix ans il me tient à cœur d'accompagner que ce soit en arts et thérapie ou en médiation artistique tout type de public, adultes, enfants en situations de handicap psychique, social, cadre en entreprises...toutes ces personnes ont un point commun : le souhait de transformer quelque chose chez eux qui leur permettront d'aller "mieux" et plus loin.
Par la mise en mouvement créative de leur être, ils peuvent dans une relation distanciée mais néanmoins impliquée se confronter à ce qui aujourd'hui se présente à eux comme une butée pour transformer celles-ci, découvrir un nouvel élan et aller vers un « Être mieux ».

Interview réalisée le 25/01/2015

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