Psychologue en santé au travail : comment le métier évolue-t-il ?

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Interview de Stéphanie Mannechez, Psychologue du travail

Stéphanie Mannechez anime les formations :
- Psychologue en santé au travail
- Prendre en charge le stress post-traumatique

Comment évolue le métier de psychologue dans le domaine de la santé au travail ?

Evolutions du métier, évolutions du contexte ? Les deux vont bien entendu de pair. Le changement d'approche des organisations sur les aspects psychosociaux et, plus largement, la question du travail ont contribué à l'évolution de la place et à l'intégration croissante des psychologues dans les organisations.

Quels que soient leurs modèles de référence, ils sont davantage sollicités sur des aspects relavant de l'organisation, du collectif dans le travail et de la prévention. Les situations « déstabilisées » constituent encore souvent la porte d'entrée, expérience nécessaire à une remise en question et à la prise de conscience des acteurs de l'organisation.

Toutefois, les évolutions réglementaires et la diffusion progressive des rapports et outils ont contribué à faire émerger de nouvelles attentes. Dans ce contexte, le psychologue est le conseiller de la conduite de projet et des méthodes : de l'analyse de la demande à la mobilisation des acteurs, et à la mise en œuvre de plans d'action.

Le champ d'action des psychologues dans le domaine de la santé au travail est donc multi-facettes et déterminé par son cadre d'exercice, chacun approchant ces sujets selon ses modèles de référence :

  • accompagner les changements d'organisation et d'outils auprès de l'encadrement ;
  • conseiller et accompagner les «managers» dans le management du travail, en intégrant les aspects de la santé au travail, pour leurs collaborateurs comme pour eux-mêmes ;
  • soutenir et conseiller les professionnels en difficulté ou en situation de handicap dans la gestion de leur parcours professionnel et de leur santé, en portant notamment la réflexion dans l'organisation de travail en articulation avec ses acteurs internes et les acteurs de la prévention (médecin du travail et de prévention) ;
  • accompagner l'engagement et la mise en œuvre de démarches de prévention en santé au travail et de qualité de vie au travail, en appui des instances représentatives du personnel (CHSCT...) ;
  • conseiller, soutenir et orienter les acteurs des organisations confrontés à des crises ou des événements graves.

Quelle est la place du psychologue dans les démarches de prévention collective en entreprise ?

Je crois qu'il faut d'abord dire que les psychologues ont toujours abordé la question du collectif, quelles que soient les écoles et les approches.

Le sujet de la santé au travail aborde à la fois l'individu et le groupe, le professionnel, le personnel, l'intime, les relations ou collaborations de travail, et l'organisation. Les acteurs des organisations s'éveillent progressivement à ces enjeux. Mais la question du lien reste délicate bien que fondamentale.

Le psychologue accompagne les acteurs de l'organisation et ses partenaires pluridisciplinaires à décrypter les dynamiques à l'œuvre dans leur sein à travers l'explication des ressorts individuels et collectifs du travail, et à élaborer de nouvelles stratégies. Cette démarche participe de la mise en projet et de l'évolution des organisations dans leurs approches et leurs pratiques. Il accompagne l'élaboration et la formalisation de plans d'action. Il apporte un cadre structurant et fondateur dans le pilotage des projets de prévention, conseille sur les aspects « scientifiques » de la démarche, depuis l'analyse de la demande jusqu'à la mise en œuvre de la démarche par ses acteurs.

Quelles sont les principales problématiques que cette fonction rencontre au quotidien ?

Les difficultés du psychologue en santé au travail sont d'abord inhérentes à son cadre d'exercice.

L'organisation dans laquelle il intervient, sa mission, les moyens dont il dispose, conditionnent ses marges de manœuvre, ses contraintes et limites d'action.

Il est soumis à des compromis permanents (positionnement, collaborations, modèles, analyse, action). Cela est d'autant plus important que le psychologue est souvent isolé dans sa mission et parfois en butte à d'autres professionnels, notamment dans l'exercice encore fragile de la pluridisciplinarité.

La récence et la nouveauté des postes est également un paramètre important car il revient alors au professionnel de définir, voire de négocier son positionnement, au-delà de l'ambiguïté de la fiche de poste, à l'épreuve des faits, des besoins et des attentes réelles. Ces antagonismes poussent fréquemment à la remise en question jusqu'au sens de la mission.

D'autres contraintes sont liées au problème de définition des situations et des besoins par les acteurs de l'organisation. Les biais d'interprétation, induisant personnalisation, individualisation, médicalisation et judiciarisation des situations, déterminent les approches et les stratégies dans l'organisation. Ils conditionnent également les attentes, voire les prescriptions, adressées parfois de façon tronquées au psychologue.

La notion de « l'urgence » et la question du temps s'imposent par ailleurs comme un objet de négociation. Ces contraintes de l'organisation glissent vers le psychologue. Il tient là un rôle pédagogique à travers l'accompagnement de l'analyse des besoins et le choix des moyens d'action adaptés.

Quels conseils leur donneriez-vous pour faire face aux difficultés rencontrées ?

L'isolement est quasiment une constante dans la pratique du psychologue. Ce paramètre de l'exercice professionnel  est une source de fragilité dans le champ de la santé au travail.

Il est impératif de développer un réseau d'acteurs sur lesquels s'appuyer et avec lesquels articuler les actions du psychologue.

L'étayage auprès des pairs et dans la formation est également essentiel dans cet espace propice à la remise en question.

03/02/2015

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