Comprendre et gérer les pathologies psychiques au travail

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Interview de Sabrina Lomel, Psychologue clinicienne, et Cédric Girault, Chargé de mission handicap

Sabrina Lomel et Cédric Girault animent les formations :
- Gérer les pathologies psychiques au travail
- Burn-out : faire face au syndrome d'épuisement professionnel

Quelles sont les pathologies psychiques les plus fréquemment rencontrées dans le monde du travail ?

Le salarié agit sur le travail au même titre que le travail agit sur lui. L'individu, pour être performant et en tirer satisfaction doit s'investir dans sa tâche et, pour maintenir ce niveau d'investissement, doit être reconnu.  Autrement dit, le travail peut déclencher ou alimenter l'état de souffrance d'un individu tout autant qu'il peut lui permettre d'en sortir. Il peut rendre malade mais il peut aussi soigner.

La sphère professionnelle est donc un observatoire de choix pour voir naître ou se décompenser des pathologies psychiques. Les plus souvent rencontrées sont celles liées aux nouvelles formes d'organisation du travail à savoir : les états de stress post-traumatique, les troubles anxieux, les états dépressifs, le burn-out...

Toutefois, il n'est pas rare d'observer d'autres pathologies pour lesquelles le travail n'a pas de lien direct. En effet, la forte prévalence des troubles psychiques et la loi relative à l'embauche des travailleurs reconnus en situation de handicap (1987), ainsi que sa révision de 2005, font du monde du travail un lieu où le normal et le pathologique doivent cohabiter voire s'harmoniser.

A mesure que la frontière milieu protégé/milieu ordinaire s'étiole, la population d'actifs s'enrichit de personnes aux structures psychiques différentes. Malheureusement, le manque de formation et d'information ainsi que la ténacité des préjugés permettent rarement d'harmoniser ces différences au profit des compétences.

Quand peut-on dire que l'on bascule dans la pathologie ?

D'une manière générale, on peut dire que l'on bascule dans la pathologie lorsque le travail n'est plus une source d'épanouissement pour le sujet, mais devient une source de tension qui va affaiblir ses défenses jusqu'à les déborder.

L'être humain a des capacités d'adaptation mais celles-ci ne sont pas illimitées, et c'est lorsque celles-ci sont débordées et que l'individu commence à avoir recours à des stratégies de défenses que plane l'ombre de la pathologie psychique. C'est le premier signal d'alarme.

Un salarié qui se sent harcelé, par exemple, aura souvent tendance à mettre en place une stratégie d'évitement qui prendra la forme d'absences répétées.

Quels signes doivent alerter ?

D'une manière générale, il convient d'être extrêmement vigilant à tout changement qui concerne un salarié car, bien souvent, lui-même ne s'en rend compte que trop tard.

Il faudra donc prêter attention :
- aux changements d'attitude avec les collègues (irritabilité, repli sur soi)
- à la négligence vestimentaire
- à l'absentéisme répété
- à la perte de confiance en soi
- à la perte du plaisir à exercer son métier
- à l'isolement accentué
- à la perte du respect de soi
- ...

En quoi le travail peut-il générer ou influencer une pathologie psychique ?

« Il serait illusoire de penser que nous laissons notre histoire personnelle accrochée sur un cintre dans les vestiaires de notre lieu de travail. » Marie Pezé, Docteur en Psychologie.

Le travail entre fortement en résonance avec  notre identité. Il est bien plus que le lieu où elle peut se développer, s'épanouir. Il est en communication constante avec elle.

Or, on demande aujourd'hui beaucoup d'investissement aux salariés, qu'il s'agisse d'investissement intellectuel (exigence en terme de rendement, de qualité...) ou d'investissement affectif (adopter la politique de l'entreprise et participer à sa croissance, avoir de bonnes relations avec ses collègues et sa hiérarchie, participer à la vie de l'entreprise souvent sur son temps personnel...). Tout ceci a un coût psychique qui n'est malheureusement pas souvent reconnu ou gratifié, ce qui peut créer des états de frustration voire de souffrance psychologique.

L'impact du travail sur notre équilibre psychique est majeur. Il peut être le théâtre de son épanouissement ou de sa désorganisation.


Quelle seraient vos recommandations pour gérer un salarié souffrant de ce type de pathologie ?

2/3 des Français s'estiment insuffisamment informés sur la santé mentale et les troubles psychiques.
47 % des français associent les maladies mentales à des dénominations négatives : débile, attardé, aliéné, dément...

La première réponse va de soi : la formation.

La déconstruction des préjugés, la compréhension des fonctionnements humains et des pathologies psychiques permettent de dissoudre les sentiments de peur et de rejet dont souffrent ces salariés.

D'autre part, une meilleure connaissance des causes, des modes de déclenchement et des évolutions de ces pathologies permettent leur repérage précoce et donc la mobilisation de ressources internes (DRH, médecin du travail, collectif) et externes (psychiatre, généraliste, famille).


22/01/2015

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