Pénibilité au travail : maîtriser vos nouvelles obligations

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Interview de François Roche, Ergonome Consultant

François Roche anime la formation Pénibilité au travail : maîtriser vos nouvelles obligations.

En matière de pénibilité, quels sont les changements pour les entreprises au 1er janvier 2015 ?

Les décrets publiés en 2014 comportent deux changements principaux :
- la mise en place du Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité (C3P) qui traduit précisément les mesures de compensation pour les salariés exposés,
- la publication de seuils pour les 10 facteurs de pénibilité qui permettent de précisément évaluer l'exposition de ses salariés. A l'échelle des entreprises, ces deux documents constituent des obligations légales.

Pour 2015, la loi intègre 4 facteurs : le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, la répétitivité et le travail en milieu hyperbare. Si ce n'est pas déjà abordé, l'entreprise devra conduire cette année ce projet d'évaluation de l'exposition de ses salariés pour ces 4 facteurs de pénibilité.

En quoi consiste le compte pénibilité ?

Le C3P est un outil comptable permettant à chaque opérateur exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité de cumuler des points lui permettant d'accéder à des droits de formation, de travail à temps partiel ou de départ anticipé à la retraite.

C'est le « bras armé » de cette réforme, il met en lumière une des finalités de la loi : la compensation.

C'est aussi et surtout un levier pour le management de la santé au travail pour les employeurs. Les actions sur le versant de la prévention doivent permettre de maîtriser l'exposition d'une partie des opérateurs en engageant des actions sur les versants humains, organisationnels et techniques de leurs activités.

Quelles sont ses caractéristiques ?

Les principales caractéristiques du C3P sont les suivantes :
- des gains de points par trimestre et suivant le degré d'exposition, à un facteur unique ou à une polyexposition (supérieure ou égale à 2 facteurs),
- une utilisation des points par l'opérateur prioritairement dans une visée de formation professionnelle devant lui permettre une réorientation vers un poste moins pénible,
- la possibilité, à partir d'un certain nombre de points, d'utiliser le C3P pour aménager des trimestres en temps partiel sans impact sur la rémunération ou de cumuler des trimestres pour un départ anticipé à la retraite (8 trimestres maximum),
- des points cumulables plus rapidement pour les opérateurs les plus âgés (nés avant le 30 juin 1956),
- un plafonnement: le C3P ne peut excéder 100 points.

Quelles sont les pratiques de prévention et de traçabilité des expositions professionnelles à mettre en œuvre dès aujourd'hui ?

Deux actions de traçabilité sont explicitement exigées par la version actuelle de la loi :
- La fiche de prévention des expositions qui doit être rédigée pour chaque salarié.
- Le C3P doit être alimenté chaque année et pour chaque salarié de l'entreprise.

Sur un aspect méthodologique, la construction de ces deux documents constitue le préalable à toute action de prévention ciblée sur la pénibilité au travail.

La fiche de prévention des expositions devra être réalisée sur un format dynamique qui anticipe les actions futures de prévention, la mobilité éventuelle des salariés et dans certains cas, la rotation inter-postes. Le C3P sera alimenté, pour chaque opérateur, par la fiche de prévention des expositions.

Concernant les pratiques de prévention, elles seront diverses suivant les facteurs de pénibilité à maîtriser. Les facteurs de pénibilité liés aux rythmes de travail qui seront comptabilisés dès 2015 sont très souvent à analyser sous un angle organisationnel. Les notions de polyvalence, de sortie du travail de nuit et d'autonomie opératoire au poste de travail seront demain au cœur des réflexions à mener par les décideurs afin de réduire l'exposition de leurs salariés.

Si vous aviez 3 conseils à donner pour rédiger les fiches de prévention des expositions, lesquels seraient-ils ?

1) Le premier conseil est de mettre en place des solutions dédiées pour perdre un minimum de temps et d'énergie dans cet exercice comptable d'identification et de l'évaluation des 4 facteurs de pénibilité exigibles pour l'année 2015.

Cette fiche de prévention des expositions exige une définition opérationnelle de chaque facteur et une circonscription efficace des postes potentiellement exposés. Je préconise la mise en place d'un protocole d'évaluation par poste et sur deux niveaux pour les facteurs les plus complexes. Je pense ici au facteur répétitivité dont l'approche implique de correctement intégrer les notions très normées de « cycle » et « d'action technique », l'objectif étant d'identifier très rapidement et de manière certaines les postes clairement à distance des seuils définis par le décret du 7 Octobre 2014. Puis, dans une seconde approche plus fine, conduire les analyses qui s'imposent pour les opérateurs/postes qui (s')exposent à des facteurs de pénibilité au voisinage de ces seuils.

Se former à déployer une méthode efficace permet de gagner beaucoup de temps.

2) Mon second conseil porte sur le besoin pour l'employeur de compter juste dès le premier coup. Nombre d'entreprises et de collectivités que j'accompagne sont confrontées à des conflits internes sur les modes de comptage. La fiche de prévention des expositions est trop souvent un document socialement sensible...

Cette fiche doit être construite par la compréhension des facteurs de pénibilité en se basant sur leurs définitions légales et normatives. Objectiver et savoir expliciter précisément et simplement le mode de comptage permet de produire un document justifié et d'aboutir à un dialogue social apaisé sur le sujet.

Sur ce point, la répétitivité est un bon exemple : on peut rapidement se perdre et commettre des erreurs d'évaluation si on méconnait les corpus normatifs auxquels ce facteur renvoi ou si on ne possède pas une méthode comptable précise et référencée.

Se former à la construction d'une fiche d'exposition exhaustive et référencée permet de gagner du temps et souvent d'éviter des tensions internes.

3) Mon dernier conseil vise ceux dont l'entreprise compte apriori plus de 25% de l'effectif concerné par la pénibilité (avec l'obligation de conduire des négociations à l'horizon 2018). La loi pénibilité recèle de nombreuses options de prévention permettant de maîtriser une bonne partie des facteurs présents sur poste, parfois bien au-delà des seuils. Des préconisations organisationnelles (rotations prescrites), techniques (EPI, dimensions au poste) et humaines (modes opératoires économes) permettront de manœuvrer efficacement les indicateurs de seuil en prenant en compte pour chaque facteur des expositions les plus objectives possibles et au plus proches de l'activité réelle des opérateurs.

Se former à produire des actions de prévention efficaces pour chaque facteur de pénibilité représente une réelle opportunité de promouvoir la prévention en santé au travail et de maitriser ses futures cotisations employeurs.

03/12/2014

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