Vous souhaitez approfondir le sujet ? Nous en parlons lors de notre prochaine conférence d'actualité :
Nouveaux enjeux et perspectives du secteur social et médico-social pour 2015
Quelles nouvelles compétences pour les directeurs et les cadres ?
Philippe Gaudon : Le développement des 4 principaux secteurs de l'action sociale et médico-sociale a suivi des itinéraires historiques, sociologiques et économiques bien distincts et relativement cloisonnés.
Au terme de près de 5 décennies de fonctionnement en « tuyaux d'orgue », parfois même de rivalités, ces secteurs tendent à se rapprocher sous la pression de nouveaux besoins, nouveaux publics appelant des réponses globales, plurielles et coordonnées.
Il en est de même du rapprochement engagé des secteurs sanitaire et médico-social illustré par la vocation des ARS. Vieillissement des personnes handicapées, mineurs isolés étrangers, handicap complexes, soins palliatifs, SSIAD polyvalents... constituent des illustrations des coopérations nécessaires au service des personnes.
A l'instar de ces cloisonnements, les directeurs et leurs cadres sont longtemps demeurés cantonnés dans des « filières métiers », appelant des compétences techniques dans le seul secteur considéré.
Le récent référentiel de compétences du directeur d'ESMS marque la fin de cette ère pour promouvoir la polyvalence sectorielle en termes de management, politiques sociales, gestion et surtout projet d'établissement et coopérations.
C'est sans doute sur ce dernier volet que les compétences de l'encadrement sont désormais requises dans une perspective d'ESMS ouverts sur les réseaux de soins et d'action sociale.
Ce domaine d'expertise se déclinera désormais sur un territoire et plus seulement en « intra muros » de l'établissement.
Cette évolution suppose également chez ces encadrants des capacités étendues de management de la pluridisciplinarité des équipes, domaine parfois complexe...
Géraldine Magnier : Mon regard de médecin se porte nécessairement sur la nécessité, pour les équipes en place, de se doter des nouvelles compétences imposées par une forme de complexification des problématiques présentées par les usagers des ESMS, en raison de l'âge (personnes handicapées vieillissantes) ou de tableaux cliniques plus complexes associant des expressions variées de dépendances et de troubles (pathologies) somatiques et psychiques (enfants dits « incasables » ; démences...).
Cette reconnaissance impose aux acteurs en place un effort d'adaptation qui se doit d'être initié par l'encadrement en termes de réflexion éthique, sur le projet d'établissement ou service et qui passe nécessairement par une politique de formation.
Cette démarche, qui ne peut être brutale, relève parfois d'une véritable acculturation tant ces secteurs étaient parfois clivés et attachés à des cultures métiers spécifiques.
Le décloisonnement opéré se traduit notamment par des approches étendues de la « qualité », de la prévention et de la gestion des risques associant l'ensemble des communautés administrative, éducative et soignante.
L'ouverture aux partenariats territoriaux constitue également un fort défi que les ESMS doivent relever avec le souci de ne pas « morceler » l'accompagnement des usagers, ce qui suppose une bonne communication et l'effort réciproque de compréhension-coordination des interventions.
Quels obstacles à la mobilité intersectorielle ?
Philippe Gaudon : L'obstacle majeur à la mobilité me semble relever des éléments « culturels » précédemment décrits. Même si les choses évoluent, les « barrières à l'entrée » demeurent réelles dans les esprits de certaines organisations gestionnaires très attachées à leur histoire, leurs conquêtes et la représentation de la fonction de direction sous l'angle majeur de l'expertise métier.
Au-delà, la mobilité intersectorielle suppose l'acquisition de compétences techniques spécifiques dans les domaines de la gestion (ex : tarification des EHPAD), des réseaux propres (ex : MDPH - PJJ - SIAO...), et de l'analyse prospective des politiques sociales propres à chaque champ.
Selon les domaines de l'action sociale et médico-sociale, les « résistances » ou « préjugés » apparaissent variables.
Très vite toutefois, le directeur ou le cadre sera apprécié sur ses compétences managériales et sa capacité à communiquer avec ses équipes. N'est-ce d'ailleurs pas là l'essentiel ?
Géraldine Magnier : L'obstacle principal me semble relever du domaine « culturel » et des représentations qui demeurent attachées, dans l'esprit des professionnels, à chacun de ces secteurs.
L'encadrement des établissements et services est classiquement issu « du terrain », gage de compétences « métier » acquises in situ et de fait supposées reconnues par les équipes.
Il faut avoir acquis ses galons sur ce terrain... Ceci est particulièrement vérifié dans les champs du handicap et de la protection de l'enfance à forte tradition éducative.
Désormais, si l'on admet que les référentiels de compétences de l'encadrement portent davantage sur l'ensemble des volets managériaux, on devrait pouvoir admettre que la mobilité est plutôt heureuse et souhaitable, même au prix de l'acquisition des éléments spécifiques aux champs considérés.
Peut-être faut-il d'ailleurs y voir une certaine opportunité, notamment dans l'animation d'une pluridisciplinarité équilibrée qui ne prétend pas tout savoir mais bien tout entendre...
Quels impacts pour les ESMS en termes de stratégie et de fonctionnement ?
Philippe Gaudon : Les impacts de cette évolution sont déjà observés et imposent aux ESMS de revisiter leurs projets, leurs évaluations, parfois même leur bâti. Observer l'évolution des personnes accueillies, évaluer la globalité de leurs attentes, coordonner projets sociaux et projets de soins, élargir le spectre de son recrutement pour mieux répondre aux besoins... constituent des enjeux majeurs des projets qui excluent dès lors toute forme de « conservatisme ».
Mais l'évolution doit aussi se traduire en termes d'adaptation des plateaux techniques, par la formation des équipes et une GPEC inspirée. Enfin, la formalisation des coopérations et des réseaux sur le territoire est devenue incontournable pour prévenir les ruptures d'accompagnement et le meilleur service coordonné aux personnes accueillies.
Il demeure que cette noble ambition se heurte souvent à une rigueur budgétaire et l'application aveugle des principes dits de convergence qui n'encouragent pas l'accueil de publics considérés comme trop « complexes », requérant ad intra et ad extra des compétences élargies.
Géraldine Magnier : Une des conséquences majeure de cette évolution porte sur une stratégie d'ouverture des ESMS dans l'accueil de nouveaux publics et nécessairement la mise en place de nouvelles coopérations.
Au-delà de l'intention, ce sont les habitudes internes et externes de travail en commun qui doivent être revisitées, par l'analyse des pratiques, les informations partagées, la définition des rôles.
L'encadrement joue là un rôle majeur dans l'initiation et la formalisation de ces nouvelles coopérations, la sensibilisation des équipes à l'évolution des politiques publiques et l'inscription de l'établissement dans des stratégies de territoires.
Ces stratégies doivent être comprises par les équipes parfois logiquement trop affairées par le quotidien et la supposée stabilité du projet. L'évolution générale de cet environnement et des publics engage également des enjeux propres aux financements et aux conséquences des règles de la tarification (taux d'occupation - indicateurs de charges...) qui doivent être bien comprises.
Enfin, la politique d'amélioration continue de la qualité aura également, au-delà des rendez-vous imposés, un impact majeur sur la dynamique des établissements.
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