Prise en charge du stress post-traumatique : les conseils d'une experte

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Interview de Stéphanie Mannechez, Psychologue du travail

Stéphanie Mannechez anime les formations :
- Prendre en charge le stress post-traumatique
- Psychologue en santé au travail

A la suite de quels types d'évènements les salariés peuvent-ils être affectés par un stress post-traumatique ?

Il s'agit d'événements de nature violente, mettant en jeu la vie d'une ou plusieurs personnes, et susceptibles de précipiter un vécu de mort imminente chez les victimes et les témoins directs ayant vu la scène.

Ces événements violents recouvrent des réalités variées : confrontation directe avec la mort, à travers la découverte d'un corps, catastrophes naturelles ou accidents, agressions physiques mais également verbales, dès lors que la perception du risque de mort surgit dans l'esprit de la victime ou des témoins (tel que c'est le cas dans la situation de séquestration).

Pour autant, toute situation de violence ne génère pas systématiquement de stress post traumatique.

A quoi reconnaît-on un stress post-traumatique ? Comment le différencier du stress aigu ou chronique ?

Le stress est la réaction globale de l'individu confronté à une menace ou un obstacle (accident, deuil, conflit, examen, etc.) qui le déstabilise. Cette réaction à la fois physiologique et psychologique lui permet d'adapter ses comportements pour assurer sa survie et, dans une proportion moindre, de résoudre et de surmonter le problème auquel il est confronté.

Le stress aigu caractérise la réaction face à l'événement grave ou à un événement ponctuel déstabilisant. Manifestations gênantes (sueurs, tachycardie, troubles digestifs, etc.) et angoisse accompagnent le phénomène.

On parle de stress chronique lorsqu'une situation déstabilisante perdure ou qu'elle se répète, impliquant une confrontation récurrente au problème. Les effets sont plus diffus, révélant une dérégulation globale de l'organisme et l'association d'atteintes collatérales (maux de tête, de dos, de ventre, troubles du sommeil, irritabilité, anxiété, troubles de la concentration, etc.).

La nature des événements conditionne ainsi différemment la réaction de stress qui se manifeste de façon variable, en termes d'impacts sur la santé et de comportements.

Sur le plan psychique, le stress post traumatique est donc un phénomène distinct de la réaction de stress associée à tout événement perturbateur.

De manière très simplifiée, le traumatisme réside dans l'incrustation d'une image violente, agressive et irrépressible, dans « l'esprit » de la personne : l'image de la mort.Cette intrusion et la mécanique qui en découle est à l'origine de troubles caractéristiques qui se révèleront dans des jours, les semaines ou les mois suivants l'événement.

Le  processus pathologique qui s'engage marque une rupture avec l'état antérieur de la personne, source et témoin d'une grande détresse psychologique et humaine.

Les signes témoignant du stress post traumatique sont difficilement repérables en raison de leur apparition différée, l'établissement des liens restant donc complexe, et en raison du repli dans le silence des victimes. Les changements de comportement, l'état d'alerte et les troubles du sommeil constituent les premiers témoins du trouble.

Suite à la survenue d'évènements graves, quelles sont les actions pouvant être mises en œuvre ?

La gestion d'événement grave implique différents niveaux d'intervention :
- la gestion de crise,
- la prise en charge différentielle des victimes,
- l'accompagnement individuel et collectif du retour à l'équilibre.

Dans le premier temps, surprise et stupeur dominent. En conséquence, les premières actions déployées sont une réponse au stress aigu, au chaos, aux victimes et à leur entourage. Sur ce modèle, les priorités d'intervention consiste à :
- sécuriser, secourir et réconforter les victimes et les personnes présentes sur les lieux;
- identifier et prendre en charge les témoins directs de façon spécifique;
- organiser un dispositif interne (cellule de crise) permettant à chacun de trouver sa place dans la gestion de l'événement, dans l'articulation avec les relais externes et dans la gestion de ses conséquences à court, moyen et long termes;
- traiter et fiabiliser l'information, puis la communication sur l'événement: auprès des victimes, personnes impliquées, cadres, collègues et services, auprès des proches des victimes, des acteurs extérieurs (voisinage, clients, médias, etc.);
- restituer le cadre dans l'entreprise ou l'établissement mis à mal par l'événement.

La gestion de l'événement se poursuit ensuite dans l'accompagnement spécifique des personnes, des collectifs et de l'organisation à court et moyen termes (victimes, hiérarchie, équipes), selon des modalités variables.

L'approche pluridisciplinaire et globale (psychologique, médicale, organisationnelle, managériale) constitue la clé du retour à l'équilibre.

Quelles sont les principales étapes à respecter pour la constitution d'une cellule de soutien psychologique ?

Les caractéristiques de l'événement autant que la nature des rapports pré-existants dans l'organisation doivent être prises en compte dans le montage de la cellule.  Le cadre et la composition des groupes conditionnent la qualité, la sécurité et l'efficacité de des échanges.

Un ensemble de paramètres doit être apprécié :

  • Le premier est un critère essentiel dans le montage des dispositifs. Il s'agit de la place des personnes dans la scène et de leur degré d'implication (notamment en cas de responsabilité ou en présence d'un agresseur). L'enjeu est double: distinguer précisément les personnes soumises au risque de traumatisme, des autres, afin et anticiper d'éventuelles tensions lors de l'échange.
  • Le rôle et la place habituels de chacun dans l'organisation est également un aspect important (hiérarchie, collaboration, etc.).
  • La nature des relations antérieures à l'événement : cohésion, conflit, liens familiaux, etc.
  • Enfin, il s'agit avant tout d'être clair et en accord sur l'objectif de l'action (direction, CHSCT, médecin du travail, responsables) et de définir précisément les règles de fonctionnement de la cellule (participant, engagement, organisation, animation, modalités d'échange, confidentialité, etc.) et les modalités de suivi connexes.

10/07/2014

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