Entretien croisé entre Jean-Claude Bernadat et Philippe Gaudon

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En tant que spécialiste du secteur social et médico-social, quelle a été l'évolution la plus marquante de la fonction de directeur ces trois dernières années ?

JC Bernadat :

L'évolution la plus marquante de ces trois dernières années réfère, pour ce qui me concerne, dans mes fonctions de direction, à l'accroissement, à l'empilement des règlements, des normes et des recommandations de bonnes pratiques.

Le directeur doit, chaque jour un peu plus, être en veille réglementaire et mettre œuvre ces données au sein de l'établissement. Dans le même temps, les enquêtes, les statistiques demandées s'accroissent également.

Ainsi le directeur est de moins en moins présent sur le terrain et, de plus, doit répondre à ces prescriptions nouvelles sans ressources supplémentaires. Il gère chaque jour des injonctions paradoxales de plus en plus complexes.

Ph Gaudon :

Ces dernières années ont été marquées par une évolution très sensible de la fonction de Direction d'ESMS, eu égard aux attentes des autorités publiques traduites par la législation, mais également à "la forme" des relations entretenues (ARS - CPOM - Appels à projets...)

Les "exigences" de toutes formes, la formalisation imposée, la gestion des risques, les évaluations... sont autant de facteurs qui certes imposent de nouvelles compétences, mais également impactent le "style" de Direction, depuis les impératifs de gestion du temps (disponibilité aux équipes, usagers...) jusqu'aux implications dans la dimension "métier" de la vie de l'établissement.

Par ailleurs, les regroupements, fusions, coopérations ont modifiés la chaine des responsabilités et délégations désormais pluri formes selon les modèles d'organisation adoptés.

C'est dès lors à une forme de mutation sociologique de la fonction que nous assistons, renforcée par un large bouleversement "générationnel" et l'arrivée sur le "marché" de dirigeants issus d'autres secteurs et domaines de formation ou en reclassement professionnel.

Le (la) Directeur (trice) est désormais tout à a fois : un manager, un gestionnaire, un animateur de réseau, un concepteur de projet, un conducteur du changement et un chef d'équipe comprenant nécessairement des managers dit intermédiaires et des fonctions support renforcées.

Tout ceci génère certes des intérêts, motivations, formations très enrichissantes, mais ne l'ignorons pas, également des deuils ou frustrations d'une fonction plus essentiellement sociale voire clinique.

Quelles sont les actualités à venir (loi Autonomie, concertation sur les personnes handicapées vieillissantes, loi ESS...) qui selon vous impacteront le plus la fonction de directeur d'établissement dans un futur proche ?

JC Bernadat :

Dans mon secteur des personnes âgées, l'augmentation de la dépendance et des pathologies de ce public accueilli de plus en plus tardivement en EHPAD (accroissement de la durée de vie et maintien des séniors dépendants à leur domicile avec des aides diversifiées) supposera de mettre en œuvre des modes d'accompagnement plus lourds et de majorer la prestation de soins. Cette évolution qui nécessitera des ressources nouvelles devra se faire dans un contexte économique tendu avec la question du financement du cinquième risque. Là encore, comment faire plus et mieux avec des ressources en berne ? Dans ce cadre, la question du maintien des EHPAD dans le médico-social se posera et son transfert dans le champ du sanitaire sera à l'ordre du jour.

Ph Gaudon :

Toute loi touchant les personnes vulnérables ou les formes de gestion du secteur aura nécessairement un impact sur les Établissements et services inscrits dans ces champs.

Pour autant, les textes évoqués ne s'adressent pas directement à cette "cible", notamment, et on peut le regretter, la loi ESS qui semble ignorer les quelques 1,5 millions de salariés des branches BASS et BAD ainsi que les enjeux portés par les fédérations employeurs du secteur.

Les effets de ces textes seront sans doute à mesurer à plus long terme, ce qui est plutôt heureux car notre secteur ne peut vivre la "révolution permanente".

L'ensemble des réformes introduites depuis 10 ans réclament un processus d'assimilation et surtout d'accommodation nécessairement long. C'est en marche, mais il demeure urgent de ne pas trop multiplier les réformes.

Bonnes pratiques, évaluation, gestion maitrisée, réseaux, planification et dialogue social demeurent selon moi les axes prioritaires actuels.

Comment voyez-vous en 3 mots le directeur de demain, avec l'évolution des législations et plus généralement du secteur social et médico-social ?  

JC Bernadat :

Le directeur de demain sera un manager et non plus un gestionnaire. Ce dernier dispose d'une autorité concédée par l'employeur et par son statut et n'est plus suffisante au regard du contexte. Le manager acquiert son autorité par sa capacité à contribuer au bien-être des équipes, à faire de leurs membres des adeptes impliquées et volontaires des pratiques et de l'organisation mises en œuvre. Pour ce faire, il devra assurer un management participatif, informatif, formatif et évaluatif qui  impulse un développement continu des compétences, des conditions de travail satisfaisantes et une autonomie chez les professionnels concernés. Dans le même temps, le résident, l'usager sera considérer, pleinement, comme un client exigeant un service d'excellence. Le directeur de demain sera donc un manager, chef d'entreprise mais toujours garant d'un humanisme puissant et de valeurs intangibles. A ce titre, la gestion de l'information constituera un outil essentiel au service du management.

En conclusion, on peut souligner que ces trois questions et leurs réponses sont en synergie. Dans une société du risque zéro qui légifère jusqu'au moindre détail pour se prémunir de tout risque et positionne l'usager comme client, alors qu'elle dispose de finances en régression et accroit les droits des professionnels, le futur directeur ne pourra plus seulement gérer son établissement mais devra être innovant, créatif, visionnaire et disposer d'un leadership incontestable afin de connecter ces paramètres multiples et complexes.

Trois mots clés pour finir : leadership du manager, compétences des équipes et gestion de l'information.

Ph Gaudon :

A mon sens, le directeur de demain devra faire preuve d'une grande capacité d'anticipation. La démarche qualité sera également incontournable, bien qu'elle soit engagée aujourd'hui, notamment avec les procédures d'évaluations interne et externe. Enfin, des coopérations entre établissements et plus généralement entre les secteurs sanitaire et social et médico-social devront se mettre en place.

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