Actualité de la commande publique : interview d'un expert

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5 questions à :
Yves-René GUILLOU, avocat associé, Earth Avocats,
Professeur à l'Université de Lille, à l'ESSEC et à l'ENPC.


Directives Marchés : enfin l'adoption ?

Le 26 juin dernier, le Conseil de l'Union européenne, le Parlement européen et la Commission européenne ont trouvé un accord provisoire sur les grandes lignes qui devront prochainement faire l'objet de nouvelles Directives Marchés. Les membres de la commission du marché intérieur du Parlement européen l'ont approuvé le 5 septembre et il semblerait que ces nouvelles Directives doivent être adoptées au mois de novembre 2013.

Au nombre des propositions de la Commission Européenne qui devraient faire l'objet de nouvelles directives se substituant aux actuelles Directives 2004/17 et 2004/18, des avancées significatives en matière de simplification de la commande publique peuvent être relevées.

Les futures Directives Marchés auront pour première vertu d'intégrer la jurisprudence relative aux contrats in house, lesquels font l'objet d'une jurisprudence abondante et constructive.

Par ailleurs, il convient de noter que le recours à des procédures de passation, si ce n'est dérogatoires, du moins « non classiques » devrait être largement facilité. Procédure concurrentielle avec négociation et dialogue compétitif devraient être désormais mis en œuvre de manière bien moins contraignante dès lors que les conditions, alternatives, de recours à l'une de ces procédures ont largement été ouvertes.

La grande nouveauté devrait être la mise en place des partenariats d'innovation. La proposition de la Commission Européenne précise que la nouvelle procédure ainsi mise en place a pour objet « d'établir un partenariat structuré pour le développement d'un produit, de services ou de travaux innovants et d'acquérir ensuite les fournitures, services ou travaux résultants, à condition qu'ils correspondent aux niveaux de performance et aux coûts convenus. ». Cette procédure semble également souple dès lors que seuls les opérateurs économiques, à la suite de la publication d'un avis de marché, ayant demandé à participer et ayant reçu une invitation du pouvoir adjudicateur après analyse des dossiers de candidature, pourront participer à la procédure.

Le délai de transposition des nouvelles Directives Marchés est pour le moment fixé au 30 juin 2014.


Vers une nouvelle interdiction de soumissionner aux contrats de la commande publique ?

L'article 3 du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes adopté en première lecture par le Sénat le 17 septembre 2013, prévoit que les personnes (i) condamnées de manière définitive pour délit de discrimination (article 225-1 du code pénal) ou (ii) ayant méconnu les dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévues aux articles L. 1142-1 et L. 1142-2 du code du travail, ou, enfin, (iii)n'ayant pas respecté de l'obligation de négociation prévue à l'article L. 2242-5 du code du travail pourraient interdire de soumissionner aux contrats de la commande publique.

Ce nouveau dispositif vise ainsi à constituer un levier de la promotion de l'égalité professionnelle. Il devrait être suivi très prochainement de l'adoption d'un décret modifiant le code des marchés publics et le décret d'application de l'ordonnance du 6 juin 2005 afin que soient prises en compte au stade de l'attribution des contrats, les conditions dans lesquelles les candidats favorisent la mixité dans les métiers et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Cette dernière mesure, si elle devait être adoptée et validée par le juge administratif, devra être maniée avec une extrême précaution car il ne conviendrait pas que les acheteurs publics se substituent au législateur pour sanctionner des comportements parfaitement légaux et créent, ainsi, les conditions d'une discrimination à rebours.


Le « choc de simplification » des normes appliqué aux marchés publics

Inciter les acheteurs publics à utiliser toutes les souplesses offertes par les marchés à procédure adaptée (MAPA) ; généraliser la désignation, par le pouvoir adjudicateur, d'un interlocuteur unique auprès du titulaire du marché ; développer le recours à un document unique et simplifié regroupant l'ensemble des documents contractuels pour les marchés de petit montant, etc.  telles sont quelques-unes des mesures que le gouvernement souhaite mettre en place afin de simplifier les relations entre les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises.

On doit noter que nombre de personnes publiques n'ont pas attendu ce programme de simplification pour étudier les conditions à mettre en œuvre pour faciliter l'analyse des dossiers de candidature : outil de référencement, coffre-fort électronique, etc. , font ainsi partie des projets que certains « gros » acheteurs publics entendent mettre en place dans un délai rapproché.  


Vers une clarification des relations entre personnes publiques et associations ?

Simple subvention ou obligation de recourir à un marché public ? Cette question est régulièrement soulevée par des collectivités publiques dans le cadre de leurs relations avec des associations.

Le conseil d'Etat était venu préciser la distinction qui devait être faite.

Aujourd'hui, le législateur s'empare de la question et ambitionne de clarifier le régime juridique des subventions aux associations sur le fondement des critères dégagés par la jurisprudence administrative. En insistant sur le fait que les actions, projets ou activités doivent être initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires, l'article 10 du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire déposé le 24 juillet 2013 vise à clairement établir une distinction forte avec les projets initiés, définis et mis en œuvre par les collectivités publiques.

Par ailleurs, on peut noter que ce projet de loi (article 9) élargit à l‘ensemble des acheteurs publics l'obligation de mettre en place une stratégie d'achats publics socialement responsables par l'établissement de schémas de promotion des achats publics socialement responsables visant à établir des objectifs annuels de marchés intégrant des clauses sociales.


Une décision importante de 2013 : la limitation du nombre de lots pouvant être attribués à un candidat

Dans une décision du 20 février 2013, Société Laboratoire Biomnis (req. n°363656A), le Conseil d'état a clairement pris position sur certaines questions intéressant nombre d'acheteurs publics. 

Lorsqu'il décide de limiter le nombre de lots susceptibles d'être attribués à chaque candidat, le pouvoir adjudicateur n'adopte pas un critère de jugement des offres au sens des dispositions de l'article 53 du code des marchés publics mais définit, dans le cadre de l'article 10 relatif à l'allotissement, les modalités d'attribution des lots du marché. Une telle limitation visant à « mieux assurer la satisfaction des besoins [du pouvoir adjudicateur] en s'adressant à une pluralité de cocontractants ou de favoriser l'émergence d'une plus grande concurrence » est donc autorisée.

S'agissant d'un marché passé selon une procédure adaptée, les dispositions de l'article 80 du code des marchés publics relatives à la notification du rejet des offres ne sont pas applicables. Néanmoins, doivent être respectées les dispositions de l'article 83 prévoyant la communication d'informations à un candidat dont l'offre a été rejetée.

En principe, un candidat n'ayant pas présenté sa candidature pour l'attribution de l'ensemble des lots d'un marché n'est recevable à demander au juge des référés que l'annulation du lot pour lequel il s'est porté candidat. Cependant, par exception, le candidat évincé est recevable à demander l'annulation de la procédure des autres lots dès lors que le règlement de la consultation interdisait à tout candidat de se voir attribuer plus d'un lot. Cette interdiction a donc privé ce candidat de la possibilité de présenter sa candidature pour les autres lots.

Enfin, le juge du référé précontractuel n'exerce qu'un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation concernant les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence résultant de la définition d'un système d'évaluation des offres.

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