Nouvel encadrement législatif des marchés publics et des concessions dans l'Union européenne

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Par Séverine Chavarochette-Boufferet, Doctorante à Paris I Panthéon-Sorbonne, chargée de rubrique européenne à la revue CP-ACCP

En décembre 2011, la Commission européenne a présenté ses propositions de réforme de la législation UE sur la commande publique. Celles-ci s'insèrent dans un programme d'ensemble visant à une modernisation en profondeur de la commande publique dans l'Union européenne pour soutenir la croissance et l'emploi. Ce programme comporte la révision des directives relatives aux marchés publics (dir. 2004/17/CE relatives aux marchés des secteurs spécifiques et dir. 2004/18/CE sur les marchés publics), ainsi que l'adoption d'une directive sur les concessions, jusqu'à présent seulement partiellement réglementées au niveau européen.

La réforme de la réglementation existante en matière de marchés publics se concentre sur quatre priorités.

  • La simplification et l'assouplissement des règles et procédures.

Il est notamment ressorti des contributions recueillies au cours des consultations publiques, la nécessité de faciliter la passation des contrats pour les autorités adjudicatrices en offrant des procédures plus souples. La Commission approuve, en ce sens, le recours accru à la procédure négociée avec publication préalable. De même, la passation électronique des marchés publics est promue afin d'apporter plus de transparence encore sur le marché des contrats publics et d'accélérer leur attribution.

Par ailleurs, la proposition prévoit d'abolir la distinction traditionnelle entre services dits « prioritaires » et « non prioritaires », en ce qu'elle n'apparaît plus aujourd'hui justifiée. Toutefois, les services sociaux feront désormais l'objet d'un régime juridique particulier, compte tenu des particularités de ces services. Enfin, la proposition introduit une disposition spécifique au sujet de la modification des marchés en cours d'exécution qui reprend les solutions de base développées par la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GmbH, aff. C-454/06).

  • L'accroissement de la participation des PME.

Les options retenues ici par la Commission sont la simplification des formalités administratives, la limitation des exigences de capacité financière requises pour soumettre une offre, ainsi que l'incitation au lotissement des marchés et au paiement direct des sous-traitants.

  • Un meilleur usage qualitatif de la commande publique.

La proposition encourage, en effet, une approche qualitative dans les marchés publics, en particulier, lors de la passation des marchés publics de services sociaux. Elle prévoit explicitement, sans toutefois l'imposer, que les autorités publiques peuvent choisir les opérateurs sur la base de la seule qualité des services proposés, et ceci à l'exclusion du prix. Compte tenu de l'importance des services sociaux pour la cohésion sociale, la proposition prévoit également que les Etats membres doivent veiller à ce que les pouvoirs adjudicateurs puissent prendre en compte la nécessité d'assurer la qualité, la continuité, l'accessibilité, la disponibilité et l'exhaustivité des services, les besoins spécifiques des différentes catégories d'usagers, la participation et le renforcement de la position des usagers, ainsi que l'innovation. La proposition introduit d'ailleurs en ce sens une nouvelle procédure d'attribution, le partenariat d'innovation qui devrait pouvoir élever le niveau de qualité des prestations fournies.

En vue de poursuivre d'autres objectifs stratégiques, le projet prévoit notamment de prendre en considération le coût du cycle de vie du produit, le procédé de production, y compris, dans une certaine mesure les conditions de travail et le respect du salaire minimum et des conventions de l'OIT.

  • Une meilleure intégrité de la conclusion des marchés publics.

La réforme inclut, ici, des améliorations aux garanties existantes visant à contrer les conflits d'intérêts, le favoritisme et la corruption lors de la passation des marchés, ainsi que la création d'une autorité nationale unique en charge de la surveillance, de l'exécution et du contrôle des marchés publics.

La modernisation de la réglementation est également guidée par la volonté d'établir un cadre juridique clair et complet en matière de concessions de services. Il s'agit notamment de garantir l'accès effectif au marché des concessions de toutes les entreprises européennes, y compris les PME. Il s'agit également, le cas échéant, de permettre aux autorités adjudicatrices de procéder à des appels d'offres de manière transparente en vue de s'acquitter des missions de services publics qui leur incombent.

Les principales mesures de cette initiative législative sont les suivantes :

  • Sur la base de la jurisprudence la plus récente de la Cour de justice (CJCE, 10septembre 2009, WAZV Gotha c/ Eurawasser, aff. C-206/08; et CJUE, 10mars 2011, Stadler, aff. C-274/09), le champ d'application matériel concerne les accords de partenariat entre une entité généralement publique et une entreprise souvent privée, où celle-ci assume une part significative du risque d'exploitation relative à l'entretien et au développement des infrastructures ou la fourniture des services d'intérêt économique général.
  • Le champ d'application quantitatif se limite, quant à lui, aux concessions d'un montant élevé, c'est-à-dire, par analogie aux marchés publics, là ou l'intérêt transfrontalier est manifeste.
  • La majorité des obligations concernant le choix des critères de sélection et d'attribution applicables aux marchés publics sont étendues, certes de façon moins stricte, à toutes les concessions.
  • Pour le plus grand avantage des opérateurs économiques, certaines garanties de base concernant la procédure d'attribution sont désormais prévues. De plus, les bénéfices de la directive sur les recours en matière de marchés publics sont étendus à toute personne intéressée à l'obtention d'une concession.
  • Enfin, le régime des modifications de concessions en cours d'exécution est clarifié, sur le fondement des solutions développées par la jurisprudence européenne (CJUE, 13 avril 2010, Wall AG, aff. C-91/08; et 29 avril 2010, Commission c/ Allemagne, aff. C-160/08).

Conformément à la procédure législative européenne, les trois propositions de la Commission ont été transmises au Conseil des Ministres et au Parlement européen. Elles devraient être adoptées, comme annoncée dans l'Acte pour le Marché unique, pour la fin 2012.

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