Interview de Laura Derridj, sur les évolutions du paysage syndical suite aux dernières élections professionnelles

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Laura DERRIDJ anime les formations :
« Réforme du dialogue social dans la fonction publique »
« Droit syndical, dialogue social et droit de grève dans la FP »

Quelles sont les évolutions du paysage syndical suite aux élections professionnelles du 20 octobre ?

Avant de répondre à cette question, je rappellerai que, suivant la loi de rénovation du dialogue social du 5 juillet 2010, ces élections étaient, pour la première fois, communes à deux fonctions publiques : la fonction publique d'Etat (FPE) et la fonction publique hospitalière (FPH). Les prochaines élections concerneront, en outre, la fonction publique territoriale (FPT). Qui plus est, tous les agents publics ont pu y participer et pas seulement les agents titulaires. Ce sont, ainsi, environ 1 900 000 agents de l'Etat et 955 981 agents de la FPH qui étaient appelés aux urnes. Ce, pour renouveler pas moins de 1900 instances de concertation de l'Etat et 3800 instances de concertation de l'hospitalière.

Je préciserai, par ailleurs, que les instances de représentation du personnel renouvelées en 2010 n'étaient pas concernées par les élections du 20 octobre (cas du ministère de l'Intérieur et de certains corps des affaires étrangères et des affaires sociales, notamment) et que les élections du ministère de la Justice ont été repoussées au 22 novembre 2011, en raison de perturbations dans l'acheminement du matériel de vote.

S'agissant des résultats électoraux, ils révèlent une diminution du taux de participation, particulièrement marquée dans l'Education nationale (taux de 38.5%, que certains expliquent par l'expérimentation du vote électronique).

Dans la FPH, selon les informations quasi définitives fournies par le ministère de la Santé, le taux de participation a été de 50.59 %, alors qu'il était de 58.22%, en 2007. La CGT affirme sa prépondérance avec 33.51% des voix (31.48%, en 2007), suivie de la CFDT, avec 24.46% des voix, et de FO, avec 22.72% des voix. Les six autres syndicats qui se sont présentés sont en baisse : SUD (8.66%), Unsa (4.37%), la CFTC (2.83%), la Coordination infirmière (0.62%), le syndicat des managers publics de santé (0.42%) et la CFE-CGC (0.33%).

Dans la FPE, les informations provisoires communiquées par le ministère de la Fonction publique indiquent que le taux global de participation a été de 51.2%, ce qui constitue une chute d'une dizaine de points. La FSU conserve sa première place avec 17.1% des voix, devant FO, avec 16.7% des voix, et la CGT, avec 15% des voix. Arrivent, ensuite, la CFDT (14.6%), l'UNSA (13.8%), Solidaires (8.1%), la CGC (5.3%) et la CFTC (3.8%). La représentativité de ces syndicats, qui devra prendre en compte les résultats électoraux des élections de 2010, ne pourra, en outre, être mesurée que lorsque les résultats de certains scrutins seront connus (ministère de la Justice et France Télécom, notamment).

J'ajoute que la CFTC et FSU ont sévèrement critiqué la tenue des élections du mois d'octobre et que des recours ne sont pas exclus.

Quels sont les enjeux de ces élections ?

Ces élections qui s'inscrivent dans le processus de rénovation du dialogue social sont les « premières du genre ». Hormis les quelques changements que j'ai précédemment évoqués, je soulignerai que, pour la première fois, les agents de la FPE étaient appelés à élire leurs représentants aux CT « réformés ».

Surtout, la représentativité, issue des élections professionnelles, conditionne la participation des syndicats à la négociation qu'a consacrée la loi du 5 juillet 2010. L'article 1er de ce texte prévoit, en effet, que « sont appelées à participer aux négociations ... les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation ». La représentativité intervient également au niveau de la validation d'un accord négocié, celui-ci ne pouvant être valide que « s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié ». Plus complètement, jusqu'au 31 décembre 2013, un accord peut aussi être valide, s'il « est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au total au moins 20 % du nombre des voix et ne rencontre pas l'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales parties prenantes à la négociation représentant au total une majorité des voix ». J'observerai, ici, que, compte tenu des résultats électoraux sus évoqués,  les petits syndicats auront bien du mal à avoir quelque influence dans la négociation. Quant aux autres, il y a « fort à parier » qu'ils s'allient ponctuellement pour valider un accord ou s'y opposer.

J'ajoute que la représentativité conditionnera également l'attribution des droits et de moyens aux organisations syndicales.

Quel avancement quant aux nouvelles règles de répartition des moyens financiers et humains alloués aux organisations syndicales dans la fonction publique ?

Plus de trois ans après les accords de Bercy, signés le 2 juin 2008, et plus d'un an après la publication de la loi de rénovation du dialogue social dans la fonction publique, du 5 juillet 2010, un relevé de conclusions relatif à la modernisation des droits et moyens syndicaux a finalement été présenté par le ministre de la Fonction publique, le 29 septembre dernier.

Le Gouvernement s'y est engagé à traduire les principes qui en ressortent par une modification des décrets existant dans les trois fonctions publiques, c'est-à-dire, a minima, le décret n°82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique d'Etat, le décret n°86-660 du 19 mars 1986 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique hospitalière et le décret n°85-397 du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale.

Dépendront directement de la représentativité syndicale, entre autres, l'octroi de subventions, la répartition des contingents de crédits de temps syndical, le droit à un local syndical et le droit de tenir une réunion mensuelle d'information.

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