Psychologue en Santé au Travail

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Interview de Pierre-Eric Sutter, Psychologue du Travail.

Comment évolue le métier de psychologue dans le monde du travail ?

J'aurais envie de dire que tout change, mais que rien n'a changé pour ce métier...

Tout change parce que le travail a radicalement changé depuis au moins une vingtaine d'années. L'accélération de la financiarisation des organisations a considérablement changé la donne concernant le travail. Désormais, on peut souffrir gravement lorsqu'on a un travail, tout autant que lorsqu'on n'en a pas.

Les travailleurs entretiennent de fait une relation paradoxale avec le travail. Quand ils n'en ont pas, ils en recherchent un désespérément. Quand ils en ont un, certains font tout pour s'en évader, au moins psychiquement, parce qu'il les rend insatisfaits, voire parce qu'il les fait cruellement souffrir.

Ceci a pour conséquence que, plus que jamais, les salariés en souffrance ont besoin de soins, d'où l'effort national actuel pour améliorer la santé psychique au travail.

Mais ce qui me frappe, par delà les besoins en soins, est le besoin de sens au travail, tant pour les salariés en souffrance que pour tous les autres. De ce point de vue, le métier de psychologue n'a guère changé. Il s'agit d'être un tiers entre deux parties : une institution (l'employeur) et une personne en demande d'aide (le salarié en souffrance ou en quête de sens). Il s'agit de faire preuve de neutralité bienveillante en accompagnant ces parties, en les aidant à trouver une solution qui leur permette de trouver un terrain d'entente et de coopération qui ne soit générateur ni de pathologie, ni de non-sens.

Quelles sont les principales problématiques que cette fonction rencontre au quotidien ?

Du fait des évolutions du monde du travail, la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle est devenue de plus en plus poreuse. Il est de ce fait plus délicat de dénouer les fils des causes et conséquences des troubles liés au travail.

Plus que jamais, les psychologues doivent être rigoureux en termes de déontologie professionnelle, afin de préserver les intérêts des parties en présence : confidentialité et respect de la vie privée des salariés, contribution efficace aux obligations de moyen et de résultat des employeurs.

Mais plus que de rigueur, le psychologue doit faire preuve d'humilité. Le travail en interdisciplinarité est incontournable pour résoudre des problématiques de santé au travail qui touchent à des sphères de compétences multiples : physiologie, ergonomie, sociologie... Ceci n'autorise ni l'improvisation, ni l'amateurisme et encore moins le charlatanisme. Un psychologue n'est ni un médecin, ni un ergonomie, ni un sociologue, et vice versa. Ce qui veut dire qu'il doit être autant exigeant avec lui-même qu'avec les autres !

Un psychologue n'est pas non plus un "superman" de la santé psychique. Il lui faut parfois travailler avec des confrères plus spécialisés que lui dans tel maillon du traitement de la chaîne causale des troubles psychologiques.

Quels conseils donneriez-vous aux psychologues pour faire face aux difficultés rencontrées ?

Se souvenir des raisons pour lesquelles ils ont un jour décidé de faire ce métier : aider les autres dans la subjectivité de leur vécu, en toute objectivité. Bien que ce métier soit complexe et délicat parce que les sciences humaines sont régies par le principe d'incertitude, ne pas sombrer dans le psychologisme, l'idéologie ou l'angélisme, ne pas jouer les salariés contre leur employeur et vice versa.

Pour cela, se faire aider  par des pairs, en supervision ou en intervision quand les situations deviennent délicates. Et bien sûr, pour croître en prudence et en compétences, se former, tout au long de sa vie !

03/11/2011

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