Travail de nuit, travail posté, horaires décalés

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Interview de Faouzi Ouzzine, consultant en prévention des risques professionnels.

Il anime la formation Travail de nuit, travail posté, horaires décalés.

Quels sont les principaux effets des horaires décalés, travail posté, travail de nuit sur la santé ? 

Le travail en horaires atypiques concerne environ 20% de la population active. Il comprend les postes de nuit, les 3x8 ou horaires « coupés » avec des postes tôt le matin et tard le soir, ou encore le travail le samedi ou le dimanche (infirmières, pilotes de ligne, hôtesses de l'air, policiers, gardiens, médecins, internes, serveurs de restaurants, gérants de boîtes de nuit, journalistes, routiers, boulangers, travailleurs postés...).

Les spécialistes sont formels : le travail en horaires atypiques a des effets bien réels sur la santé. Il a notamment pour conséquence la désynchronisation des rythmes circadiens, qui est à l'origine de perturbations hormonales et métaboliques. Le travail de nuit entraîne également des troubles du sommeil liés à des facteurs chronobiologiques et un déséquilibre nutritionnel des salariés.

Les statistiques montrent par ailleurs que les accidents de travail, s'ils ne sont pas plus fréquents, sont généralement plus graves lorsqu'ils surviennent la nuit. Les accidents de la route entre le lieu de travail et le domicile constituent le principal danger.

Le travail de nuit est par ailleurs communément admis comme pourvoyeur de stress, de fatigue chronique et serait aussi responsable d'un risque aggravant de pathologie dépressive.

Les risques cardiovasculaires sont également accrus (hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque, instabilité pondérale, surconsommation de café, de tabac et d'alcool dans certains cas, dette de sommeil, sentiment d'isolement...).

Diverses études, dont celle du Centre international de recherche sur le cancer (IARC/CIRC), mettent en évidence un lien entre le travail de nuit posté et la probabilité de cancers (notamment cancer du sein et cancer colorectal), en raison de la perturbation des rythmes circadiens et de l'affaiblissement des défenses immunitaires.

Comment les entreprises peuvent-elles prévenir les risques liés à ces rythmes de travail atypique ?

- Evaluer régulièrement les répercussions physiques et psychologiques du travail en horaires atypiques sur la santé.
- Travailler en équipe pluridisciplinaire santé-sécurité au travail.
- Repérer des indicateurs de santé spécifiques à ce type de travailleurs.
- Associer le CHSCT à l'évaluation des risques liés au travail de nuit.
- Gérer les parcours professionnels en prenant en compte l'âge et les changements de situation familiale : instaurer des passerelles entre les horaires de nuit et de jour selon les périodes de la vie professionnelle.
- Informer, former et sensibiliser les salariés.

- Une surveillance médicale renforcée
Le rôle du médecin du travail est important auprès des salariés en horaires décalés. Chaque salarié travaillant de nuit doit effectuer une visite médicale par la médecine du travail tous les 6 mois.

- Un aménagement du poste de travail spécifique et les mesures de prévention pour réduire les risques
Afin de réduire les sources de pénibilité et faciliter le travail posté ou de nuit, il est conseillé d'améliorer les règles de sécurité et les dispositifs ergonomiques des postes de travail concernés (éclairage facilitant la lecture des modes d'emploi et fiches d'instructions pour une ligne de production...).

- Prévention de la fatigue
Pour éviter une fatigue chronique liée à des horaires contraignants, l'entreprise peut augmenter le nombre d'équipes et proposer des repos supplémentaires (réduction du temps de travail de nuit, rotations courtes de 2 à 3 nuits...).

- Une régularité des repas (effet synchroniseur)
Les salariés ayant la possibilité de se restaurer sur place avec des repas chauds aux heures habituelles peuvent davantage équilibrer leurs régimes alimentaires et prévenir les troubles digestifs liés aux horaires atypiques.

Pour un travailleur posté en 3x8, quels conseils donnez-vous en matière d'alimentation et de sommeil ?

La réponse n'est pas univoque, ni simple. Tous les salariés ne sont pas égaux face au travail en 3x8. Toutefois voici quelques conseils...

Pour l'alimentation :
- Quelque soit votre poste de travail, vous devez respecter un petit-déjeuner, un repas du midi et un repas du soir. Prendre si possible les repas à la même heure pendant la période de travail de nuit.
- Veiller à une alimentation variée et équilibrée, pauvre en graisses.
- Prévoir une collation vers 1h du matin.  Plutôt protido-glucidique (pain/poulet) que glucido-lipidique (pain/beurre/confiture).
- S'hydrater tout au long de la nuit. Les boissons alcoolisées sont déconseillées.
- Eviter les grignotages salés ou sucrés. Les prises alimentaires nocturnes ne doivent pas s'ajouter aux 3 repas principaux.
- Eviter l'excès de café, thé et autres excitants.
- Les troubles digestifs peuvent être aggravés par le tabagisme.

Pour le sommeil
- Essayer de dormir en moyenne 7 heures au cours des 24 heures, soit en une fois soit une nuit de 5 heures suivie d'une sieste avant la prise de poste.
- Maintenir un environnement facilitant le sommeil : température de la chambre, bruit, lumière, literie, confort...
- Eviter la consommation de l'alcool avant de se coucher.
- Eviter autant que possible la prise de somnifères.
- Réduire la consommation de la caféine ou tout autre stimulant. 

Et aussi :
Intégrer l'activité physique à votre quotidien. C'est un excellent moyen de prévention. Il ne faut pas oublier que les travailleurs postés sont sujets aux troubles gastro-intestinaux, à la prise de poids, aux maladies cardio-vasculaires, aux douleurs musculaires et articulaires ...

Les travailleurs doivent faire un bilan de santé au moins une fois par an et consulter leur médecin.

10/05/2011

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