Réussir sa stratégie de marque : interview de Pierre-Louis Desprez

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Pierre-Louis Desprez est Président du BEC-Intitute, il co-anime avec Georges Lewi la formation "Réussir sa stratégie de marque".

Qu'est ce qu'une marque ?

Une marque est une idée qui se loge dans la tête et qui vous fait voir le monde différemment. AUDI implante dans la tête des automobilistes, qu'ils soient clients ou non de la marque, l'idée que c'est technologique, donc que le produit incarne quelque chose d'innovant, et que c'est discret, donc que c'est moins un signe extérieur de richesse que d'autres marques plus démonstratives. MERCEDES jette dans les têtes une idée de solidité, de sécurité, et de statut, et BMW jette l'idée d'une sportivité. Ces trois marques sèment ensemble l'idée que c'est allemand, donc fiable, ce qui leur permet de créer la catégorie des voitures de qualité allemande à la différence des voitures japonaises, françaises, italiennes, américaines. Mais chacune structure différemment la vision que les automobilistes se font des voitures.

Avant même que l'on ait parlé des qualités intrinsèques du produit, l'idée qu'incarne la marque surnage, s'impose, attire ou au contraire repousse. Par exemple depuis plusieurs années TOTAL diffuse l'idée d'une dégradation de la planète, alors que sans pétrole notre quotidien ne fonctionnerait pas et que les résultats économiques de cette entreprise sont exceptionnels. Il y a donc marque lorsqu'on gère cette idée, et qu'on la transforme en un levier de préférence.

L'enjeu c'est de créer une idée qui donne envie. Concrètement, une idée qui pousse quelqu'un, un client par exemple, à préférer une marque à une autre, et par conséquent à acheter ses produits. La logique fonctionne dans cet ordre : on est devenu une marque lorsque le client va de l'idée au produit, et non pas du produit à l'idée. On constate que ce chemin se déroule dans cet ordre lorsque par exemple une marque innove. Quand LA LAITIERE lance pour la première fois des sorbets, aucun client ne les a encore goûtés, mais grâce à l'idée que la marque a développée dans la catégorie des yaourts et crèmes de dessert, une idée d'onctuosité et de qualité supérieure des ingrédients, le nouveau sorbet, dès sa commercialisation, incarne cette idée : le client bénéficie ainsi d'un repère, d'un fil directeur qui le conduit de la crème brûlée au sorbet framboise et le détourne autant que possible des marques concurrentes comme OASIS SORBET. Dernier maillon de cette chaîne de préférence : si l'idée obtient la préférence d'un client, alors ce dernier est capable de rester fidèle à cette idée-marque, voire de payer plus cher que pour une autre marque, car il supportera difficilement d'en manquer. L'objectif de toute marque, qu'on le veuille ou non, c'est d'aider l'entreprise à fidéliser et à conquérir de nouveaux clients.

Quelles méthodes employer pour créer une marque ?

Pour agir avec efficacité, il faut d'abord savoir qui on est. Sinon on tombe dans le désordre et on se disperse. La première étape consiste donc à connaître le contenu de sa marque en interrogeant le marché : quelle(s) idée(s) les clients et les non-clients associent-ils à la marque ?

Fort de cette connaissance, il est nécessaire de se demander si l'idée projetée aide ou dessert la stratégie de l'entreprise. C'est la phase deux, qui dépend de l'entreprise et non pas des feed-back du marché : par rapport à l'histoire de la marque, au code génétique comme on dit parfois, et en comparaison des concurrents, quelle idée veut-on que la marque incarne pour supporter le développement à venir de l'entreprise ? Dans cette phase on définit le projet de la marque. Pour y aboutir, il est utile de faire un détour par ce que d'autres marques ont réussi à faire sur d'autres marchés et dans d'autres catégories. Les analogies sont toujours nourrissantes !

Vient la phase de la mise en œuvre : comment au niveau du produit, de sa distribution, de son prix, de sa commercialisation, de sa communication interne et externe va-t-on faire pour faire vivre la marque ? Le plus grand risque, à ce stade, est de tomber dans la confusion produit/marque. La marque est toujours plus que le produit, mais ne vit pas sans le produit.

Enfin, mesurer régulièrement la perception de l'idée contenue dans la marque est nécessaire, car les marques concurrentes ont évolué et les besoins des consommateurs également. La mesure (baromètre quanti et quali) permet d'adapter le positionnement de la marque. 

Reste à se poser une question : peut-on dans tout secteur créer une marque ? SOMFY, JCDECAUX ont réussi à resegmenter leur secteur d'activité en devenant des marques, alors que leurs concurrents n'ont pas choisi cette stratégie. A terme, ces industriels qui disposent d'une marque ont construit un leadership plus solide que leurs concurrents.

Pourquoi l'attachement des consommateurs à la marque est-il de plus en plus fort ?

Dans tous les marchés il y a surabondance d'offres. Par conséquent, faire un choix devient de plus en plus difficile. Il faut donc aider les clients à faire leur choix lors de l'acte d'achat. C'est pourquoi les marques qui font leur travail sèment des repères qui aident les clients à faire leur choix. Et quand il y a satisfaction, il y a attachement : pourquoi changer de marque quand le repère qu'elle me propose me convient ?

Les autres clients peuvent aussi aider un client à réussir son acte d'achat : on voit bien l'influence des communautés d'internautes. Ce phénomène, dit de buzz positif, renforce encore l'attachement à une marque.

Comment estimer qu'une stratégie de marque est « réussie » ?

Lorsque, par une mesure adéquate, on constate qu'un produit est acheté pour l'idée qui est en lui et non pas seulement pour les qualités intrinsèques de ce produit. Dans ce cas, on peut dire que le travail des équipes qui gèrent la marque est une réussite. L'exemple devenu canonique est celui d'Apple : à fonctionnalité quasi égale, un Iphone vaut 200 € de plus qu'un Samsung ou un LG. Ce n'est pas seulement le design ni les fonctionnalités de l'Iphone qui expliquent cette survaleur, c'est foncièrement l'idée de « différence » que les équipes d'APPLE ont réussi à mettre dans les têtes des clients qui génère la préférence au moment de l'acte d'achat.

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