La fonction info-doc en 2011 : interview de Jean Michel

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3 questions à Jean Michel, consultant en management de l'information, de la documentation et de la connaissance et en management par la valeur. Il anime la formation : Managez et pilotez votre service information-documentation

La crise a été particulièrement ressentie dans les services documentation, selon vous, quel comportement adopter pour faire la différence et valoriser la fonction de documentation?

La crise économique actuelle touche effectivement de plein fouet les services de documentation et cela d'autant plus durement qu'elle accentue la tendance lourde depuis 15 ans de mise en cause des structures documentaires du fait de la généralisation des usages d'Internet et du document numérique. Plus que jamais, les services documentaires doivent  se repositionner dans les organisations. L'heure est donc aux opérations vérité. Si l'entreprise ne perçoit plus d'intérêt à maintenir en son sein un centre de documentation classique, autant supprimer celui-ci et proposer d'autres modalités ou formes de réalisation des fonctions tournant autour du management de l'information, de la documentation et de la connaissance. Pour reprendre la théorie schumpétérienne de l'innovation comme processus de destruction créatrice, les services de documentation doivent se libérer des anciennes pratiques aujourd'hui obsolètes et sans aucune valeur ajoutée réelle et viser résolument d'autres "niches de valeur". Ils doivent inventer d'autres modalités d'intervention en accompagnement des stratégies et des processus métier de l'entreprise. Cela passe par une meilleure compréhension des besoins institutionnels, par une meilleure implication de la documentation dans l'organisation même de l'entreprise, par de  nouvelles modalités de coopération et de contractualisation avec les acteurs et partenaires et par une innovation permanente mais responsable en matière de prestations offertes. Enfin, il ne faut pas hésiter à rejeter les argumentaires traditionnels de défense de la documentation en tant que métier pour aller vers d'autres pratiques de communication et de promotion de nature plus nettement fonctionnelle et entrepreneuriale.

Sur quels outils les professionnels de l'info-doc doivent-ils s'appuyer pour piloter efficacement leur service?

Le seul outil qui ne devient pas rapidement obsolète, c'est une tête bien faite. La technologie, les normes, les "trucs professionnels", les gadgets commerciaux changent souvent et à un rythme soutenu : ce n'est donc pas sur ces "béquilles" que l'on peut construire l'avenir. Certes il faut savoir maîtriser et bien utiliser les outils du moment (à la mode actuellement, les réseaux sociaux pour n'en citer qu'un). Mais le plus important pour une fonction et une profession opérant dans le champ du "tertiaire" et intervenant essentiellement comme instrument de médiation entre des hommes, c'est de savoir écouter et comprendre, c'est aussi d'interpréter des attentes et des besoins et d'anticiper des réponses pertinentes et intelligentes. En d'autres termes, on a surtout besoin de qualifications et de compétences de plus en plus élevées, avec des capacités évidentes à maitriser de nouvelles complexités à opérer selon de multiples dimensions (humaines, techniques, économiques, stratégiques...). En période de crise, je miserais délibérément plus sur l'intelligence que sur les seuls instruments. Imaginons un pilote d'avion qui ne se fierait qu'aux seuls instruments de bord de plus en plus muets alors que son avion traverse une forte zone de turbulence et commence une dégringolade infernale : in fine c'est bien  la compétence humaine qui permettra de s'en sortir.

D'après vous, quelles sont les priorités pour les services documentation en 2011?

Dans l'esprit de l'adaptation au contexte de crise et de la refondation des modèles d'organisation comme des prestations info-documentaires, je préconiserais surtout en 2011 de procéder à des évaluations "systémiques" des services de documentation. Il est temps de mettre à plat les dispositifs existants, d'en évaluer les forces et les faiblesses, de dégager les potentialités de développement et de valeur ajoutée, de cerner les marges nouvelles de manœuvre pour repositionner les services. Il n'est plus suffisant de se contenter des seules approches traditionnelles de gestion, des seuls tableaux de bord de routine ou des seuls dispositifs de maîtrise de la qualité, toutes pratiques indispensables en vitesse de croisière ("business as usual") mais inopérantes en situation de crise. La destruction créatrice selon Schumpeter nécessite beaucoup de lucidité  quant aux pesanteurs et potentialités d'innovation des organisations, et cela notamment à travers l'évaluation de la performance et de l'impact de celles-ci. C'est ce à quoi les services de documentation devraient s'atteler en priorité et sans tarder tout en se dotant de moyens en compétences pour penser et décider les nécessaires ruptures de pente et les développements des trois à quatre années à venir.

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