Actualité du contentieux dans les marchés publics, par le cabinet Yves-René Guillou Avocats

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Trois ordonnances des Tribunaux administratifs de Melun, Bordeaux et Marseille précisent la nature des moyens susceptibles d'être soulevés par les candidats évincés à l'appui de leur recours en référé contractuel.

L'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique et le décret en Conseil d'Etat n°2009-1456 du 28 novembre 2009 pris pour son application, créent et organisent une procédure de référé contractuel, qui permet de saisir le juge après la signature du contrat.

Ces dispositions, codifiées aux articles L.551-13 et suivants du code de justice administrative, comportent une ambiguïté s'agissant des moyens susceptibles d'être soulevés par les candidats évincés à l'appui de leur recours.

L.551-14 du Code de justice administrative prévoit en effet que « Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local ».

Cette disposition laisse penser que tous les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, dès lors qu'ils sont susceptibles de léser le candidat qui les invoque, peuvent être soulevés à l'appui d'un référé contractuel.

Pour autant, l'article L.551-18 du même Code vise des manquements précis aux obligations de publicité et de mise en concurrence (par exemple : aucune publicité ou absence de publicité au JOUE alors que celle-ci est prescrite), susceptibles d‘entraîner la nullité du contrat.

Ainsi, devait-on considérer que l'ensemble des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptibles de léser les candidats évincés pouvaient être soulevés, sur la foi de l'article L.551-14 du code de justice administrative, ou devait-on s'en tenir à une interprétation plus stricte, sur le fondement de l'article L.551-18 du code précité et considérer que seuls les manquements visés par le code étaient susceptibles d'être invoqués devant le juge du référé contractuel ?

Trois ordonnances de référé retiennent une interprétation stricte des dispositions du code de justice administrative.

Une première ordonnance rendue le 29 avril 2010, le tribunal administratif de Melun [1] adopte une interprétation stricte des moyens susceptibles d'être soulevés devant le juge du référé contractuel, en refusant de mettre en œuvre ses pouvoirs lorsqu'il est saisi de manquements aux obligations de publicité ou de mise en concurrence différents de ceux listés par l'article L.551-18 du code de justice administrative.

Deux ordonnances rendues au cours de l'été ont conforté l'interprétation du tribunal administratif de Melun.

Le tribunal administratif de Bordeaux a ainsi refusé, par une ordonnance du 28 juin dernier de faire droit aux conclusions tendant à la nullité du contrat, fondées sur le non respect des critères d'attribution à l'occasion de la procédure de passation, au motifs que ce manquement « n'est pas au nombre des manquements limitativement énumérés à l'article L.551-18 susrappelés, susceptibles d'entraîner le prononcé par le juge du référé de la nullité du contrat litigieux » [2].

Dans le même sens, le tribunal administratif de Marseille a, par une ordonnance du 8 juillet 2010, jugé que les moyens invoqués par la société évincée tendant à contester, d'une part, le motif de son éviction et d'autre part, la mention excluant la possibilité d'exercer un référé contractuel contenue dans la lettre de notification de son éviction, « n'étaient pas au nombre de ceux, limitativement énumérés à l'article L.551-18 du code de justice administrative, susceptibles de fonder un référé contractuel ».[3]

Les solutions adoptées par ces juridictions nous paraissent pour le moins critiquables, en ce que la lecture qu'elles font des dispositions du code de justice administrative restreignent considérablement les moyens invocables devant le juge du référé contractuel et partant, ont pour effet de priver le candidat évincé qui n'a pas pu introduire un référé précontractuel de l'ensemble des moyens tirés des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui les ont lésés.

Le débat est loin d'être tranché, le Conseil d'Etat ne s'étant pas encore penché sur la question.


Yves-René Guillou    Clémence Cordier    Marie Lhéritier         Benoît Descours


[1] Tribunal administratif de Melun, 29 avril 2010, Association Vivre Vite, req. n°1002057/2

[2] Tribunal administratif de Bordeaux, 28 juin 2010, SARL B. Electric, req. n°1001950

[3] Tribunal administratif de Marseille, 8 juillet 2010, SCP ESCCOM, req. n°1004015

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