Les aspects juridiques de la documentation

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3 questions à Laurence Tellier-Loniewski, Avocat à la cour d'appel de Paris, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, Cabinet Alain Bensoussan, qui co-anime la formation « Les aspects juridiques de la documentation » avec Anne Belmont et Florence Revel de Lambert du cabinet Alain Bensoussan.

Quelles sont les problématiques juridiques les plus délicates auxquelles sont confrontés les responsables documentation aujourd'hui ?

La plus grande difficulté vient, paradoxalement, d'une facilité : la facilité avec laquelle on accède à l'information aujourd'hui. L'information est beaucoup plus accessible aujourd'hui, grâce à internet et aux moteurs de recherche notamment, mais elle n'est pas plus libre, bien au contraire. Rares sont les données qui peuvent être librement exploitées. La plupart des textes (articles, rapports, colloques, thèses...), enregistrements audios, dessins, cartes, etc. disponibles sur internet sont protégés par des droits d'auteur.
Pour les photos et enregistrements vidéos, le droit à l'image des personnes représentées doit en plus être géré. Même les données brutes (dépêches d'agence de presse, statistiques, données chiffrées...), qui ne sont pas protégées par un droit d'auteur, ne sont pas pour autant toujours librement utilisables : la loi interdit en effet d'extraire un très grand nombre d'informations de la même base de données (même si l'accès à cette base est libre et gratuit).
On voit que l'utilisation de données trouvées sur internet implique d'obtenir des tiers de nombreuses autorisations d'utilisation. Cette démarche implique une grande rigueur et peut se révéler complexe, car la circulation de l'information sur internet rend difficile l'identification des sources d'une information.

Quelles sont les sanctions les plus fréquentes ? Avez-vous quelques exemples à nous délivrer ?

Il y a contrefaçon à chaque fois qu'une oeuvre est utilisée sans autorisation de son auteur (par exemple, lorsque l'extrait d'un ouvrage est reproduit sur un site internet sans autorisation) ou qu'elle est utilisée dans des conditions différentes de celles pour lesquelles une autorisation a été donnée (par exemple, lorsqu'une photographie est reproduite dans un ouvrage faisant l'objet d'une commercialisation, alors que l'auteur n'a donné son autorisation que pour une reproduction sur internet).
Le responsable d'une contrefaçon peut être poursuivi devant le juge pénal et condamné à une amende, voire à une peine d'emprisonnement. Mais, le plus souvent, celui qui a commis une contrefaçon est poursuivi devant un tribunal civil et condamné à cesser la contrefaçon et à verser des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi par l'auteur. Par exemple, une chambre de commerce et d'industrie a été récemment condamnée à verser 20 000 € de dommages et intérêts à un éditeur de presse pour avoir reproduit, sans autorisation, plusieurs articles publiés dans les magazines de l'éditeur.
Autre exemple : une société qui avait mis en ligne sur son site internet une carte géographique de l'IGN a été condamnée à verser à ce dernier 6 000 € de dommages et intérêts pour contrefaçon.

Quels sont les réformes en cours ou projets de loi qui impacteront fortement les services info-doc dans les années à venir ?

Il n'y a pas de grande réforme en cours en matière de droit d'auteur. Mais il peut être intéressant de parler de certains textes déjà adoptés, mais dont la mise en œuvre, encore limitée, devrait s'accentuer d'ici peu. Tel est le cas des médiatiques lois dites « HADOPI » 1 et 2, adoptées en 2009, qui sont venues renforcer la lutte contre la contrefaçon commise sur internet, en instituant une haute autorité de contrôle (l'HADOPI) et de nouvelles sanctions, notamment la suspension de l'abonnement à internet.
Ce renforcement de la lutte contre la contrefaçon devrait inciter les entreprises à mettre en place des « process » internes, destinés à éviter la commission par leurs salariés d'actes de contrefaçon dans l'exercice de leurs fonctions. Les services info-doc vont donc devoir être de plus en plus vigilants dans leur traitement des informations, d'autant plus que, comme je le soulignais ci-dessus, rares sont les données disponibles sur internet non protégées par les droits de tiers.
Moins médiatiques, les différents textes adoptés depuis 2005 posant un principe de libre réutilisation par tous, y compris à des fins commerciales, des données publiques détenues par les administrations, devraient également impacter les services info-doc. La mise en place des règles édictées par ces textes est longue mais, à court terme, les données publiques constitueront une source majeure d'information, fiable et peu coûteuse.

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