Santé au travail en milieu hospitalier : enjeux et prévention

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Interview du Docteur Anne Florentin, médecin du travail à l'hôpital Robert Debré à AP-HP  et collaboratrice du livre " Burn out et épuisement professionnel des soignants " aux éditions Masson.

Sur ce thème, Comundi vous propose la formation suivante animée par Anne Corentin: "Prévenir les risques psychosociaux du personnel hospitalier".

La commission de réflexion du gouvernement sur la souffrance au travail a présenté ses résultats le mois dernier. Qu'en pensez-vous ? Comment les établissements de santé se situent-ils ?

On ne peut que se féliciter de voir les pouvoirs publics s'emparer de la question de la souffrance au travail, même si de nombreux rapports ont déjà vu le jour. Il faut donc espérer que ces travaux donneront lieu à une véritable prise en compte sur le terrain de ce qui est un risque professionnel devant être traité comme tel par l'élaboration d'actions concrètes de prévention.
Ce rapport a le mérite de mettre en exergue un certain nombre de facteurs à même de générer de la souffrance chez les salariés. Individualisation, perte des collectifs de travail, intensification du travail, on retrouve ces facteurs dans les établissements de santé. Les nouvelles organisations du travail ont favorisé une culture de l'urgence, voire de l'immédiateté, une personnalisation accrue, ce qui contribue à la perte de sens du travail telle qu'on l'observe de plus en plus fréquemment dans nos hôpitaux.
Là comme ailleurs, l'intensification du travail et le modèle managérial et organisationnel institué conduisent à une mobilisation totale de la personne où les compétences requises ne relèvent plus seulement des connaissances techniques et des savoir-faire mais où l'investissement attendu relève autant du savoir-être, ce qui engage la personnalité toute entière.

Quels sont les enjeux de la lutte contre l'usure professionnelle pour la fonction publique hospitalière ?

Le principal enjeu est bien évidemment la préservation de la santé - physique et mentale - des personnels, ce qui est d'ailleurs une responsabilité de tout employeur qui a une obligation de résultats en matière de protection de la santé des salariés. Le manquement à cette obligation pourrait avoir le caractère d'une faute inexcusable.
On observe de plus en plus de personnels hospitaliers qui se disent " vidés ", en rupture avec le vécu antérieur de leur métier, évoquant le temps où leur travail avait " encore " un sens. Cette souffrance se manifeste souvent, au début, par de l'énervement, de la colère, une remise en cause fréquente de l'entourage professionnel. Ayant la sensation d'être broyés par un métier, ils alternent entre des manifestations de récriminations qui légitiment le fait de ne plus s'investir, de se replier sur eux-mêmes du fait de l'absence de reconnaissance attendue et un sentiment d'échec voire de honte devant leur incapacité à exercer correctement.
Petit à petit, le rapport au métier se modifie. Les soins deviennent difficiles : le rapport au patient est remis en cause avec parfois des comportements qui traduisent une forme d'agressivité ou de passivité à l'égard des patients. Cette situation pourrait s'apparenter à de la maltraitance.
L'un des bénéfices de la prévention de la souffrance des personnels hospitaliers est donc de garantir une meilleure prise en charge des patients.
Un autre bénéfice est lié aux conséquences de la souffrance du personnel sur l'organisation du travail et le fonctionnement de l'hôpital et en particulier sur l'absentéisme répété de courte durée, le turn-over important, les accidents du travail, la dégradation du climat social, la mauvaise ambiance de travail, la démotivation du personnel, les plaintes pour violence qui sont autant d'indicateurs de souffrance du personnel.

Quels sont les principaux axes de prévention à mettre en place dans les hôpitaux ?

Il convient en tout premier lieu de se méfier de toute approche qui serait systématiquement et exclusivement individuelle, même si bien sûr il est indispensable d'apporter une prise en charge adaptée à tout individu en souffrance.
On ne peut cependant pas faire l'économie d'une approche collective qui doit permettre d'identifier et de comprendre ce qui fait cause commune afin de pouvoir agir au niveau de l'établissement et enclencher une véritable démarche de prévention.
Il faut donc s'attacher à ce qui se passe au plus près de la réalité de terrain et en particulier aux facteurs liés au travail prescrit (quelle est la tâche demandée - quel est le contenu du travail - quelles sont les exigences quantitatives de charge de travail, de pression temporelle, de masse d'informations à traiter - quelles sont les exigences qualitatives de précision, de qualité, de vigilance - quelles sont les caractéristiques de la tâche en matière de monotonie, d'absence d'autonomie, de répétition, de fragmentation).
Il convient également d'étudier les facteurs liés à l'organisation du travail (absence de contrôle sur la répartition et la planification des tâches - imprécision des missions confiées - contradiction entre les exigences du poste "Comment faire vite et bien?" - inadéquation des horaires de travail aux rythmes biologiques, à la vie sociale et familiale - nouveaux modes d'organisation avec polyvalence croissante) et les facteurs liés aux relations de travail (manque de soutien de la part des collègues et/ou de l'encadrement - management peu participatif - absence de reconnaissance du travail accompli).
Ces actions, comme dans toute situation de relation travail/santé doivent être multidisciplinaires et engager l'institution.

Pour profiter de réponses complémentaires sur la Santé au travail en milieu hospitalier, Comundi vous propose la formation suivante:  "Prévenir les risques psychosociaux du personnel hospitalier".

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