Nouveau CCAG - Travaux et maîtrise d'uvre
Le nouveau CCAG-Travaux, tout en réglementant les relations entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur apporte d'importantes précisions quant aux obligations pesant sur le maître d'uvre dans le cadre d'une opération de travaux publics.
Ces précisons insérées dans le nouveau CCAG-Travaux ne sont pas sans conséquences juridiques. L'ensemble des praticiens qui ont l'occasion de gérer et/ou d'analyser des réclamations déposées par les entreprises ont pu, en effet, constater les carences de l'ancien du CCAG-Travaux quant à l'étendue exacte des obligations pesant sur la maîtrise d'uvre en matière de conduite de la mission « DET ».
Les décalages du planning d'exécution des travaux causés, ainsi, par une maîtrise d'uvre, trop souvent absente dans la conduite de sa mission de direction de l'exécution des travaux (« mission DET »), sont, ainsi, souvent assumés par le maître de l'ouvrage, sans que ce dernier ne puisse utilement se retourner contre la maîtrise d'uvre faute d'obligations claires et concises intégrées dans le CCAG-Travaux.
Il convient de noter, sur ce point, un réel effort du CCAG-Travaux pour expliciter les obligations du maître d'uvre. Ces clarifications devraient permettre au maître de l'ouvrage, confronté à une réclamation de l'entreprise, de répercuter une partie de cette réclamation sur la maîtrise d'uvre, dès lors qu'il est avéré que les préjudices subis par l'entrepreneur découlent d'une défaillance de la maîtrise d'uvre dans la conduite de l'exécution des travaux.
Sans que cette liste ne soit limitative, il est, ainsi, possible d'identifier les précisions suivantes apportées par le nouveau CCAG-Travaux sur les obligations pesant sur la maîtrise d'uvre :
- Sur le contour des obligations générales pesant sur le maître d'uvre - Le nouveau CCAG-Travaux complète l'ancien CCAG en précisant que le maître d'uvre doit assurer la conformité architecturale, technique et économique de la réalisation du projet objet du marché. Le nouveau CCAG-Travaux rappelle, ainsi, que l'une des principales missions dévolues au maître d'uvre consiste à «garder» le coût de l'ouvrage dans l'enveloppe financière. Le nouveau CCAG-Travaux précise, également, que le maître d'uvre doit assister le maître de l'ouvrage pendant la période de garantie de parfait achèvement. Cette précision est importante puisque le maître d'ouvrage se retrouve souvent seul pendant cette période,
- L'ordre de service est, désormais, nécessairement une décision émanant du maître d'uvre qui précise les modalités d'exécution de tout ou partie des prestations qui constituent l'objet du marché. Auparavant, les ordres de service étaient simplement nécessairement signés par le maître d'uvre.
- Paiement direct du sous-traitant - Le maître d'ouvrage doit désormais indiquer au sous-traitant que les demandes de paiement sont nécessairement adressées au maître d'uvre qui se vont donc confier la gestion du processus de paiement direct du sous-traitant (article 3.6.1.1);
- Délai pour procéder aux constatations - Le maître d'uvre dispose, désormais, un délai de 8 jours pour opérer les constatations contradictoires demandées par le titulaire. A défaut, le titulaire peut demander au représentant du pouvoir adjudicateur de procéder à de telles constations (art 12-6).
- Délai pour contrôler les demandes d'acompte mensuel - Le maître d'uvre notifie par ordre de service au titulaire l'état d'acompte mensuel et propose au représentant du pouvoir adjudicateur de régler les sommes qu'il admet. Toutefois, et cette nouveauté est de taille au regard d'un délai de paiement qui ne cesse de se raccourcir, cette notification intervient dans les sept jours à compter de la date de réception de la demande de paiement mensuelle du titulaire (art. 13.2.2);
- Projet de décompte général - Le nouveau CCAG-Travaux indique, désormais, clairement que le maître d'uvre n'établit qu'un «projet de décompte général». Le nouveau CCAG-Tx indique, ainsi, clairement que le maître d'ouvrage est la seule autorité compétente pour établir et notifier le décompte général, le maître d'uvre n'établissant qu'un «projet» de décompte général. Par conséquent le représentant du pouvoir adjudicateur peut modifier un «projet» de décompte général établi par la maîtrise d'uvre, qui selon le maître de l'ouvrage, ne correspond pas à la réalité de la vie du chantier.
- Contrôle de la traçabilité des matériaux - Le titulaire est tenu de mettre à la disposition du maître d'uvre les documents qui assurent la traçabilité des produits et matériaux mis en uvre (art. 21.1), qui doit donc assurer un contrôle sur la qualité des produits et matériaux utilisés par l'entrepreneur
- Délai pour contrôler un «produit équivalent» - Le maître d'uvre dispose d'un délai de trente jours calendaires pour accepter ou refuser le produit proposé en cas de matériaux présentés par le titulaire comme «équivalents» (art. 23.2);
- Contrôle et visa du plan d'assurance qualité - Si les documents particuliers du marché le prévoient, le titulaire établit un plan d'assurance qualité du chantier décrivant les dispositions relatives à la gestion de la qualité et le porte à la connaissance du maître d'uvre, qui le vise (art. 28.2.1);
- Maîtrise d'uvre, pilote et marchés allotis - Le nouveau CCAG-Travaux fournit, également, d'importantes précisions concernant la répartition des taches entre «pilote» et maître d'uvre en cas de travaux allotis, hypothèse loin d'être exceptionnelle en raison de l'article 10 du Code des marchés publics qui pose le principe de «l'allotissement» de la commande publique. En cas d'allotissement, le calendrier détaillé d'exécution est donc élaboré par le responsable de la mission d'ordonnancement-pilotage-coordination (OPC) du chantier, en concertation avec les titulaires des différents lots. Il est, ensuite, soumis par le maître d'uvre à l'approbation du représentant du pouvoir adjudicateur, au plus tard dix jours avant l'expiration de la période de préparation (art. 28.2.3)
Le CCAG-Travaux précise, en outre, que jusqu'à l'intervention d'un accord entre les entreprises concernées, le calendrier prévisionnel « contractuel » demeure inchangé. Nul doute que l'application de clause contractuelle va soulever des difficultés puisqu'elle suppose l'accord de l'ensemble des entreprises pour rendre contractuel un nouveau planning d'exécution.
En tout état, un délai de 10 jours avant la fin de la période de préparation pour le planning initial vient s'imposer au maître d'uvre de l'opération, pour notifier à l'ensemble des parties le planning de réalisation des travaux.
- Contrôle par le maître d'uvre de la «gestion de qualité» offerte par le titulaire - C'est ainsi que les résultats du contrôle intérieur sont adressés par le titulaire au maître d'uvre ou tenus à la disposition de celui-ci, dans les conditions précisées par le marché (art. 28.4.3). De même, l'ensemble des documents émis ou reçus par le maître d'uvre, concernant le déroulement du chantier, est répertorié historiquement par le maître d'uvre dans un registre de chantier signé contradictoirement par lui, et le titulaire ou chacun des membres, en cas de groupement (art. 28.4.5).
- Visa du maître d'uvre - Le délai de délivrance du visa du maître d'uvre est fixé à quinze jours (art. 29.1). Le non-respect de ce délai, assez court, pour obtenir le «visa» de l'ensemble des membres concernés du groupement de maîtrise d'uvre, risque d'engendre des retards d'exécution. De nouveau, si tel est le cas, le maître de l'ouvrage pourra répercuter sur la maîtrise d'uvre l'indemnité à verser à l'entreprise.
Ces quelques exemples démontrent les modifications et éclaircissement apportées aux obligations pesant sur le maître d'uvre. Demeure une problématique : ces obligations sont intégrées dans un texte qui ne présente aucun poids juridique à l'encontre du maître d'uvre. En effet, le CCAG-Travaux ne constitue généralement pas une pièce contractuelle du marché de maîtrise d'uvre. Dès lors, pour donner une certaine force juridique à ces nouvelles obligations, le maître d'ouvrage se trouve dans l'obligation de les intégrer dans le CCAP du marché de maîtrise d'uvre.
Cet exercice forcé devrait conduire le maître de l'ouvrage, d'une manière plus générale, à intégrer dans le CCAP des clauses contractuelles lui permettant de répercuter sur le maître d'uvre les réclamations déposées par les entreprises à raison des retards constatés sur le chantier découlant d'une mauvaise conduite de l'exécution des travaux.
Antoine Alonso Garcia