Interview sur les clés d'une fonction achats performante

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4 questions à Jean Idier, président de IDJ Consult, qui anime la formation L'acheteur performant.

1/ Quels sont les principaux enjeux actuels de la fonction achats ?

Une fonction achat performante ne signifie pas simplement un service (une direction) achat performant(e). C'est l'ensemble des intervenants au processus achat qui doit être performant, dans sa globalité : prescripteurs, utilisateurs, acheteurs mais aussi les services commerciaux, juridiques, le contrôle de gestion, les services financiers et comptables, la DRH, la R&D. Et c'est bien ici qu'intervient le rôle fondamental d'une direction générale pour y veiller : mettre en œuvre l'organisation, les objectifs qui favorisent et encouragent le travail en commun, caractéristique des entreprises dont les achats sont les plus performants.

L'enjeu final est de contribuer à la compétitivité de l'entreprise sur le marché, en fournissant en temps et en heure les produits et services nécessaires, à un coût au moins aussi bon et si possible meilleur que ce qui est obtenu par les entreprises concurrentes. La fonction achat s'inscrit alors comme levier stratégique pour atteindre les objectifs de l'entreprise. Les leviers opérationnels permettront d'atteindre l'objectif principal. Nous pouvons les classer en 3 catégories.

- Acheter « mieux » et notamment : regrouper les achats (ce qu'on appelle la « mutualisation », les « accords cadres »), mettre régulièrement en concurrence, apprendre à mieux négocier (avec des objectifs de négociation)

- Acheter « moins » par exemple : éviter le gaspillage, attirer l'attention des opérationnels sur le coût souvent très élevé d'une mauvaise utilisation du matériel (coûts de maintenance), penser à reprendre en interne les sous-traitances lorsque l'activité se réduit

- Acheter « utile » : veiller à ne pas acheter de la sur-qualité (coût élevé sans avantage réel pour le client), permettre aux fournisseurs de proposer des solutions nouvelles, moins chères et satisfaisant le besoin.

Aujourd'hui, dans quasiment toutes les entreprises c'est le levier opérationnel « acheter utile » qui constitue le gisement le plus important d'économie (40 % en moyenne et souvent davantage). Paradoxalement c'est le gisement d'économie le moins bien exploité. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il nécessite une pleine coopération entre les acheteurs et leurs collègues des autres services.

2/Quel rôle joue la communication dans la performance des achats ?

Les acheteurs sont de plus en plus des acheteurs « professionnels » qui connaissent les méthodes à mettre en œuvre pour bien faire les achats alors que leurs collègues ont bien d'autres préoccupations en tête dans l'exercice de leur fonction.

De leur capacité à communiquer dépend pour une bonne part la performance achat de l'entreprise : il ne suffit pas d'avoir l'appui de la direction de l'entreprise pour que les bonnes pratiques soient mises en œuvre. Encore faut-il que les collègues comprennent pourquoi ces pratiques sont nécessaires et avec quels résultats. Leur participation « active » est essentielle.D'où la nécessité pour les acheteurs de communiquer avec leurs collègues et leur hiérarchie sur les moyens mis en œuvre, et sur les résultats obtenus avec leur participation. Sans cacher les difficultés éventuellement rencontrées.

La mise en place d'un tableau de bord, validé par le Contrôle de Gestion prend ici tout son sens.

Un exemple remarquable : il y a quelques années une grande entreprise française de travaux publics créait une direction des achats confiée à une jeune femme. Quel objectif lui était fixé pendant un an ? De réduire les coûts ? Non. Pendant un an elle devait faire la tournée des chefs de chantiers, comprendre leurs besoins, et leur expliquer les pistes d'améliorations qui méritaient d'êtres explorées. Objectif remarquable qui montrait la compréhension par la direction de cette entreprise de la nécessitée de communiquer, en matière d'organisation et de bonnes pratiques achat, avant toute mise en œuvre pour en mieux garantir le succès.

3/ Comment favoriser l'innovation des fournisseurs ?

La première règle est d'exprimer le besoin en termes de fonction à remplir. C'est l'élaboration d'un cahier des charges « fonctionnel » par opposition à un cahier des charges simplement « technique ».

La responsabilité de l'élaboration du cahier des charges revient au prescripteur, à l'utilisateur. Ce sont eux qui connaissent leur besoin, le besoin du client final avec les commerciaux. Leur tentation est grande d'aller directement au résultat, aux solutions connues déjà utilisées avec le(s) fournisseur(s) habituels. Le rôle principal de l'acheteur est ici de s'assurer que le cahier des charges est bien « fonctionnel ». C'est son rôle de gardien du processus, de la méthode.

En face d'un cahier des charges « fonctionnel », le fournisseur pourra proposer ses solutions, souvent nouvelles, parfois innovantes. Encore faut-il que l'entreprise soit prête à les accepter, à convenir que le fournisseur est un expert dans son métier, que ses solutions peuvent être meilleures que les solutions précédentes. Ce n'est pas toujours évident pour les responsables de bureaux d'étude.

4/ Que diriez-vous aux chefs d'entreprises pour rendre leur fonction achat plus performante ?

Si n'est pas encore le cas, mettez la fonction achat au même rang de vos préoccupations que la finance, le commercial, les ressources humaines,... et réservez le temps nécessaire dans votre agenda.

Assurez vous avec votre comité directeur que les objectifs des différents services sont cohérents avec une fonction achat performante et que ces objectifs ne sont pas au mieux indépendants, au pire contradictoires.

Mettez en place une organisation favorisant et encourageant le travail en commun. Au moment de préparer les objectifs individuels de l'année, fixez quelques objectifs très concrets de réduction des coûts partagés entre par exemple le bureau d'étude, la production, les achats. J'ai par exemple vu des formations aux achats demandées par des bureaux d'étude sans que la direction achat en soit même informée. Et les formations en commun acheteurs-prescripteurs-utilisateurs sont encore rares.

Impliquez explicitement votre contrôle de gestion (dans sa définition de fonction) à la définition, à la mesure et au contrôle des indicateurs de performance de votre fonction achat : mesure des économies (gains sur achats), impact sur le compte de résultat, mise en œuvre des bonnes pratiques (KPI : Key Processus Indicators).

Dans votre réflexion interrogez-vous sur les conditions de la performance achat :

- Avoir les bonnes ressources humaines aux achats (nécessaire mais non suffisant)

- Avoir les bons outils (système d'information achat, mais pas seulement)

- Avoir la bonne organisation (sur ce quoi nous venons d'insister)

L'ensemble de ces trois conditions, chacune nécessaire mais non suffisante, permettant de mettre en place de nouvelles relations avec les fournisseurs et de tirer le meilleur parti de leur expertise.

Une dernière remarque ?

Oui, destinée aux responsables achats : dans le cadre de votre responsabilité d'une bonne communication, n'hésitez pas à transmettre cette newsletter à vos directeurs, directeurs généraux ou présidents. En rappelant qu'une fonction achat performante rapporte en montant d'économie annuelle trois à quatre fois ce qu'elle coûte en coût complet (masse salariale, fonctionnement et dépenses d'investissements). Et les meilleures (peu il est vrai) atteignent et maintiennent un ratio de 1 à 10.

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