3 questions à Yves-René Guillou, Clémence Cordier et Marie Lhéritier, avocats, cabinet Yves-René Guillou Avocats

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Quelles sont les nouveautés introduites par l'ordonnance du 7 mai 2009 transposant la directive recours n°2007/66/CE ?

Par une ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, la France vient de transposer la directive n°2007/66/CE, chargée d'améliorer l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics avant et après la signature des contrats.
Cette ordonnance sera complétée par un décret en Conseil d'Etat qui devra préciser un certain nombre de modalités de mise en œuvre des recours, notamment le délai d'introduction du référé contractuel.

Cette ordonnance apporte quelques modifications aux règles régissant le référé précontractuel (en particulier, la règle de suspension automatique de la signature du contrat dès la saisine du Tribunal administratif, article L. 551-4 du CJA) et complète le dispositif des recours en matière contractuelle en créant un référé contractuel qui a pour objet de sanctionner, après la conclusion du contrat, les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence.
Aucune nouveauté n'est prévue s'agissant des personnes habilitées à agir et des contrats concernés. Les personnes concernées sont classiquement celles qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats conclus par une collectivité territoriale ou un établissement public local.

Les contrats concernés sont ceux dont la passation est soumise à une obligation de publicité préalable passés par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice, c'est-à-dire l'ensemble des contrats de la commande publique. Toutefois, l'article L. 551-15 du Code de justice administrative prévoit deux restrictions, s'agissant des contrats non soumis à une obligation de publicité préalable ou soumis à cette obligation mais pas à celle de communiquer la décision d'attribution aux candidats retenus, et pour lesquels les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ont rendu publique leur intention de conclure ledit contrat et attendent un délai de onze jours après cette publication pour le signer. S'agissant de ces contrats, seul le référé précontractuel pourra être introduit.

Dans le cadre du référé contractuel, les pouvoirs du juge sont étendus. Il peut suspendre l'exécution du contrat pour la durée de l'instance. Il doit prononcer la nullité ou l'annulation du contrat dans quatre cas (article L.551-18 du CJA) :

- en cas d'absence de toute publicité ou de défaut de publicité communautaire

- en cas de non respect des obligations de remise en concurrence pour les accords-cadres et pour les systèmes d'acquisition dynamique

- en cas de signature du contrat avant l'expiration d'un délai de signature

- en cas de signature du contrat avant la notification de l'ordonnance de référé précontractuel au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice concernée

Dans les deux derniers cas, la nullité sera prononcée d'office par le juge si deux conditions cumulatives sont réunies :

- que la signature du contrat prive le plaignant de son droit d'exercer un référé précontractuel

- et que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles la passation du contrat signé était soumise aient été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat

Toutefois, si une raison impérieuse d'intérêt général s'oppose à la nullité du contrat dans les quatre cas précités, c'est-à-dire si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées, si l'intérêt économique atteint n'est pas directement lié au contrat, ou s'il s'agit d'un contrat de délégation de service public, le juge peut d'office, prononcer sa résiliation, réduire sa durée ou infliger une pénalité financière, qui ne peut excéder 20% du montant hors taxe du contrat (L. 551-19 CJA).

Par ailleurs, les mêmes recours - référé précontractuel et référé contractuel - sont ouverts devant le juge judiciaire pour les contrats de droit privé relevant de la commande publique.
Enfin, les modalités de calcul du délai de suspension pour les contrats de partenariat soumis à l'ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 ont été modifiées.

Dans quelle mesure cette nouveauté réglementaire va-t-elle faire évoluer les procédures contentieuses dans les contrats publics ?

Cette nouvelle voie de recours vient compléter la matrice des recours contractuels existants, en permettant notamment de sanctionner le non respect du délai de signature du contrat.
En revanche, le nouveau référé contractuel ne constitue pas une voie de secours qui serait ouverte aux candidats évincés, en cas d'échec du recours en référé précontractuel. Le référé contractuel n'est en effet pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel, dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension.
Enfin, l'introduction de ce référé contractuel pose la question des conditions de survie de la jurisprudence « TROPIC » qui permet non seulement de sanctionner les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence, mais encore toutes les irrégularités affectant le contrat. Cette question se posera avec plus d'acuité encore lorsque les délais de mise en œuvre du référé contractuel seront connus.

Comment les acteurs de la commande publique peuvent-ils s'y préparer ?

De manière générale, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices doivent, comme auparavant, s'attacher au renseignement scrupuleux de l'avis de publicité et de l'ensemble des documents de la consultation en toute cohérence. Plus particulièrement, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices doivent se prémunir contre les cas de nullité prévus par l'ordonnance et pour lesquels le juge n'a pas ou peu de marge de manœuvre, selon les cas. Ils doivent ainsi :

- s'abstenir de signer le contrat avant l'expiration du délai de suspension ou avant la notification de l'ordonnance de référé précontractuel au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice concernée

- s'assurer que la publicité adéquate a été mise en œuvre tant au plan interne qu'au plan communautaire,

- s'assurer de la mise en œuvre des obligations de remise en concurrence pour les accords-cadres et pour les systèmes d'acquisition dynamique.

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